Suzanne Hay (1962-2004), artiste allemande installée à Paris, a laissé derrière elle un corpus relativement restreint, près de deux-cent-trente toiles et deux-cents dessins, du fait de son décès précoce. A l’occasion des Vingt ans de la Piscine de Roubaix, le commissaire d’exposition Harald Theil et les équipes de l’institution ont réuni une vingtaine d’œuvres exposées pour la première fois dans un musée. L’ensemble a été puisé dans la succession de l’artiste, emprunté à des collections privées en majorité parisiennes, et complété par trois tableaux en provenance de Berlin et Stuttgart. Les toiles, peintures à l’huile de grand format, appartiennent à des séries aquatiques, exécutées in sitù, piscine publique, salle de bain, douche. Associées, elles soulignent la relation particulière de Suzanne Hay à l’eau. Elles évoquent une certaine sensualité, des rites de purification, de régénération mais aussi un sentiment d’isolement bénéfique ou délétère selon les propositions.
L’artiste n’épargne pas ses modèles, ni par les longues et difficiles séances de pose, ni dans le rendu final peu flatteur. De la même façon, dans ses propres autoportraits, elle ne se représente jamais à son avantage. Elle saisit les flottements de l’âme. Les angoisses refluent à la surface de la matière. La nudité convoque une idée de l’innocence retrouvée. Le corps est imparfait mais vibrant, vivant.
Même dans ces lieux ouverts, l’idée d’enfermement qu’elle reprend moins métaphoriquement dans des séries autour de la cave, des tunnels désaffectés, diffuse un sentiment d’étrangeté, de malaise. Les motifs récurrents assument leur ambiguïté. La douleur et le plaisir se ressemblent dans une forme d’ironie radicale, sans morbidité malgré des sujets parfois très âpres. A la frontière des genres, le burlesque flirte avec le drame, la réalité avec la fiction. La vie et la mort se rejoignent dans un agencement savant, maîtrise technique, force suggestive. Trouble.
Suzanne Hay : À la piscineJusqu’au 6 février 2022
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