Expo Ailleurs : Marcelle Cahn. En quête d'espace - Musée d'art moderne et contemporain Saint-Etienne Métropole - Jusqu'au 5 mars 2023

 

La rétrospective « Marcelle Cahn. En quête d’espace » célèbre la liberté d’une artiste méconnue de nos jours. Très appréciée de ses contemporains, les artistes, la critique et les institutions culturelles, son travail ne fait pourtant l’objet que de rares expositions de son vivant. Malgré la présence de ses œuvres dans les réserves musées français, Marcelle Cahn appartient au cercle de ces figures féminines oubliées. Tout au long de sa carrière, elle s’abstient de théoriser son travail. Le refus de décrypter sa démarche, de revendiquer l’appartenance à un mouvement, de s’astreindre à des stratégies marchandes a joué contre la perpétuation de son héritage. Elève de Fernand Léger, amie de Natalia Gontcharova, Michel Seuphor ou Jean Arp, elle n’a cessé de revendiquer une liberté plastique détachée des dogmes et autres crédos d’écoles. 

L’événement monographique qui se tient au MAMC Saint-Etienne Métropole réunit quatre-cents œuvres et documents d’archives, ensemble foisonnant issu du fonds d’atelier légué en 1980 au musée stéphanois, enrichi de nombreux prêts. Le parcours chronologique et thématique éclaire soixante ans de création et rend compte de l’ampleur de l’oeuvre. La scénographie établit des liens entre l’oeuvre et le contexte artistique, éclaire les cycles l’expressionnisme allemand, le purisme de Le Corbusier et Ozenfant, le cubisme, l’abstraction géométrique, les reliefs. Marcelle Cahn se détache progressivement de la peinture figurative pour aborder une abstraction radicale, au lyrisme triomphant. Elle se défend de tout catalogage et s’écarte des querelles rhétoriques d’écoles. Cette discrétion, notamment concernant sa vie privée, a compliqué la tâche des commissaires d’exposition en charge de reconstituer la chronologie. Cécile Godefroy, historienne de l’art et commissaire indépendante, Alexandre Quoi, responsable du département scientifique du MAMC + Saint-Etienne Métropole et Barbara Forest conservatrice en chef du Patrimoine au MAMC Strasbourg ont orchestré l’exposition « Marcelle Cahn. En quête d'espace », évènement coproduit par le Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg et le Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole et le Musée des Beaux-Arts de Rennes.










L’exposition « Marcelle Cahn - En quête d’espace » éclaire l’évolution d’un processus créatif caractérisé par l’inventivité et la liberté, la fantaisie couplée à la rigueur absolue. Née en 1895 à Strasbourg, dans une Alsace alors allemande, Marcelle Cahn étudie à Berlin durant la Première Guerre Mondiale. Ces premières œuvres expressionnistes, grands nus féminins, natures mortes traduisent l’influence de Cézanne. 

A Paris, dans l’effervescence artistiques des années 1920, elle fréquente les avant-gardes, les différents courants. Elle s’inscrit à l’Académie de l’art Moderne fondée en 1924 par Fernand Léger et Amédée Ozenfant. De 1925 à 1926, Marcelle Cahn développe un style personnel, un certain vocabulaire plastique qui la rapproche du mouvement puriste. Ses paysages à la rigueur géométrique sont empreints d’une sensibilité poétique. Oeuvre emblématique de la période « Trois raquettes » (1926) illustre la personnalité de l’artiste. En 1929, elle participe à la seule exposition du groupe Cercle et Carré. 

Au début des années 1930, elle quitte Paris pour retourner à Strasbourg, auprès de sa mère. Durant cette période d’isolement, elle rompt les ponts avec ses amis. En toute indépendance, son style évolue de la figuration cubiste vers l’abstraction géométrique, compositions rythmiques de lignes, points, structures complexes.










Durant la Seconde Guerre Mondiale, Marcelle Cahn, d’origine juive, se réfugie à Toulouse. Elle est définitivement de retour à Paris en 1947. Son esprit novateur séduit. Associé successivement aux groupes Espace, Structures puis Mesures, elle expose au Salon des réalités nouvelles de 1949 à 1967. En 1953, elle renoue avec l’abstraction géométrique par le biais de ses tableaux-reliefs en bois dont les motifs en trois dimensions visent des effets architecturaux. Elle explore l’espace dans des compositions rigoureuses, rythmiques de carrés, de triangles, de lignes tendues. Ces oeuvres trouvent leur contrepoint dans ce qu’elle nomme les « Récréations », des improvisations lyriques marquées par la spontanéité.  

Marcelle Cahn prolonge son travail sur les volumes avec des objets sculptures. Les premiers exemplaires sont conçus à partir de boîte en carton de médicaments. Dans les années 1960, ses sculptures, les « Spatiaux », réalisées en panneaux de bois peint par un praticien d’après les maquettes en carton, empruntent à l’imagerie de la conquête spatiale. Exécutées par le jeune artiste Serge Lemoine actif en Bourgogne, elles font l’objet de commandes pour des espaces publics à Dijon et Is-sur-Tille.











Au début des années 1970, Marcelle Cahn poursuit son exploration d’une abstraction vigoureuse. La composition de ses séries formelles se teinte d’une musicalité particulière tandis que les titres font allusions au jazz. Sérigraphies, cartons d’invitation, photographies mettent en lumière une recherche graphique et poétique en lien avec la musique. Marcelle Cahn passe les dernières années de sa vie dans une maison de retraite réservée en partie aux artistes, la Fondation Galignani. Sa créativité embrasse de nouveaux moyens dont la modestie vient souligner l’inventivité. Ses collages, assemblage de cartes postales, de gommettes, d’autocollants, tickets de métro, couverts en plastique, autant de matériaux de récupération font preuve d’une joyeuse liberté. 

Marcelle Cahn a noué des liens particuliers avec Saint-Etienne et le MAMC. En 1957, elle fait don à la toute jeune institution d’un tableau emblématique « Avion-Forme aviatique » (1930). De 1957 à 1964, elle aliment une importante correspondance avec le directeur du musée Maurice Allemand qui se poursuit avec son successeur Bernard Ceysson. Ambassadrice engagée du musée, Marcelle Cahn aide à la constitution des collections. Elle intervient auprès des artistes afin de susciter des dons et d’enrichir le fonds permanent. La dernière salle de l’exposition rend hommage à cette mission.

En 1980, un an avant sa disparition, elle lègue son fonds d’atelier et ses archives au MAMC Saint Etienne Métropole, trois-cents-cinquante œuvres originales. Le travail de recherche biographique toujours en cours, des pans entiers de sa vie personnelle demeurent encore mystérieux.

Marcelle Cahn En quête d’espace
Jusqu’au 5 mars 2023

Musée d'art moderne et contemporain Saint-Etienne Métropole
Rue Fernand Léger - 42270 Saint-Priest-en-Jarez
Tél : 04 77 79 52 52
Horaires : Lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 10 h à 18 h - Samedi et dimanche de 10 h à 18 h 30 - Fermé le mardi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.