L’église Saint-Julien-le-Pauvre est considérée comme la plus ancienne église de Paris dont l’histoire n’a pas connu d’interruption. Ses origines avérées remontent au moins au VIème siècle. La présence d’une chapelle est attestée dès 507. Néanmoins, le bâtiment actuel a été édifié entre le milieu du XIIème siècle et le milieu du XIIIème siècle. Saccagé à de nombreuses reprises, laissé par intermittence à l’abandon, l’édifice originel a connu de nombreux effondrements qui l’ont amputé notamment de sa façade première. Celle visible de nos jours date de 1651. Magasin à sel sous la Révolution puis entrepôt de laine loué par l’Hôtel-Dieu, l’église ne doit sa résurrection qu’à la ferveur du père Alexis Kated. A la fin du XIXème siècle, la communauté des chrétiens d’Orient parvient à redonner sa vocation originelle à ce lieu malmené. Dédié au culte grec catholique melchite depuis 1889, les offices y sont célébrés en grec et en arabe. Singulier mélange de style où domine le Gothique de transition, l’architecture illustre une histoire mouvementée. La modestie de l’entrée, son austérité rappelle celle des constructions romanes du Sud de la France. L’église Saint-Julien-le-Pauvre a désormais retrouvé sa plénitude spirituelle.
Successivement dédiée à Saint Julien de Brioude, Saint Julien du Mans, l’église est associée à Saint Julien l’Hospitalier ou le Pauvre car elle forme l’extension d’un refuge destiné aux pèlerins dont la présence devant le pont est antérieur au VIème siècle. Lors du Siège de Paris (886-887), les Vikings détruisent l’édifice originel. Reconstruite à la fin du Xème siècle, l’église n’est que peu entretenue. Elle tombe bientôt en commende. Ses revenus sont accaparés par des seigneurs laïcs avant l’intervention du roi Henri Ier qui promulgue une charte ordonnant sa restitution à l’évêque de Paris. Au début du XIIème, elle appartient à deux seigneurs, le chevalier Étienne de Vitry et Hugues de Monteler. Vitry de retour de Croisade, offre sa part de l’église au prieuré clunisien de Longpont-sur-Orge vers 1125 bientôt rejoint dans sa démarche par Monteler. La donation est confirmée par l’évêque Etienne de Senlis
Du fait de l’absence de documents précis, la datation de l’église Saint-Julien-le-Pauvre fluctue selon les sources. La communauté religieuse établit un nouveau prieuré et envisage un nouvel édifice sur l’ancienne chapelle en ruine. Le chantier débute à partir de 1160 ou 1170. La nef aurait été construite de 1170 à 1220. L’édification du chœur ne s’achève que vers 1210/1220. Il s’inspire de celui de la cathédrale Notre Dame. Mais le parti pris architectural de cet hommage, probablement trop coûteux, est abandonné en cours d’exécution. L’élévation intérieure qui aurait dû compter trois niveaux n’en déploie que deux. Les baies du second niveau étaient destinées à l’origine à devenir les fenêtres d’un triforium. Le projet de plusieurs travées jumelées sous voûtes sexpartites et d’un chevet plat, jamais mené à bien. Au final, afin de réduite le budget, le gros oeuvre d’absides de l’édifice antérieur est réemployé. L’escalier toujours visible est seul élément réalisé d’un programme de tour clocher sur le bas-côté droit. Le vaisseau central de la voûte n’est pas achevé par les voûtes d’ogives prévues. Les voûtes actuelles datent des travaux de 1651, remplaçant un couvrement provisoire. Les chapiteaux feuillagés forment un ensemble remarquable mais la plupart sont des copies en plâtre du XIXème siècle.
Au XIIIème siècle, la rue du Fouarre près du chevet de l’église est devenu l’un des lieux d’enseignement de l’Université de Paris qui à défaut de locaux dispensent les cours en plein air. Le recteur obtient qu’une partie, les classes d’Humanité et de Philosophie, puissent être donnés au cœur de l’église. Les sièges des assemblées générales de l’Université durant lesquelles tous les trois mois sont élus les recteurs sont également transférés. L'église Saint-Julien-le-Pauvre devient un lieu de réunion et de réflexion pour les étudiants. Dante et Thomas d'Aquin, voisins, y ont certainement suivi cours et assemblées.
