Théâtre : Fin de partie, de Samuel Beckett - Avec Denis Lavant et Frédéric Leidgens - MES Jacques Osinski - Théâtre de l'Atelier - Jusqu'au 5 mars 2023

Crédit Pierre Grosbois


Les quatre survivants d’une apocalypse nucléaire vivent une journée comme les autres. Hamm, aveugle en fauteuil tyrannise Clov, son domestique boiteux qui répond aux ordres les plus absurdes de son patron. Hamm pérore, réminiscences diffuses d’un avant. Clov rêve de quitter Hamm, caresse même l’idée de tuer son maître pour se libérer. Nag et Nell, les vieux parents impotents de Hamm ont perdu leurs jambes dans un accident. Désormais, ils vivent dans des tonneaux, des poubelles, réduits au bon vouloir de Hamm qui les rudoie.  

Fable dystopique, conte post-apocalyptique grinçant, la pièce de Samuel Beckett créée en 1957, associe une noirceur radicale et le burlesque acide. Au Théâtre de l’Atelier, la mise en scène sensible de Jacques Osinki éclaire la résonance contemporaine de cette oeuvre exigeante, exempte d'intrigue. Le texte semble évoquer les problématiques actuelles, crise climatique, destruction de l’environnement, menace d’une nouvelle guerre mondiale.  Jacques Osinki fait siennes les didascalies rigoureuses, corset taillé par le dramaturge irlandais, travail d'orfèvre qu'il règle précisément, imprimant sa patte avec nuances.





Huis clos à quatre personnages, « Fin de partie » invite à danser sur la faille dans une atmosphère crépusculaire de désolation, de confinement claustrophobique. Le dernier îlot d’humanité sur une planète consumée, plutôt qu’un refuge, se révèle un enfer, un purgatoire. Au Théâtre de l’Atelier, le décor dépouillé de fin du monde scénographie les reliques du passé. En quête de sens, les protagonistes expérimentent l’absurdité de survivre dans un monde dévasté. Leur existence est une aberration. Pour ne pas céder au désespoir ils poursuivent dans le déni, le délire. Seul Clov semble frappé de fulgurances, cruels instants de lucidité. Les dialogues déconcertants convoquent des bribes d’un passé révolu. Les silences aussi importants que les mots. Jeux de mots, humour noir, Beckett dit la fatalité, la vacuité, le pathétique de vies grotesques. Clov embrasse la servitude volontaire face à Hamm, l’infirme acariâtre. 

Entre ces quatre personnages, les liens indéfectibles se sont noués mais pas de leur plein gré. La cellule familiale tout autant que le tandem maître esclave Hamm et Clov deviennent le théâtre de l’amour et de la haine. Denis Lavant, Clov le corps, Frédéric Leidgens, Hamm l’esprit, forme un duo remarquable, face-à-face d'une intensité virtuose. Denis Lavant voix rocailleuse, fragilité de pantin désarticulé, se glisse dans la peau d’un clown triste aux facéties dérisoires. Frédéric Leidgens, despotique, dur, détaché, fait régner la terreur sur son monde. Dans les rôles des parents, Peter Bonke et Claudine Delvaux apportent une émotion particulière pas dénuée d’ironie. 

Leçon d’humanité en plein désastre, vertige existentiel. Superbe moment de théâtre.

Fin de partie, de Samuel Beckett
Jusqu’au 5 mars 2023

Mise en scène Jacques Osinski
Avec Denis Lavant, Frédéric Leidgens, Peter Bonke et Claudine Delvaux
Scénographie Yann Chapotel
Lumière Catherine Verheyde
Costumes Hélène Kritikos

Production Compagnie L’Aurore Boréale
Coproduction Châteauvallon–Liberté, scène nationale ; Théâtre de l’Atelier
Coréalisation Théâtre des Halles, scène d’Avignon
Avec l’aide à la résidence de l’Arcal et du Théâtre 14 et avec l’aide de la Spedidam
L’Aurore Boréale est conventionnée par la DRAC Ile–de–France.

- Horaires normaux : Du mardi au samedi à 19h - Le dimanche à 15h

- Changements d’horaires :

Samedi 28 janvier à 18h30
Mardi 31 janvier à 18h45
Mercredi 1er février à 18h45
Jeudi 2 février à 18h45
Samedi 4 février à 18h30
Mardi 7 février à 18h45
Jeudi 9 février à 18h45
Samedi 11 février à 18h30

Théâtre de l’Atelier 
1 place Charles Dullin - Paris 18
Tél : +33 1 53 41 85 60



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.