Cinéma : Les promesses d'Hasan, de Semih Kaplanoğlu

 

Agriculteur aisé, Hasan exploite de vastes vergers et des terres maraîchères abondamment arrosés de pesticides. Le vieil homme, âpre au gain, n’a jamais reculé devant les solutions expéditives pour préserver ses gains. Un jour, un représentant de l’administration vient lui annoncer que sa propriété sera bientôt traversée par une nouvelle ligne à haute tension. Un pylône et un transformateur vont être implantés sur l’un de ses champs. Hasan devra se priver d’une partie de ses récoltes et de ses profits. Décidé à préserver ses gains, il s’engage dans une campagne auprès des fonctionnaires pour faire dévier le projet sur la propriété du voisin moins fortuné, quitte à sacrifier un arbre centenaire, quitte à corrompre un juge. Hasan et son épouse Emine sont alors tirés au sort pour entreprendre le pèlerinage de la Mecque. L’intransigeant paysan est contraint de s’interroger sur la probité de ses actions. Il doit obtenir le pardon de ses fautes passées avant de partir. Sa quête rédemptrice le conduit vers tout d’abord vers un cordonnier et une facture impayée, puis vers le voisin endetté à qui il a racheté des terrains pour une bouchée de pain. Puis vers son frère, avec qui il a rompu tout contact à la suite d’une querelle d’héritage. 





Voyage spirituel introspectif, « Les promesses d’Hasan » a été présenté dans la sélection Un certain regard du Festival de Cannes 2021. Semih Kaplanoğlu, réalisateur du triptyque, « La Trilogie de Yussuf », composé de « Miel » Ours d’or à Berlin en 2010, « Le Lait », « L’Oeuf », signe une oeuvre contemplative dont la lenteur embrasse le rythme de la nature. Cette chronique douce-amère, métaphorique et sensible, dénonce les ravages du néolibéralisme dans le monde paysan, le profit à tout prix au détriment de la nature et des hommes, le désastre écologique fruit d’un capitalisme destructeur. 

Sous l’œil du cinéaste, la splendeur des paysages prend une dimension mystique. Les images composées comme des tableaux, remarquable attention portée à la lumière, célèbre une nature en péril, tel l’immense sycomore sacrifié sur l’autel du profit, allégorie du rapport des hommes à leur écosystème, à leur enracinement dans la terre. Semih Kaplanoğlu capture la grâce et les mystères de la campagne turque. La beauté plastique du film entretient la réflexion sur le sacrifice de la biosphère autant que de l’héritage humain et des souvenirs de l'innocence. 



La mise en scène sensible s’inscrit dans une tension permanente. Aux côtés d’Hasan hanté par ses erreurs passées, consumé par ses inquiétudes, le réalisateur entraîne le spectateur sur la voie du repentir. Il traduit en images les tempêtes intérieures, les remords, les tourments dans des scènes de rêve au symbolisme flamboyant, à la mélancolie saisissante. L’homme privé de son ancrage familial vacille, déchiré par les pardons qu’il ne pourra plus obtenir. Il prend conscience de la fuite du temps et du sentiment de déracinement. Dans le rôle d’Hasan, Umut Karadağ, visage impassible de paysan retors, façade hermétique qui se fendille bientôt submergé par l’émotion de sa mauvaise conscience, livre une interprétation bouleversante. 

Les Promesses d’Hasan, de Semih Kaplanoğlu
Avec Umut Karadağ, Filiz Bozok, Gökhan Azlağ
Sortie le 3 août 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.