Ailleurs : Musée Unterlinden, sept-mille ans d'histoire de l'art, collections prestigieuses de la Préhistoire au XXIème siècle - Colmar


Le Musée Unterlinden retrace sept mille ans d’histoire artistique, de la Préhistoire au XXIème siècle. Etablie dans l’ancien couvent des Dominicaines d’Unterlinden fondé au XIIIème siècle et inaugurée en 1853, cette institution s’illustre par la richesse de ses collections à vocation encyclopédique. Le musée éclaire en particulier le travail des artistes du Rhin supérieur, de Bavière, d’Allemagne du Nord. Le fonds se compose de quarante-cinq mille pièces, parmi lesquelles trois-mille-trois-cents sont exposées : prestigieuse collection de sculptures et peintures médiévales, ensemble archéologique rare, objets du quotidien, artéfacts funéraires, fonds d’arts décoratifs régionaux, orfèvrerie, armes de guerre et de chasse, arts graphiques, photographies. Le parcours chronologique débute autour du cloître gothique classé aux Monuments historiques en 1852. Les deux premières salles dédiées au XIVème et au XVème siècles, rouvertes au public depuis juillet 2022, initient un périple fascinant à travers le Moyen-Âge et la Renaissance, pérégrinations artistiques étendues du XIVème siècle jusqu’au XVIIIème siècle. Le Retable d’Issenheim chef-d’œuvre du musée est exposé dans l’ancienne église conventuelle. Le Musée Unterlinden possède l’un des plus remarquables ensembles de Martin Schongauer (1445/50-1491) peintre et graveur colmarien, qui a défaut d’avoir été le maître d’Albrecht Dürer fut l’une de ses inspirations importantes. Entre 2013 et 2016, le musée a doublé sa surface d’origine à l’occasion d’un vaste chantier de rénovation. L’architecture monastique originelle a été complétée par une extension contemporaine, attenante au bâtiment des anciens Bains publics, réalisée par le cabinet suisse Herzog & de Meuron, auteur de la Tate Modern, ancienne centrale électrique reconvertie. Les nouveaux espaces du Musée Unterlinden ont permis de redéployer de manière pérenne les collections d’art moderne. L’institution a été distinguée par le label Musée de France.












En 1232, Agnès de Mittelnheim et Agnès de Hergheim, chanoinesses de l’ordre des dominicains fondent un couvent au Nord-Ouest de la ville de Colmar. Le faubourg dit « Sub tilia », sous les tilleuls en latin, s’appelle « unter (den) linden » en allemand. La communauté prend de l’ampleur. L’église conventuelle est édifiée entre 1262 et 1269. La construction du cloître débute entre 1280 pour s’achever en 1289. Entre le XIIIème et le XIVème siècle, le couvent des Dominicaines s’inscrit comme l’un des acteurs majeurs du développement artistique, spirituel et économique de la région. Son action de mécénat participe du rayonnement culturel et valorise les artistes locaux qui connaissent un véritable âge d’or. Le couvent Unterlinden est réformé au XVème siècle A la Révolution, l’ordre est dissout. Les moniales quittent le monastère en 1790. Les bâtiments nationalisés en 1793, deviennent la propriété de la Ville de Colmar. Un temps caserne militaire, ils accueillent un régiment de cavalerie puis sombrent dans l’oubli.

La naissance du Musée Unterlinden est intimement liée à l’histoire de la Société Schongauer, association de bénévoles qui gère l’établissement depuis près de cent-cinquante ans. En 1846, Louis Hugot (1805-864), archiviste-bibliothécaire de la ville de Colmar fonde un cercle des arts et des belles lettres afin de constituer un cabinet d’estampes et une école de dessin. L’année suivante, le cercle se constitue en Société Schongauer lorsqu’il envisage la création d’un musée à Colmar. L’ancien couvent des Dominicaines à l’abandon, menacé de destruction, trouve une nouvelle affectation grâce à Louis Hugot. En 1849, l’église d’Unterlinden est affectée à la Société Schongauer. La mosaïque gallo-romaine datant du IIIème siècle découverte à Bergheim en 1848, y est déposée. En 1852, les œuvres issues du séquestre révolutionnaire ainsi que celles récemment acquises par l’association sont transférées. Le Musée Unterlinden est inauguré le 3 avril 1853. Association de droit local depuis 1908, statut qui lui assure une autonomie financière et administrative, la Société Schongauer se donne pour mission de conserver, étudier, classer, et enrichir les collections. 

