Expo Ailleurs : Baldwin & Guggisberg : Amphore Métaphore - Musée du Verre François Décorchemont - Conches-en-Ouche - Jusqu'au 27 novembre 2022


Tandem d’artistes verriers, Monica Guggisberg et Philip Baldwin explorent la thématique de l’amphore à l’occasion de l’exposition inaugurale du nouveau Musée du verre François Décorchemont, « Amphore Métaphore ». Fermée durant près de trois ans pour travaux, l’institution de Conches-en-Ouche rouvre ses portes au public dans un nouveau lieu et un parcours entièrement revisité. Produite par l’homme depuis des millénaires, de la Chine à l’Inde, de la Grèce au Levant, l’amphore a traversé les civilisations. Les recherches archéologiques font remonter son apparition à la dernière période glaciaire. Des tessons datant de vingt-mille ans avant notre ère ont été découverts lors de fouilles au sein de la grotte de Xianren dans la province du Jiangxi en Chine. Objet utilitaire à l’épreuve du temps, ce vase ancestral incarne l’équilibre parfait entre forme et fonction. Cette dernière a longtemps prévalu, au quotidien, sur la recherche d’agrément esthétique. Jusqu’à l’intervention d’artistes et de designers fascinés par la plasticité manifeste de l’amphore. Inspirés par l’épure de la ligne, l’élégance des courbes, Baldwin & Guggisberg réinterprètent le récipient à travers neuf installations inédites. Les séries sondent la matière, ses infinies possibilités. La recherche du beau s’y associe à un propos politique pas dénué d’humour, dans un récit puissant autour des cultures humaines. 







Au raffinement de la formation classique, Philip Baldwin et Monica Guggisberg allient le goût de l’expérimentation. Par leur recherche plastique, ils cherchent à libérer la forme. Emancipation propre à renouveler sans cesse une forme de joie dans la pratique de leur art. Leur quête d’esthétique, correspondance poétique entre le processus et le résultat, nous suggère de réenchanter le quotidien. 

Philip Baldwin, né en 1947 à New York, a obtenu un Bachelor of Arts à l’American University de Washington en 1972. Il rencontre Monica Guggisberg, née en 1955 à Berne, au début des années 1980, en Suède. Ils étudient ensemble les arts verriers à l’Orrefors Glass School. Durant deux ans, ils assistent Wilke Adolfsson et Ann Wolff avant de créer leur propre atelier à Nonfoux près de Lausanne en 1982. Ils occupent un espace de création au Viaduc des arts à Paris de 2001 à 2014. Désormais, ils vivent et travaillent à Hares Green au Pays de Galles. 

Leur intérêt pour le design fonctionnel du quotidien les pousse à collaborer avec l’industrie traditionnelle du verre, les éditeurs d’art, les grands verriers Rosenthal, Steuben, Venini. Dans leur utilisation moderne du verre comme support artistique, Monica Guggisberg et Philip Baldwin questionnent la fonctionnalité de l’objet produit. Style distinctif, passion pour la matière, leurs œuvres originales, alliance heureuse entre beaux-arts et design, sont conservées dans de prestigieuses collections privées ainsi que des musées internationaux. 







Les expériences artistiques de Baldwin et Guggisberg s’inscrivent dans la tradition moderne de l’esprit international du verre, mouvement de renouveau de la verrerie artistique apparu avec le Studio Glass Movement dans les années 1950 aux Etats-Unis. Lisse, rugueux, mat ou transparent, soufflé, taillé ou gravé, épais ou d’une finesse cristalline, ils explorent la nature multiple du verre, ses possibilités. Leur travail propose un riche panorama des différentes techniques. La prédilection pour la pureté de la ligne associée à l’exubérance de la palette chromatique éclaire l’harmonie des proportions, l’expressivité de la forme. 

De leurs années de formation, Monica Guggisberg et Philip Baldwin ont conservé un goût pour l’épure et la couleur scandinaves, la lumière et le dynamisme italiens. Dans la tradition du verre suédois ils superposent les couches de verre, selon la technique de décor dite du Graal, inspirée par le travail du Français Emile Gallé. Développée au sein de la manufacture suédoise d’Orrefors par le maître verrier Knut Bergvist vers 1915-1916, cette pratique du verre doublé et gravé a connu un renouvellement stylistique considérable sous l’influence de Simon Gate et d’Edward Hald, engagés à Orrefors en 1916. Entre les mains de Monica Guggisberg et Philip Baldwin, elle a donné naissance à des variantes, formes organiques, couleurs camaïeux entremêlées de transparence, modernité pop colorée couplée aux lignes classiques intemporelles. 

Le duo d’artistes s’est fait connaître par sa maîtrise de la technique vénitienne de l’ « inciso » et du « battuto » qui consiste à orner des pièces en verre doublé, de graver des décors à la main et d’en révéler les couches de couleur en procédant par incises à froid et enlèvement de matière. Ce façonnage particulier confère une expressivité, une picturalité remarquable à leurs œuvres. Artefacts de verre, sculptures, pièces décoratives, l’art verrier contemporain de Balwin & Guggisbert relèvent le défi technique de la matière au profit d’objectifs plastiques portés par un sens du récit et de la théâtralité.







L’exposition « Baldwin & Guggisberg : Amphore Métaphore » qui se tient jusqu’au 27 novembre 2022 au Musée du Verre François Décorchemont éclaire cette démarche artistique. La série « Les Harappéens 3300-1300 AEC » s’inspire d’une jarre conservée dans les collections du British Museum mise à jour sur le site de Mohenjo-daro au Pakistan. En absence d’architecture, cette civilisation méconnue de l’Indus a laissé peu de traces de son existence, les spéculations scientifiques ayant été développées à partir des poteries. 

L’ensemble « Amphorae : perspectives existentielles » aborde la question des défis géopolitiques contemporains : multiplication des conflits armés, les leçons de l’histoire qui n’ont pas été apprises, montée des extrémismes, protectionnisme et populisme. Monica Guggisberg et Philip Baldwin ont réservé une place importante aux problématiques écologiques telles que l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, la crise climatique, la destruction de l’Amazonie, le ravage des écosystèmes, la sixième extinction de masse. 







L’installation murale, « Amphore Métaphore » oeuvre-titre de l’exposition convoque la silhouette de ces épaves sous-marines romaines, redécouvertes cargaisons intactes en Méditerranée. Deux-cent-cinquante-sept amphores de tailles et de formes différentes recouvrent un pan de mur, allégorie troublante du drame des migrants qui se joue sur ces mêmes eaux. 

De pièces design aux dimensions modestes jusqu’aux sculptures monumentales et autres éléments architecturaux, Baldwin & Guggisberg combinent formes et couleurs, textures et lignes, exubérance et épure. Leur art verrier, expression originale du beau, révèle le sens caché des choses, sur le fil d'un savoir-faire artisanal soutenu par les connaissances scientifiques et la lumière d'une sensibilité aiguë.

Baldwin & Guggisberg : Amphore Métaphore 
Jusqu'au 27 novembre 2022

Musée du Verre François Décorchemont
25 Rue Paul Guilbaud - 27190 Conches-en-Ouche 
Tél : 02 32 30 90 41
Horaires : Ouvert de mars à novembre - Du mercredi au dimanche de 14h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.