Paris : Maison pseudo-médiévale rue des Ursins, un pastiche imaginé par l'architecte Fernand Pouillon à la fin des années 1950 - IVème

 


La maison pseudo-médiévale de la rue des Ursins, tourelles et fenêtres à meneaux, dresse une silhouette digne de la grande histoire de l’île de la Cité. Allure trompeuse, contrefaçon délectable. L’apparence actuelle de la maison est l’expression du talent de l’architecte Fernand Pouillon (1912-1986). En 1958, il acquiert une parcelle à l’angle de la rue des Chantres et de la rue des Ursins, l’une des rares venelles du quartier rescapée des grands travaux d’Haussmann. A l’emplacement même de l’ancien hôtel de Jean de Jouvenel des Ursins, prévôt des marchands en 1388, construction rasée en 1637 dont il ne demeure aucun vestige, Fernand Pouillon se laisse porter par son imagination. Il s’empare de la vieille bâtisse sans intérêt historique qui occupe la place pour réinventer un pastiche médiéval. Il associe des éléments anciens d’origines diverses, portes rivetées, chambranles ouvragés, à la nouvelle structure plus sage, plus classique. Parfaitement intégrée dans son environnement, la maison des Ursins se fond idéalement dans le paysage urbain, copie plus vraie que nature, reconstitution inspirée.  







Au XIXème siècle, à l’occasion de la grande transformation de Paris, le préfet Haussmann repense entièrement l’île de la Cité. Sans s’embarrasser de scrupules concernant l’intérêt historique, il tranche dans le vif de l’ancien tissu urbain. La ville médiévale, ses venelles étroites, ses vieilles masures disparaissent au profit des vastes avenues et des immeubles en pierre de taille. En contrebas du quai aux Fleurs, la rue des Ursins préservée de cette modernité radicale se trouve encore à son niveau d’origine très proche de celui de la Seine. 

Lorsqu’au début du XXème siècle, Eugène Atget photographie la rue des Ursins, il capture une atmosphère de quartier populaire. Là où se trouvera la maison des Ursins de Fernand Pouillon se trouve alors un édifice sans grâce, bicoque branlante qui abrite au rez-de-chaussée des commerces triviaux, un marchand de vin et un loueur de voitures à bras. 

 

1900 Eugène Atget

1900 Eugène Atget

Circa 1905

Circa 1905

1910 Crue de la Seine rue des Ursins

A la fin des années 1950, Fernand Pouillon choisit de rendre hommage à l’esprit pré-haussmannien de l’île de la Cité. La maison qu’il imagine convoque le mythe, le souvenir du couple légendaire Héloïse et Abélard, le roman de Victor Hugo, « Notre Dame de Paris ». Il se lance dans une variation architecturale, mosaïque de styles, patchwork de fragments anciens authentiquement médiévaux et de motifs plus classiques. Grilles en fer forgé, fenêtres en ogives, les fenêtres à meneaux à droite du perron, les vitraux, jusqu’à la porte du garage ont été empruntés à des vestiges, de vénérables disparus. Afin de souligner son propos, l’architecte ajoute à la structure des motifs iconiques du Moyen-Âge tels que la tourelle d’escalier. Il capturer un peu de la ville originelle fantasmée en incluant des composants caractéristiques.

Très satisfait de son oeuvre, Fernand Pouillon note en 1968 dans ses " Mémoires d'un architecte ", publiées aux éditions du Seuil, « Au bout d’un an de travaux, la ruine, démolie morceau par morceau, fut remplacée par un adroit pastiche d’éléments architecturaux volontairement disparates, qui, depuis, ont fait l’envie et l’admiration de tous ceux qui rêvent d’une vue sur la Seine ». Pourtant l’architecte habite à peine un an cette maison.

 










La maison pseudo-médiévale des Ursins partage une cour avec l’Hôtel de la Motte Montgaubert, ancienne Maison des Chantres restaurée au début du XXème siècle, patrimoine architectural classé à l’inventaire des Monuments historiques en 1996. L’ensemble formé par les deux édifices a été durant plusieurs décennies la résidence parisienne de l’Aga Kahn et de sa famille lors de leurs séjours en France. Il serait aujourd’hui la propriété d’un prince du Moyen-Orient demeuré anonyme.

Maison pseudo-médiévale des Ursins
1 rue des Ursins

Bibliographie
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme

Sites référents



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.