Expo : Népal, art de la vallée de Katmandou - Musée National des Arts Asiatiques Guimet - Jusqu'au 10 janvier 2022



Au cœur de la chaîne himalayenne, entre les sommets du toit du monde et les vallées profondes, le Népal forme un territoire enclavé entre ses deux puissants voisins, la Chine et l’Inde. Le pays de naissance du prince Siddharta Gautama qui allait devenir le Bouddha, né à Lumbinî sur la route de Kapilavastu, actuel Teraï népalais, se situe au carrefour des voies caravanières héritées des routes de la soie et du sel. Refuge des bouddhistes chassés du Tibet en 1951 par les Chinois, le Népal est devenu pour l'Occident une contrée de fantasmes entretenus par le mythe des chemins de Katmandou. Tandis que les amoureux des cimes rêvaient d’Everest et d’Annapurna, les hippies, à la fin des années 1960, en font leur destination de prédilection, l’étape ultime de voyages initiatiques psychédéliques. Du fait de sa position géographique propice aux échanges, le Népal a développé une civilisation originale dont l’influence esthétique s’est diffusée jusqu’à la cour impériale chinoise. Les artisans népalais jouissant d’une renommée considérable au-delà des frontières, ont joué un rôle majeur dans l’évolution de l’expression artistique du continent tout entier depuis le Xème siècle jusqu’au XIXème siècle. Cet art singulier opère la transition entre les mondes indien, tibétain et chinois. Le Musée national des Arts Asiatiques Guimet présente dans le cadre de l’exposition « Népal, art de la vallée de Katmandou » une sélection de quatre-vingts artefacts parmi lesquels de nombreux éléments sont montrés pour la première fois au public. Les oeuvres issues des fonds du Musée Guimet ainsi que des collections publiques du Collège de France, du musée d’art asiatique de Nice, du musée d’art asiatique de Toulouse et du musée du Quai Branly éclairent sous un jour inédit l’importance culturelle du Népal. Objets liturgiques, sculptures, statuettes, masques, parures, peintures, dessins, miniatures, pièces tribales liées à des rites chamaniques, des cultes ancestraux, illustrent la complexité d’une iconographie fruit d’un syncrétisme original. 










Jusqu’au XVIIIème siècle, le vocable Népal désigne la seule vallée de Katmandou. Lieu de passage et de transit, à la croisée des influences culturelles, le pays a initié une civilisation brillante. Entre le Xème et le XIXème siècle, les Newars, considérés comme les premiers habitants de la vallée, développent des pratiques artistiques, univers graphique ésotérique, spirituel, reflet de pratiques religieuses contrastées. Ils puisent leur inspiration dans l’art indien, les cultures hindouistes et bouddhistes et développent une richesse iconographique inédite. Les spécificités stylistiques des productions locales empruntent et déclinent les motifs issus des différentes pratiques religieuses, hindouisme, bouddhismes, panthéisme.

De nos jours, soixante ethnies et castes différentes peuplent le Népal. Le patrimoine culturel méconnus et les trésors nationaux demeurent méconnus du public occidental. La région ne s’est ouverte qu’à partir des années 1950. Le monde international de l’art s’est intéressé aux productions népalaises qu’à l’aube des années 1970. A cette période, les objets circulent de mains en mains, marchands plus ou moins honnêtes, aventuriers, voleurs, voyageurs béotiens, collectionneurs avertis. La provenance parfois douteuse des pièces produites dans les villages de l’Himalaya, mais achetés et échangés à Katmandou rend difficile la recontextualisation de ces artéfacts. Le processus occulte l’histoire des pièces, efface leur signification et leur origine précise. 

Les collections népalaises du Mnaag constituées progressivement depuis la fin du XVIIIème siècle comportent environ cent-trente pièces, ensemble de taille modeste mais d’une qualité exceptionnelle. Achats, legs et dations ont permis de réunir des éléments d’un intérêt historique et esthétique majeur. En 1955, l’Institut de France a déposé le fonds de son correspondant britannique B.H. Hodgson (1800-1894), résident à Katmandou de 1824 à 1843. A la suite d’une donation établie en 1989, les trésors de la collection Lionel Fournier (1934-2017), ont rejoint le fonds himalayen du musée Guimet désormais l’un des plus importants d’Europe. Composé d’une majorité de pièces tibétaines, cet ensemble comporte néanmoins seize pièces népalaises remarquables, parmi lesquelles des rouleaux peint exceptionnels par leur ancienneté. Les plus vieux remontent au XIIIème siècle.











 

A l’occasion de l’évènement, « Népal, art de la vallée de Katmandou », le Mnaag expose objets liturgiques, sculptures, peintures d’une sophistication au caractère ésotérique fascinant. Le mystère qui entoure ces pièces semble sublimer l’expressivité des représentations humaines, la qualité esthétique des cuivres dorés, le foisonnement des formes et des motifs. L’importante documentation, photographies, dessins, recueils, carnets, retraçant les fouilles menées par des équipes françaises et britanniques témoignent de l’état des monuments de la vallée de Katmandou au début des années 1920. Une série de planches architecturales et de gouaches sur toile ainsi qu’une sélection de grandes toiles réalisées à l’encre complètent la contextualisation.

Parmi les pièces remarquables se trouvent une tiare d’officiant tantrique conçu vers 1145, un sublime masque en terre cuite de Shiva Bhairava, une coupe en corne tout premier objet népalais entré en 1891 dans les collections du musée. L’exposition présente également avec l’aval de la diplomatie népalaise, des pièces controversées, issue de spoliation, de trafics. En 1985 et 1986, le Mnaag a acheté en toute bonne fois deux stèles sculptées, lesquelles ont été sorties illégalement du territoire népalais, à la suite d’une indélicatesse au sein de la famille royale. L’une provient du Bhaktapur, et date du XIIème ou début du XIIIème siècle. Elle évoque le mythe de la descente du fleuve céleste sur la terre. Ganzu déverse l’eau sacrée sur le couple divin Maheshvara, autre nom de Shiva, et son épouse Uma dans leur résidence himalayenne. La seconde du XIème siècle, originaire du Patan, représente Vishnu et son épouse Lukshmi ainsi que l’oiseau personnifié Garuda. Il est désormais question d’un prochain retour de ces œuvres dans leur pays d’origine.

Népal, art de la vallée de Katmandou
Jusqu’au 10 janvier 2022

6 place d’Iéna - Paris 16
Tél : 01 56 52 54 33
Horaires : Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.