De la fin du XIXème siècle au XXème siècle, le Musée Unterlinden évolue. Les collections à l’étroit dans la seule église envahissent tout le couvent. Plusieurs salles sont créées : la salle de la cheminée « les curiosités alsaciennes », la salle consacrée aux œuvres de la collégiale Saint Martin, espace nommé en hommage à Théophile Klem (1849-1923) sculpteur sur bois et ébéniste colmarien, la salle Fleischhauer dévolue aux collections archéologiques.











Vitrine de l’art Rhénan, le Musée Unterlinden conserve des collections exceptionnelles du XVème et XVIème siècles, âge d’or du Rhin supérieur. L’ensemble Martin Schongauer, peintre et graveur colmarien, se compose de chefs-d’oeuvre tels que le retable d'Orlier sur le thème de « L'Annonciation » (1470-1475, huile sur sapin), « La Vierge au perroquet » (1470-1475, burin sur cuivre), « La Tentation de saint Antoine » (1470-1475, burin sur cuivre), « Ecce Homo » (1475-1480, burin sur cuivre), « Deux Hommes marchant de compagnie » (1480-1485, burin sur cuivre), « La Fuite en Égypte » (vers 1470-1475) ou encore « Première vierge folle » (vers 1480-1485). Le retable d'Issenheim (1512-1516), oeuvre de Matthias Grünewald et Nicolas de Haguenau, chef-d'œuvre des collections du musée d'Unterlinden dont la restauration complète vient de s’achever est exposé dans l’église conventuelle. 

Parmi les pièces emblématiques conservées au musée Unterlinden, « La Crucifixion au dominicain » oeuvre caractéristique du début du XVème siècle, est attribuée au peintre strasbourgeois Hermann Schadeberg, actif entre 1399 et 1449. Réalisée vers 1410/1415, elle a été exposée jusqu’au XVIIIème siècle dans la Collégiale Saint Martin. Cette peinture de chevalet de la région du Rhin supérieur se caractérise par des couleurs intenses, l’éclat métallique du fond doré, le foisonnement des détails, la recherche d’élégance dans les proportions humaines allongées. Dernière manifestation d’un art du Moyen-Âge homogène et cosmopolite, le gothique international fait place des styles hétéroclites.

Auteur du Retable du Tempelhof de Bergheim (1445/50), le peintre Jost Haller se forme à partir de 1438 à Strasbourg. Il se fait rapidement connaître à Metz et Sarrebruck. Destiné au couvent des Chevaliers de Saint-Jean de Bergheim, le Retable du Tempelhof de Bergheim est exposé dans l’église de la Commanderie. Il intègre le fonds du Musée national en 1793 puis est transféré à la Bibliothèque nationale du district de Colmar avant de rejoindre les collections du Musée Unterlinden à sa création en 1852.











Pièce fascinante des collections du Musée Unterlinden, le retable de Stauffenberg est réalisé de 1454 à 1460 à la demande de Hans Erhard Bock von Stauffenberg pour la Commanderie d’Issenheim par un maître anonyme. La partie centrale et les deux volets du triptyque ont été dissociés pour être exposés dans différents lieux. Les éléments rassemblés au musée ont néanmoins fait l’objet d’une modification radicale. Les différents panneaux peints ont été sciés vers 1860 afin de présenter l’ensemble en même temps. 

