Paris : Boulangerie à la devanture classée, place Henri Krasucki, à l'angle de la rue des Envierges et de la Mare. Petit patrimoine du quotidien - XXème

 

La devanture de la boulangerie située place Henri Krasucki date de son implantation vers 1910. A l’angle du 43 rue des Envierges et du 71 rue de la Mare, cet ancien commerce a conservé sa vocation première. La façade s’orne de six médaillons. Deux panneaux comportent des inscriptions, croissants brioche au beurre sur le versant gauche, viennoiseries pains spéciaux, côté droit. Complétant l’ensemble, les quatre peintures fixées sous verre, attribuées à l’atelier Michel, représentent des scènes champêtres bordées d’arabesques. Elles évoquent les quatre saisons. Les paysages bucoliques traversés par les travaux des champs s’inspirent librement du peintre Pierre Puvis de Chavanne (1824-1898), autant dans sa palette chromatique que dans son style. Le printemps fleurit sur un moulin à eau, symbole indissociable de la boulangerie. L’été fait mûrir les épis de blé. Deux moissonneurs s’activent dans un champ, motif classique de paysans au travail. L’automne, les couleurs évoluent. Les foins sont faits et les glaneuses récoltent leur maigre pitance. L’hiver est représenté par un moulin à vent sous la neige. La devanture, refaite à plusieurs reprises, a fait l’objet d’une inscription au titre des Monuments historiques par arrêté du 23 mai 1984. Les fixés sous verre ont été restaurés en 1986. 










Jusqu’au XVIIème siècle, les commerces de bouche n’accueillent pas les clients en magasin. Les comptoirs sur rue demeurent la norme jusqu’en 1650. Cette disposition particulière évolue avec le développement d’établissements luxueux revendiquant un certain statut. L’ostentation du décor, foisonnement de moulures, de dorures, de miroirs, doit flatter le client fortuné. Elle reflète par translation l’opulence du commerçant. Les devantures sujettes aux intempéries sont négligées. Les diverses techniques ornementales ne permettent pas de créer des décors extérieurs pérennes. A la fin du XVIIIème siècle, le progrès technique engendre des pratiques décoratives inédites.

De 1850 à 1900, une nouvelle ville émerge. Paris modernisé par les grands travaux d’Haussmann, se réinvente. Les trottoirs deviennent la norme. La flânerie est dans l’air du temps. Sous le Second Empire, les commerçants prennent goût à la réclame et redoublent d’exubérance ornementale pour séduire les nouveaux clients. Les ateliers de décoration les plus réputés réalisent des devantures rutilantes. Les artisans développent un répertoire spécifique pour les commerces de bouche. Leurs peintures valorisent tout d’abord les denrées vendues et peu à peu ils inventent des motifs plus allégoriques pour signaler l’activité. 







Le style rococo du XVIIIème siècle, à la François Boucher, à la Fragonard séduit particulièrement. Les scènes bucoliques du XIXème siècle, associées à Jean-François Millet, se prêtent au pastiche involontaire. Les devantures des boulangeries évoquent un imaginaire champêtre idéalisé. Semeuse, moissonneur et glaneuse en plein labeur, bottes de foin, épis de blé et fleurs, les peintres représentent souvent les quatre saisons. Les décors des boutiques parisiennes suivent les tendances. Les techniques se succèdent. Le verre églomisé tout d’abord, dessins exécutés directement à la pointe sur le verre doré à la feuille. Puis la peinture fixée sous verre. Une fois sec, le décor réalisé à l’huile sur toile ordinaire est encollé directement sur un panneau de verre.  

Les devantures peintes connaissent leur apogée vers 1900. Le déclin survient après la Première Guerre Mondiale tandis que le goût tend vers plus de sobriété. Patrimoine culturel de la vie quotidienne, aujourd’hui les décors sont remarqués par les Monuments historiques.

Boulangerie au décor classé
43 rue des Envierges / 71 rue de la Mare / place Henri Krasucki



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
L’art du fixé sous verre à Paris, Vitrines du passé - Aline Boutillon - Editions Artena
Paris Décors - Art Nouveau - Art Déco - Dominique Camus - Editions Christine Bonneton
Base Mérimée