Au XIXème siècle, à l’occasion de la grande transformation de Paris, le préfet Haussmann repense entièrement l’île de la Cité. Sans s’embarrasser de scrupules concernant l’intérêt historique, il tranche dans le vif de l’ancien tissu urbain. La ville médiévale, ses venelles étroites, ses vieilles masures disparaissent au profit des vastes avenues et des immeubles en pierre de taille. En contrebas du quai aux Fleurs, la rue des Ursins préservée de cette modernité radicale se trouve encore à son niveau d’origine très proche de celui de la Seine.
Lorsqu’au début du XXème siècle, Eugène Atget photographie la rue des Ursins, il capture une atmosphère de quartier populaire. Là où se trouvera la maison des Ursins de Fernand Pouillon se trouve alors un édifice sans grâce, bicoque branlante qui abrite au rez-de-chaussée des commerces triviaux, un marchand de vin et un loueur de voitures à bras.
1900 Eugène Atget |
1900 Eugène Atget |
Circa 1905 |
1910 Crue de la Seine rue des Ursins |
A la fin des années 1950, Fernand Pouillon choisit de rendre hommage à l’esprit pré-haussmannien de l’île de la Cité. La maison qu’il imagine convoque le mythe, le souvenir du couple légendaire Héloïse et Abélard, le roman de Victor Hugo, « Notre Dame de Paris ». Il se lance dans une variation architecturale, mosaïque de styles, patchwork de fragments anciens authentiquement médiévaux et de motifs plus classiques. Grilles en fer forgé, fenêtres en ogives, les fenêtres à meneaux à droite du perron, les vitraux, jusqu’à la porte du garage ont été empruntés à des vestiges, de vénérables disparus. Afin de souligner son propos, l’architecte ajoute à la structure des motifs iconiques du Moyen-Âge tels que la tourelle d’escalier. Il capturer un peu de la ville originelle fantasmée en incluant des composants caractéristiques.
Très satisfait de son oeuvre, Fernand Pouillon note en 1968 dans ses " Mémoires d'un architecte ", publiées aux éditions du Seuil, « Au bout d’un an de travaux, la ruine, démolie morceau par morceau, fut remplacée par un adroit pastiche d’éléments architecturaux volontairement disparates, qui, depuis, ont fait l’envie et l’admiration de tous ceux qui rêvent d’une vue sur la Seine ». Pourtant l’architecte habite à peine un an cette maison.
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