Le retable de la Passion du Christ, exécuté par le maître alsacien Caspar Isemmann entre 1462 et 1465, est destiné au maître-autel de la Collégiale Saint Martin. Installé dans le chœur en 1465, il ne le quitte qu’en 1720 à la suite d’un effondrement partiel. Endommagé, le polyptique est déplacé. L’ensemble désormais incomplet est transféré en 1793 dans l’ancien collège des Jésuites devenu Musée national. Il a été restauré à l’occasion de l’ouverture des deux nouvelles salles du Musée Unterlinden. Parmi les chefs-d’œuvre de cette période, se trouvent « Portrait de femme » (vers 1510,) de Hans Holbein l'Ancien, seule peinture de cet artiste conservée dans un musée français, le retable de Bergheim (1515-1517) de Veit Wagner, « La Mélancolie » (1532, huile sur bois) de Lucas Cranach l'Ancien, inspiré de la célèbre gravure « Melencolia » de Dürer. 

Au premier étage du cloître, l’espace dédié aux arts décoratifs et aux traditions populaires régionales célèbre le savoir-faire des artistes-artisans alsaciens. Pièces de mobilier du XVIIème et XVIIIème siècles, côtoient faïences et porcelaines du XVIIème au XIXème siècle, productions prestigieuses des manufactures de l’Est de la France, orfèvrerie profane et religieuse. 










La Société Schongauer soutient depuis sa création au XIXème siècle les artistes contemporains. Les collections du Musée Unterlinden s’enrichissent au cours du XXème siècle selon une politique d’acquisition qui fait la part belle au fonds moderne. A partir des années 1960, celui-ci prend un essor particulier à la suite d’achats et de donations. Jean Bazaine, Olivier Debré, Jean Dubuffet, Pierre Soulages entrent dans les collections. La direction du musée nourrit l’idée d’élargir le propos avec de nouvelles pièces signées Robert Delaunay, Claude Monet « La vallée de la Creuse » (1889), Auguste Renoir, Jean Rouault, Serge Poliakoff, Pablo Picasso « Tête d'homme au chapeau de paille » (1971). Le Musée Unterlinden présente une exceptionnelle tapisserie d’après « Guernica » de Picasso, achevée en 1976 par Jacqueline de la Baume Dürrbach, dont il n’existe que deux autres exemplaires l’un au siège de l’ONU à New York, l’autre au Japon. Florine Langweil (1861-1958), marchande d’art, collectionneuse originaire de Wintzenheim, lègue près de deux-cent-cinquante oeuvres au musée notamment des pièces d’art extrême orientale. Une extension souterraine de 450m2 est creusée entre 1973-74 afin d’ajouter un espace de présentation des collections d’art moderne. 

Dans les années 1990 la section d’art moderne prend de l’ampleur selon deux thématiques, la période des années 1930-60 avec Bram Van Velde, Roger Bissière, Geer Van Velde, Jean Fautrier, Jean Hélion, Alberto Magnelli et les rapports entre la France et l’Allemagne avec Willi Baumeister, Julius Bissier, Otto Dix, George Grosz, Max Beckmann. 

En 2012, débute un vaste chantier de trois ans. Le Musée Unterlinden s’ancre dans son temps. La surface globale de l’établissement est doublée, elle passe désormais à sept-mille-neuf-cents mètres carrés. L’ancien couvent est restauré sous la houlette des Monuments historiques. L’extension, projet architectural et muséographique mené par le cabinet bâlois Herzog & de Meuron, minimaliste, épure radicale, se dresse derrière le bâtiment des anciens bains publics datant de 1906. Fermés en 2003, réinventés ceux-ci accueillent désormais les manifestations du musée, réceptions privées, concerts, conférences. La nouvelle aile a permis de redéployer une partie des fonds, d’aérer la scénographie. Le Musée Unterlinden rouvre ses portes le 22 janvier 2016. Pantxika De Paepe le dirige depuis 2019.

Musée Unterlinden 

Place des Unterlinden - 68000 Colmar
Tél : 03 89 20 15 50
Horaires : Ouvert du mercredi au lundi de 9h à 18h - Fermé le mardi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.