Expo Ailleurs : Amour, guerre et beauté. Des ducs de Bourgogne aux Habsbourg - Monastère royal de Brou - Bourg-en-Bresse - Jusqu'au 26 juin 2022


L’exposition, « Amour, guerre et beauté. Des ducs de Bourgogne aux Habsbourg », éclaire sous un angle inédit la représentation par les artistes romantiques, de l’épique histoire des Etats bourguignons du XIVème au XVème siècle. Au gré des oeuvres volontiers romanesques du XIXème, elle retrace deux siècles revisités par les peintres épris d’historicisme et de style troubadour. Fruit d’un partenariat entre le Museum Hof van Busleyden de Malines en Belgique, ville où Marguerite de Habsbourg meurt, le Monastère royal de Brou où se trouve son tombeau et la ville de Bourg-en-Bresse, l’événement réunit une quarantaine de tableaux.  Henri Leys, Willem Geets, Louis Gallait, Eugène Delacroix, Louis Boulanger, Paul Delaroche, Edouard Hamman, Fleury Richard, Sophie Rude se penchent sur le destin d’une illustre lignée, source pléthorique d’inspiration. Sous le règne des ducs de de Bourgogne, dont les terres d’étendent de Dijon à Amsterdam, les Pays-Bas bourguignons connaissent une période faste, ère de prospérité économique et culturelle. Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon, Charles le Téméraire, Charles Quint, ainsi que les puissantes femmes Marie de Bourgogne, Marguerite de Habsbourg, Jeanne d'Arc, Louise de Savoie, Jacqueline de Bavière tiennent les premiers rôles d’une saga digne d’une série télévisée. Le titre de l’exposition, clin d’œil à un célèbre soap américain qui dure depuis trente-cinq ans, souligne le foisonnement narratif d’une épopée réinventée par les artistes du XIXème. Ces derniers mettent leurs créations au service d’une idée nouvelle : le roman national. Rivalités familiales, alliances politiques, luttes de pouvoir, mariages princiers, meurtres sanglants, batailles épiques, histoires d’amour, destins hors du commun, sous la plume des écrivains, sous le pinceau des peintres, les rebondissements rocambolesques ne manquent pas. Quitte à s’arranger avec la réalité historique pour mieux servir le projet d’une nation légitimée par ce récit. 











Dans le contexte de la Guerre de Cent ans (1337-1453), Charles VI (1368-1422) roi de France, ayant été frappé de crises de démence invalidantes depuis 1392, deux branches cadettes de la famille royale, la maison des Valois, s’affrontent dans une lutte sanglante pour le contrôle de la régence. Les Armagnac, soutien de la famille d’Orléans, frère du roi Charles VI assassiné en 1407 sur l’ordre de Jean sans Peur, et les Bourguignons, le clan des ducs de Bourgogne, mènent une guerre civile fratricide. 

Trois-cents ans plus tard, les artistes romantiques posent un regard alternatif sur le passé, soucieux d’en extraire des récits glorieux. Ils font appel à la fiction pour accommoder la réalité. Au cours de la première moitié du XIXème siècle le style troubadour embrasse le fantasme d’un Moyen-Âge et d’une Renaissance mythifiés, propres à susciter l’émoi. Les artistes inventent des héros, incarnations esthétiques idéalisées, justifiant ainsi le concept d’identité nationale, matrice des états modernes, France, Belgique, Pays-Bas. Ils réinterprètent l’Histoire par l’anecdote, terreau fertile, afin de la rendre plus pittoresque et multiplient les références à un passé commun, fondement de l’entité nation pourtant tout juste constituée. Le jeu des alliances initié au XIVème siècle semble préfigurer la carte des états européens dans leurs frontières contemporaines.

Les peintres d’Histoire en Belgique, en Espagne, en France, aux Pays-Bas, interprètent les mêmes épisodes selon des angles différents. Leur vision est biaisée par le prisme national, au service d’une mise en scène romanesque. Les perspectives fluctuantes engendrent des perceptions différentes des protagonistes. En Belgique, Philippe le Bon, est présenté dans le tableau « Conditor Belgii » de Juste Lyse comme le prince unificateur, père d’une nation. A l’inverse, le peintre français, Isidore Patrois le désigne comme le traître qui livre Jeanne d’Arc aux Anglais. L’exposition « Amour, guerre et beauté. Des ducs de Bourgogne aux Habsbourg » initie des confrontations savoureuses entre les versions.

Les écrivains Walter Scott (1771-1832), Victor Hugo (1802-1885), l’historien Jules Michelet (1798-1874) construisent le « roman national », républicain et partisan, qui sera remis en cause par le développement historiographique de la fin du XXème siècle. Ils consacrent l’Etat-nation sous ce récit commun afin de fédérer les jeunes nations sous une mythologie idoine. Les peintres suivent la vague. L’exposition présentée au Monastère de Brou respecte la chronologie afin de mieux appréhender dans son ensemble le destin hautement romanesque et parfois méconnu des ducs de Bourgogne. Elle souligne notamment l’importance des femmes. De Philippe le Hardi fondateur d’une dynastie jusqu’à Charles Quint, l’évènement ouvre des pistes de réflexions et questionne l’histoire officielle érigée en vérité absolue.