En vertu d’une ordonnance de Philippe le Bel, le prévôt de Paris y prête serment, tous les deux ans, de faire respecter, et d’observer lui-même, les privilèges des maîtres et élèves. Le recteur et les autres chanoines de chacune des quatre facultés des quatre nations y tiennent leur chapitre chaque année lors de cérémonies fastueuses. Au XIVème siècle, l’Université se déplace vers la Montagne Sainte Geneviève à l’occasion de la construction de nouveaux bâtiments, amphithéâtre et bibliothèque. Cet événement marque le début d’un certain déclin.
En 1524, à l’occasion de l’élection contestée d’un recteur, éclate une émeute étudiante. Les lieux saccagés sont occupés par les contestataires vite matés. Les activités relatives à l’Université sont suspendues. Le centre universitaire est transféré au couvent des Mahturins à proximité de l’actuel hôtel de Cluny. Marquée par les violences de la première guerre de religion, la communauté des moines de Longpont est autorisée à s'installer dans leur prieuré Saint-Julien-le-Pauvre en 1562.
Vers 1612, la venue d’un nouveau prieur Thiboust de Berry, trop jeune, inexpérimenté mène l’église à la ruine par sa mauvaise gestion. Il est destitué vers 1630 pour être remplacé par Pierre Méliand. Le rapport des experts sur l’état du bâtiment de l’église est alarmiste. Le portail et le toit de la nef se sont écroulés. Il ne reste que quatre pilastres engagés dans la façade qui soutiennent le fronton triangulaire nu. Le lambris intérieur de la nef et les bas-côtés menacent de s’effondrer à leur tour. Afin de sauver l’édifice, les architectes et maçons proposent de raccourcir l’église de deux travées et d’employer ces matériaux afin de construire une sacristie. Le maître-maçon Bernard Roche débute le chantier en 1651 et établit une nouvelle façade.
Au milieu du XVIIème siècle, l’Hôtel-Dieu jusqu’alors cantonné sur l’île de la Cité cherche à s’agrandir rive gauche. Il achète parcelles et maisons entre la Seine et la rue de Bûcherie. Le Cardinal Mazarin et Jean-Baptiste Colbert négocient auprès du prieuré de saint-Julien-le-Pauvre afin de céder l’enclave de l’église, un l’îlot de trente-huit maisons situé sur l'emplacement de l'actuel jardin public et au-delà, jusqu'à la rue Garlande. La transaction aboutit et l’enceinte de Saint-Julien devient la propriété de l’Hôtel-Dieu. Un hospice pour les malades est créé tandis que l’église demeure en activité, la confrérie Notre-Dame des Vertus y poursuit ses célébrations habituelles. Au début du XVIIIème siècle, l’Hôtel-Dieu connaît des problèmes de trésorerie et vend un certain nombre de parcelles. Il demeure dans le jardin Viviani un puits en demi-lune provenant de l’ancienne maison dite des lions. De nouvelles constructions sont édifiées.
A la Révolution française, les biens de l’Hôtel-Dieu sont nationalisés. L’église où les services ont été suspendus devient un magasin à sel en 1790. Un décret impérial de 1805 restitue l’église à la gestion de l’Hôtel Dieu afin que les offices soient à nouveau célébrés. Mais l’institution choisit de la louer comme dépôt de laine jusqu’en 1826 date à laquelle elle est rendue au culte, enterrement et baptêmes.
L’église saint-Julien-le-Pauvre est classée par liste aux monuments historiques en 1846 avant d’être à nouveau désaffectée en 1873. Il est question un temps de la transformer en annexe du Musée Carnavalet. Les chrétiens d’Orient qui ne possèdent pas de lieu de culte ni de paroisse, s’intéressent à cette église et souhaite lui rendre sa vocation initiale. Le père Alexis Kated mène le projet avec succès. Il obtient de l’Assistance publique et de l’Etat qu’en 1889 l’église soit affectée au culte catholique grec melchite. Une rénovation drastique est menée par la communauté. L’avant-chœur de l’abside est séparée en 1900 par une iconostase, décorée de marqueterie en bois de rose et bois d’olivier, oeuvre d’un artisan de Damas.
Eglise Saint Julien le Pauvre - Paris 5
Rue Saint Julien le Pauvre / Square Viviani
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - Sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur du 5è arrondissement - Bertrand Dreyfus - Parigramme
Curiosités de Paros - Dominique Lesbros - Parigramme
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