Cinéma : Azuro, de Matthieu Rozé - Avec Valérie Donzelli, Thomas Scimeca, Yannick Choirat, Maya Sansa


Un groupe d’amis quadragénaires a loué pour les vacances une villa dans un village coupé du monde, au bord d’une crique méditerranéenne. Sara et Pierre préservent les apparences dans une distance tiède des mariages trop installés. Et elle entretient une relation fusionnelle avec ses enfants au détriment de leur couple. Gina et Vadim se querellent sans cesse mais ne peuvent envisager la séparation. Margaux la célibataire cultive son vague-à-l’âme. Coupés du monde, ils trompent leur ennui dans la torpeur d’une canicule étouffante : longues siestes, baignades en fin d’après-midi, apéritifs au Campari à toute heure de la journée. Un homme mystérieux, séducteur solaire, vient troubler leur routine. Sara, sensible à son charme, caresse l'idée d’une éphémère rencontre amoureuse, envisage la possibilité d'un autre avenir. Tentation de l’adultère, échappatoire. Pierre, jaloux, est démuni face aux doutes de sa femme.







Libre adaptation du roman de Marguerite Duras « Les petits chevaux de Tarquinia » publié en 1953, Matthieu Rozé, comédien et réalisateur de plusieurs courts et moyens remarqués, signe un premier long-métrage ambitieux. Le scénario écrit en collaboration avec Julie Peyr, dépasse la théâtralité de l’oeuvre littéraire pour déterminer une identité propre au film. « Azuro » s’inscrit dans une structure dynamique et une simplicité de la narration à travers laquelle l’épure marque forme de sa modernité. Cette chronique estivale embrasse un propos universel, sujets intemporels de l’amour et du désir, de l’amitié et du couple. 

Sur une bande originale signée Kid Francescoli, Matthieu Rozé déploie des atmosphères particulières, l’ordinaire du quotidien ancré dans la temporalité alternative des vacances, parenthèse hors du temps. Le décor minéral aveuglé de lumière affirme une esthétique que soulignent les filtres, jaunes, rouges, bleus et la pellicule super 16. Ces paysages méditerranéens accablés de chaleur sont le cadre de la tragédie antique. La villégiature de ces vacanciers indolent se mue en prison dorée, huis clos asphyxiant. L’oisiveté produit une inertie physique et morale. Le moindre prétexte est saisi pour échapper à la monotonie des vacances, mais également à celle du couple. L’arrivée d’un homme magnétique, déclencheur du trouble, objet de toutes les attentions et divertissement, vient rompre l’ennui. La langueur se fait incertitudes, angoisses existentielles. Les non-dits deviennent des regrets.

Oscillation constante entre légèreté et gravité, Matthieu Rozé filme les sentiments et l’expression de la sensualité. La valse des hésitations et l’insouciance de façade ne peuvent dissimuler la noirceur de la situation, les ambiguïtés de la promiscuité. Les petits jeux dangereux révèlent les crises conjugales qui couvent. Les personnages sont en attente d’une résolution, d’un basculement, d’un dénouement incertain ou de la pluie.




Film choral, « Azuro » doit beaucoup au charme des acteurs, le naturel de Valérie Donzelli, Thomas Scimeca, Yannick Choirat, Maya Sansa, Nuno Lopes, Florence Loiret-Caille. Ils incarnent des quadragénaires en pleine crise de milieu de vie. Les couples entre deux âges affrontent la maturité des sentiments et remettent en question leurs choix. La renaissance du désir et l’émancipation féminine bouleversent la donne. A la croisée des chemins, le changement semble toujours possible et l’amour problématique tant l’usure du couple est palpable. L’amitié, solide camaraderie, manque pourtant de consistance, de réelle confiance en l’autre, suspicion d’hypocrisie, contradictions. Film lumineux, subtil et sensuel.

Azuro, de Matthieu Rozé
Avec Valérie Donzelli, Thomas Scimeca, Yannick Choirat, Maya Sansa, Nuno Lopes, Florence Loiret-Caille
Sortie le 30 mars 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.