Philippe II de Bourgogne, dit Philippe le Hardi (1342-1404) fondateur de la dynastie des Valois de Bourgogne, est un chef de guerre remarquable, un homme politique habile et un grand mécène. Plus puissant des « sires des fleurs de lys », premier des pairs de France, il tient sous son autorité la Flandre, l'Artois, le Rethel, des seigneuries de Malines et de Salins, des terres champenoises, Nevers et la baronnie de Donzy, le duché de Bourgogne et le comté de Bourgogne, terre relevant du Saint-Empire. Il jette les bases d'un État bourguignon puissant, rival du royaume de France.












Jean Ier de Bourgogne, dit Jean sans Peur (1371-1419), prince de la branche bourguignonne de la maison capétienne de Valois, duc de Bourgogne, comte de Flandre, d'Artois et de Bourgogne palatine et seigneur de Salins, de Malines et d'autres lieux, poursuit la politique de son père Philippe le Hardi et consolide les bases d'un État bourguignon. Alors qu’il joue de son influence à la cour de France, mis à l’écart de la régence de Charles VI, il fait assassiner son rival et cousin, le frère du roi, Louis d’Orléans en 1407. Cet incident accélère le conflit entre Armagnacs et Bourguignons, jusqu’à la guerre civile. Jean sans Peur est à son tour assassiné sur le pont de Montereau par un membre de la suite du dauphin, futur roi Charles VII de France. Le meurtre pousse les Bourguignons à s’allier aux Anglais.  

Son héritier Philippe le Bon (1396-1467) se joint à la faction des Plantagenêt dans la Guerre de Cent ans et livre Jeanne d’Arc aux Anglais en 1430. Il est le premier prince à unir politiquement la région des Pays-Bas historiques - les Dix-Sept Provinces -, en incluant notamment à l'État bourguignon les provinces impériales de Namur, de Hainaut, de Hollande, de Zélande, de Brabant, de Limbourg, de Luxembourg et d'Anvers.

Charles le Téméraire (1433-1477), quatrième et dernier duc de Bourgogne de la maison de Valois, hérite des Pays-Bas bourguignons.  Dans son roman « Quentin Durward », paru en 1823, Walter Scott évoque la lutte entre Louis XI (1423-1483), roi de France et Charles le Téméraire. Il retranscrit un épisode sanglant au cours duquel Guillaume de La Marck, protégé liégeois de Louis XI, surnommé le "sanglier des Ardennes", assassine en 1482, Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège. Selon la version romanesque de Jean Molinet reprise par Walter Scott, la dépouille aurait été laissée sans sépulture durant trois jours, livrée aux bêtes. La scène inspire au peintre Eugène Delacroix l’un de ses chefs-d'œuvre, « L'Assassinat de l'évêque de Liège ». En réalité, Louis de Bourbon est inhumé avec les honneurs dus à son rang dès le lendemain de son décès.

A dix-neuf ans, Marie de Bourgogne (1457-1482), fille unique de Charles le Téméraire, se retrouve à la tête d'un État bourguignon fragilisé. Le roi de France disputant l’héritage de son père, elle est contrainte de défendre ses droits. Son mariage avec Maximilien d’Autriche en 1477, marque la première étape de la rivalité centenaire entre la France et les Habsbourg. Les Pays-Bas bourguignons intègrent le patrimoine de la maison d’Autriche, alliance géopolitique de haute volée. Mère de Philippe le Beau, grand-mère de Charles Quint, Marie de Bourgogne décède à la suite d’une chute de cheval fatale. Episode prisé des peintres. 












Marguerite de Habsbourg, fille de Maximilien d'Autriche, chef de la maison de Habsbourg, et de Marie de Bourgogne, archiduchesse d’Autriche, fondatrice du Monastère de Brou érigé entre 1502 et 1532, sera successivement princesse de Bourgogne, fille de France, infante d'Espagne et duchesse de Savoie. A vingt-cinq ans, elle a été mariée trois fois, répudiée pour le premier, veuve pour les deux suivants.  Tante de Charles Quint, elle élève l’enfant à Malines quand la mère, Jeanne de Castille (1479-1555) dite Jeanne la folle, reine de Castille et d’Aragon, veuve de Philippe le Beau, perd la raison. 

Durant la minorité de son neveu, Marguerite d'Autriche assure la régence des Pays-Bas. Après l’intronisation en 1516, elle en devient gouverneur général, avec le titre de « gouvernante ». Elle joue un rôle majeur dans la pacification des rivalités qui opposent Charles Quint (1500-1558), souverain le plus puissant d’Europe et François Ier (1494-1547), roi de France. Fait prisonnier à Pavie en 1525, après une année de captivité, ce dernier a laissé ses deux fils en otage. Charles Quint exige la restitution du duché de Bourgogne. La guerre a repris en 1526. Marguerite de Habsbourg négocie avec Louise de Savoie, mère de François Ier, sa belle-sœur, le traité de Cambrai. La « paix des Dames » signée en 1529 met fin à la septième guerre d'Italie (1526-1530) entre Charles Quint et François Ier. La paix ne se prolonge pas. Les revendications françaises sur le duché de Milan initient la huitième guerre d’Italie en 1536. Elle s’achève en 1538. La France renonce au duché de Milan mais prend possession de la Savoie et le Piémont qui restent français jusqu’en 1559.

Amour, guerre et beauté - Des ducs de Bourgogne aux Habsbourg
Jusqu’au 26 juin 2022

63 boulevard de Brou - 01000 Bourg-en-Bresse
Tél : 04 74 22 83 83
Horaires : Du 1er octobre au 31 mars de 9h à 12h et 14h à 17h - Du 1er avril au 30 juin de 9h à 12h30 et de 14h à 18h - Du 1er juin au 30 septembre de 9h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.