Théâtre : Le menteur, de Corneille - Mise en scène et adaptation Marion Bierry - Avec Alexandre Bierry, Benjamin Boyer - Théâtre de Poche Montparnasse

 

Dorante, étudiant provincial, fait son droit à Poitiers. Echappé à Paris, il rêve de conquêtes féminines, de croquer la vie facile. Fanfaron fort en gueule, il s’improvise mythomane pour mieux séduire. A force de rodomontades réjouissantes, il s’enivre de ses propres mots. Aux Tuileries, haut lieu de galanterie, société légère, il s’invente une carrière héroïque dans l’armée pour tenter d’éblouir Lucrèce et Clarice, deux coquettes. A leur tour, elles dupent le menteur. Elles échangent leurs identités. Dorante entreprend de séduire Clarice qu’il pense être Lucrèce. Lorsque le jeune homme croise Alcippe, un camarade d’université naïf épris de Clarice, il lui raconte des fables pour l’épater. Dorante lui raconte des fêtes grandioses, décadentes et imaginaires. Cliton, le fidèle valet qui connaît les beautés et les vices de Paris, tente de raisonner le jeune gandin sans succès. Il commente les actions répréhensibles de son maître, son inconstance, atterré par les situations compromettantes dans lesquelles l’entraîne les mensonges.  Le bonhomme Géronte, père de Dorante, est mêlé malgré lui aux mésaventures de son rejeton, sur fond de soi-disant mariage arrangé.





« Le menteur » comédie baroque signée Corneille (1606-1684), emprunte l’intrigue d’une farce de Juan Ruiz de Alaròn (1581-1639). Représentée pour la première fois au théâtre du Marais en 1644, elle préfigure un certain style et inspirera vingt ans plus tard Molière et Goldoni. Au Théâtre de Poche Montparnasse, Marion Bierry signe une adaptation inspirée et la mise en scène dynamique. Elle prend quelques libertés joyeuses avec le texte original en cinq actes. Dans un mouvement très pirandellien, elle débute le spectacle par une mise en abyme de la pièce dans la pièce avec des extraits de « La suite du menteur » (1645). 

L’oeuvre célèbre l’art de l’illusion et met l’inventivité au service du foisonnement de chassés-croisés, de quiproquos, de revirements. La narration joue sur la confusion entre la réalité et les mensonges, la vérité et les apparences. Cette comédie de genre flirte volontiers avec l’absurde. Les répliques en alexandrins, la pièce se laisse porter par la musique des vers. Marion Bierry intervient et la ponctue d’intermèdes musicaux amusants, courts extraits de Strauss, couplets chantés, opérette d’Offenbach, Charles Trenet « Revoir Paris ». Le décalage temporel, transposition de la pièce écrite au XVIIème siècle vers le Directoire, s’affirme à travers les costumes de Virginie Houdinière, miroir d’une ville joyeuse et frivole, la fin du XVIIIème siècle, période particulière de liberté des mœurs. Le plateau intime de la grande salle du Poche s’anime dans un décor mobile aussi minimaliste que malin imaginé par Nicolas Sire, système de panneaux, six paravents percés de fenêtres. 




Sur scène, les cinq comédiens incarnent cette ronde folle des fariboles sur fond de serments d’amour et d’amitié. Alexandre Bierry, prête à Dorante qui se berce d’esbroufe, roublardise et suffisance. Il manie avec brio la belle prouesse d’une verve énergique. Brice Hillairet, incarne un Alcippe lunaire, tourné en ridicule, émouvant. Benjamin Boyer (en alternance avec Thierry Lavat) est Cliton, le valet lucide qui assène des commentaires drôlatiques. Anne-Sophie Nallino, en Clarice pleine de malice et Mathilde Riey, en Lucrèce gracieuse, incarnent les coquettes qui retournent à leur profit les supercheries de Dorante. Serge Noël dans le rôle de Géronte appuie les embardées de Corneille vers l’auto-parodie, dans ce personnage qui évoque Don Diègue échappé du Cid.

Fraîcheur, insolence et esprit déluré, la partition de haute voltige embrasse une forme d’extravagance espiègle qui procure un vif plaisir.

Le Menteur, de Pierre Corneille
Jusqu’au 11 décembre 2022
Du mardi au samedi à 21h, dimanche 15h

Mise en scène et adaptation de Marion Bierry assistée par Denis Lemaître
Avec Alexandre Bierry, Benjamin Boyer ou Thierry Lavat, Brice Hillairet, Anne-Sophie Nallino, Serge Noël et Mathilde Riey
Décor de Nicolas Sire
Costumes de Virginie Houdinière assistée de Laura Cheneau

Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse - Paris 6
Tél location : 01 45 44 50 21
theatredepoche-montparnasse.com
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.