Ailleurs : Tombeau du facteur Cheval au cimetière municipal de Hauterives, un mausolée familial émouvant, dernière oeuvre de l'original Ferdinand Cheval



« Le tombeau du silence et du repos sans fin », la sépulture du facteur Cheval, moins connu que le Palais idéal, illustre l’esthétique tardive à laquelle s’attache l’original bâtisseur de la Drôme. Ferdinand Cheval (1836-1924) a consacré trente-trois années de sa vie à la création d’un monument de l’art naïf, préfiguration spontanée de l’architecture surréaliste. Dès 1912, le facteur manifeste le désir d’être enterré avec son épouse au sein du Palais idéal. Pour cela, il ajoute un espace dédié à leur dernière demeure. Il le désigne sous le nom de « le tombeau égyptien ». Mais l’administration ne lui délivre pas l’autorisation. En effet, la loi française tend à interdire les inhumations sauvages. Seuls les défunts ayant fait l’objet d’une crémation peuvent prétendre à ce type d’initiatives. Peu tenté par l’incinération, Ferdinand Cheval acquiert une concession au cimetière municipal en 1912. A soixante-dix-huit ans, il s’attèle à la construction d’un mausolée familial. Jusqu’en 1920, il érige « le tombeau du silence et du repos sans fin ». Il reprend les mêmes principes que pour la construction du Palais idéal édifié de 1879 à 1912. Au cours de longues promenades, il ramasse pierres, silex, grès, tuf, pour matériau. Les deux édifices bien que de dimension très différente portent la même idée d’une oeuvre qui perdurera après sa mort. Les Monuments historiques classent le tombeau du facteur Cheval par arrêté du 23 mai 2011. 








Homme issu d’un milieu modeste, peu éduqué, Ferdinand Cheval devient apprenti boulanger à treize ans. Il exerce cette profession durant douze années. Le pétrissage et le façonnage inspireront son approche de la sculpture. Un temps ouvrier agricole, il débute sa carrière de facteur des postes en juillet 1867 pour être affecté à Hauterives sur la « tournée de Tersanne deux ans plus tard. Le facteur Cheval rêve d’ailleurs, de paysages lointains qu’il ne connaît qu’à travers les cartes postales. En avril 1879, lors d’une tournée journalière, il chute sur une pierre d’achoppement. Interpellé par sa forme singulière, elle lui inspire de se lancer dans la réalisation d’un Palais idéal longtemps fantasmé. Désormais, au fil des trente-trois kilomètres qu’il parcourt chaque jour, le facteur Cheval glane des pierres sur son chemin afin de construire son Palais idéal sur une parcelle de jardin.

En 1894, Ferdinand Cheval est très marqué par le décès de sa fille à l’âge de quinze. Au cœur du cimetière de Hauterives, il lui élève une chapelle funéraire, une stèle de ciment surmontée d’une croix, habillée de pierres et de coquillages. Le facteur Cheval prend sa retraite en 1896 et s’installe dans le voisinage direct du Palais idéal, à la Villa Alicius, dont le nom rend hommage à sa fille. Alors que le chantier de son oeuvre principale s’achève en 1912, il relève un nouveau défi, la construction d’un caveau familial au cimetière municipal.







Ferdinand Cheval imagine une architecture conçue à partir d’éléments naturels glanés et associés par la maçonnerie. Les figures sculptées traduisent les imaginaires exotiques dont s’inspirent le facteur. De conception plus tardive que le Palais idéal, le tombeau s’inscrit dans le style tardif observé au sein du castel. Le décor foisonnant plus abstrait, plus raffiné traduit une spontanéité nouvelle, un goût de la liberté formelle. En 1914, Ferdinand Cheval fait déplacer la sépulture de sa fille dans la tombe familiale. Il achève sa dernière création en 1920, à l’âge de quatre-vingt-six ans, après huit années de labeur. La mention JMJ, Jésus Marie Joseph et une croix sont curieusement les seules références au christianisme. Le facteur Cheval décède le 19 août 1924. Il est inhumé auprès de sa femme Claire Philomène Richaud (1838-1914) et sa fille Alice Marie Philomène (1879-1894).

Référence de l’art naïf, le Palais idéal et le tombeau du silence et du repos sans fin participent du rayonnement culturel et touristique de Hauterives. La commune prend en charge la gestion de l’héritage du facteur Cheval à partir de 1994.

Tombeau du facteur Cheval
Cimetière de Hauterives
57-59 rue de L'Ancienne Église - 26390 Hauterives



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.