Expo Ailleurs : The House of Dust - Collections au féminin (1960-2020) - MAMC Saint-Etienne - Jusqu'au 10 avril 2023

Cindy Sherman - Untitled #235 Disasters (1987-1991) / Kiki Smith - Untitled (2010)
Magdalena Abakanowicz - Figures Dorsales (1981)

« The House of Dust - Collections au féminin (1960-2020) rend hommage au travail des femmes artistes. La genèse de cet événement qui se tient au MAMC Saint Etienne Métropole jusqu’au 10 avril 2023 vient d’un constat établi à l’occasion du nouvel accrochage des collections permanentes. Sur les vingt-mille œuvres conservées au MAMC +, celles produites par des femmes ne représentent que 4% du fonds global. Et seulement 12% des artistes présents dans les collections sont des femmes. Cette disproportion interroge la visibilité des femmes dans une histoire de l’art écrite par des hommes. L’exposition emprunte son titre à « The House of Dust » (1967) une oeuvre pionnière de la plasticienne et poète Alison Knowles, l’une des fondatrices du groupe Fluxus. Cette installation, récemment acquise par l’institution stéphanoise, génère grâce à un programme et de façon aléatoire un poème informatique de 84 672 quatrains possibles. Esthétique de bureautique, principe presque administratif, cette oeuvre de référence, l’un des premiers poèmes informatiques, fonctionne sur le modèle d’une performance technologique et conceptuelle. 

L’exposition-manifeste curatée par Alexandre Quoi, responsable du département scientifique du MAMC+, éclaire les axes forts des collections au féminin. L’évènement évite avec finesse l’écueil de l’essentialisation et porte l’accent sur des pièces méconnues car peu montées. « The House of Dust - Collections au féminin » réunit cent-trente œuvres, parmi lesquelles cinquante prêtées par le Cnap (Centre national des arts plastiques). La majorité de ces pièces rejoindront en dépôt les fonds du MAMC+. L’ensemble associe une quarantaine d’artistes de nationalités variées, de différentes générations, des années 1960 à nos jours, un vaste spectre de pratique, peintures, sculptures, installations, photographies, vidéos, textile, design. La scénographie déployée selon un parcours libre autour trois grandes thématiques, le corps, le langage, la matière vient souligner des préoccupations communes. Regard alternatif posé sur l’art et la société, désencombré des clichés et préjugés sexistes.



Marieta Chirulescu - Untitled (2020)
Alison Knowles - The House of Dust (1967-2018)

Alison Knowles - The House of Dust (détail) (1967-2020)

Affiches des Guerilla Girls, militantes actives depuis 1985
Barbara Kruger - Promise us anything but give us nothing (1986)

Affiche Guerilla Girls

Tania Mourad - The seer cannot see (1972)

Tania Mouraud - What if the pupil were square
Gina Pane - Construction d'un chemin de bois (1970)
Performance Gina Pane / Photo Françoise Masson - Enfoncement d'un rayon de soleil (1969)


L’exposition « The House of Dust - Collection au féminin (1960-2020) » souligne l’importance des nouveaux enjeux au cœur de la politique d’acquisition des institutions muséales. Convaincue de la nécessité d’améliorer la visibilité des femmes artistes, et ainsi promouvoir l’égalité des sexes, Aurélie Voltz directrice du MAMC+ depuis 2018, première femme à la tête du musée depuis sa création, a choisi d’agir pour le changement, de redéfinir la mission de l’établissement. Ainsi elle poursuit une politique d’acquisition inclusive. Parallèlement, le choix d’une programmation attentive au travail des plasticiennes a permis d’équilibrer les propositions d’exposition. 

L’installation éponyme d’Alison Knowles ouvre une exposition au féminin pluriel. Dans les années 1980, les affiches et vidéos des Guerillas Girls, militantes anonymes visages dissimulés sous des masques de gorille, bousculent les codes dans la rue au cours de manifestations et de campagnes d’affichage sauvage. Elles posent une question : « Les femmes doivent-elles être nues pour entrer au Metropolitan Museum ? Moins de 5% des artistes de la section art moderne sont des femmes mais 85% des nus sont des femmes. »

L’évènement qui se tient au MAMC+ accorde une place importante à la photographie, médium qui représente un tiers des collections permanentes. Les œuvres de Cindy Sherman, Nan Goldin, Marina Abramovic sont présentes aux côtés de Jan Groover, Helen Levitt… La série en noir et blanc « Gentleman » (1981-83) de Karen Knorr revisite avec un certain humour la photographie documentaire. Ces clichés capturés dans les clubs masculins de St James à Londres, les Gentlemen’s clubs, mettent en scène ces lieux de pouvoir de l’ombre, les coulisses où se perpétue la hiérarchie sociale sous le joug des élites masculines blanches. Ces images nous parlent de désir d’ascension sociale, de lobbyisme, de réseautage, de politique mais surtout de ségrégation des genres et des classes en pleine ère Thatcher. 

La performance Gina Lane « Enfoncement d’un rayon de soleil » (1969), photographiée par François Masson, place en première ligne le corps comme moyen d’expression. L’installation féministe de Louise Bourgeois questionne la réalité d’un féminicide bien avant que le sujet ne préoccupe les médias.



Dorothy Iannone - La Statue de la Liberté (1977)

Marina Abramovic - The Hero (2001)

Magdalena Abakanowicz - Figures dorsales (1981)
Kiki Smith - Sans titre (2010)

Nan Goldin
Nathalie Taler - Feeling Refuge (2013)

Nathalie du Pasquier - Sans titre, collection Materialism (2017-18)

Cindy Sherman - Untitled #85 (1981)
Lisetta Carmi


Les planches poétiques de Takako Saito, artiste associée au mouvement Fluxus, illustrent une création émancipée des normes, la libre expression du jeu sous toutes formes. Avec « A two months story of a lady in Dusselfdorf » (1969), Dorothy Iannone bouscule les tabous de son époque autour du corps et de la sexualité. Elle porte le récit en dessins et en mots de sa relation avec l’artiste Dieter Roth. Ces images, nus sans fioritures, volontiers crus, pas dénués d’humour, ont fait l’objet d’une censure à la suite des actions de Roth. 

« The Hero » (2001) performance de Marina Abramovic, rend hommage à son père, soldat durant la Seconde Guerre Mondiale. Il s’agit également du premier NFT (non-fungible token) de l’artiste serbe lancé cette année en collaboration avec le CIRCA (The Cultural Institute of Radical Contemporary Art). Les « Figures dorsales » de Magdalena Abakamowicz appartiennent au cycle des « Altérations ». Par sa pratique de sa sculpture, elle explore des matériaux bruts, fragiles, éphémères, représentation périssable de corps humains privés d’identité.

La série « Made in Palace » (1980), photographies engagées de Tania Mouraud, évoque les folles nuits parisiennes juste avant l’épidémie de Sida. Présences floues, parmi les personnes représentées beaucoup vont être emportées par la maladie. Les images, sentiment d’urgence, utopie libertaire, soulèvent des questions d’identité, d’engagement et de place de l’artiste dans la société.



Valentine Schlegel - Maquettes pour des cheminées (1973)
Sheila Reid - Sans titre 178 (1975) / Sans titre série Soft Pattern (1976)
Anna-Eva Bergman - N°2 1975 Soleil Provençal (1974)


Valentine Schlegel - Maquette pour une cheminée (1973)

Sari Dienes - Bottle Boogie (vers 1956)

Laura Lamiel - Ozô (2018)

Jackie Winsor - Bond Grid (1971-72)

Sheila Hicks - Série Retable (1983) Minimes

Jessica Stockholder - Four square filled (2009)


Vases et tapis de Nathalie Du Pasquier annoncent une sélection pointue autour des arts textiles. Avec sa série des « Minimes », tressages de fils de laine colorés, Sheila Hick fait référence aux constellations, au cosmos et à la nature. Grand panneau en fibres naturelles, « Entrelac : Juncus tenius » (1984), illustre le travail de Marinette Cueco, pionnière de l’art écologique, dont les compositions en fibres végétales célèbrent les environnements naturels.

Artistes représentées : Magdalena Abakanowicz, Marina Abramović, Laurie Anderson, Eleanor Antin, Geneviève Asse, Anna-Eva Bergman, Louise Bourgeois, Lisetta Carmi, Sarah Charlesworth, Marieta Chirulescu, Marinette Cueco, Sari Dienes, Thea Djordjadze, Nathalie Du Pasquier, Gloria Friedmann, Shirley Goldfarb, Nan Goldin, Jan Groover, Guerrilla Girls, Sheila Hicks, Jenny Holzer, Dorothy Ianonne, Kimsooja, Karen Knorr, Alison Knowles, Barbara Kruger, Laura Lamiel, Helen Levitt, Annette Messager, Tania Mouraud, Gina Pane, Sheila Reid, Takako Saito, Valentine Schlegel, Cindy Sherman, Kiki Smith, Jessica Stockholder, Nathalie Talec, Tatiana Trouvé, Jackie Winsor

The House of Dust - Collections au féminin (1960-2020)
Jusqu’au 10 avril 2023

Musée d'art moderne et contemporain Saint-Etienne Métropole
Rue Fernand Léger - 42270 Saint-Priest-en-Jarez
Tél : 04 77 79 52 52
Horaires : Lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 10 h à 18 h - Samedi et dimanche de 10 h à 18 h 30 - Fermé le mardi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.