Cinéma : Delphine et Carole, les Insoumuses - Un documentaire de Callisto McNulty



En 1969, Carole Roussopoulos vient d’être débarquée du magazine Elle. Sur les conseils de son ami Jean Genêt, elle achète avec ses indemnités la toute première caméra vidéo portative, la Portapak de Sony qui a déjà séduit Jean-Luc Godard. Pour rentabiliser l’investissement, Carole organise des stages de formation pour les réalisateurs amateurs souhaitant se familiariser avec cet outil, maniable, léger. Une certaine Delphine Seyrig s’inscrit au séminaire. Entre l’actrice devenue réalisatrice et la vidéaste nait une grande histoire d’amitié marquée par leur engagement auprès de la cause féministe. La vidéo devient le symbole d’une toute nouvelle liberté et un vecteur du message féministe, de la revendication. Dans leurs films, ces pionnières donnent la parole aux femmes, à celles qui en étaient privées comme les prostituées ou les lesbiennes. 








En 1975 Carole Roussopoulos et Delphine Seyrig, rejointes par la réalisatrice Iona Wieder, fondent les Insoumuses, un collectif féministe. En 1982, elles créent le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, mission conservation et production de vidéos, de films, témoignages de l’histoire des femmes, de la lutte pour l’égalité des droits. En 2009, Carole Roussopoulos envisage de réaliser un film au sujet de son amie Delphine Seyrig, disparue vingt ans plus tôt. Le documentaire en gestation rend hommage à son militantisme ardent, son goût pour la subversion, sa combattivité et explore son rapport à la caméra en tant qu’actrice et réalisatrice. Carole réunit les vidéos réalisées ensemble, les documents les plus variés mais elle disparaît avant de finaliser son projet. Ses enfants Alexandra et Geronimo reprennent le flambeau et poursuivent le montage. Le film demeure en suspens. Callisto McNulty, sa petite-fille, redonne vie au documentaire à la fin des années 2010 et prolonge la perspective : ce sera un portrait croisé dédié à Delphine et Carole, la peinture vibrante d’une époque et d’un militantisme créatif.

« Delphine et Carole, les Insoumuses » présenté sur Arte en 2019 et 2020, a été diffusé sur petit écran dans le cadre de la Journée du droit des femmes, avant sa sortie en salle en octobre 2021. Entretiens, extraits de documentaires réalisés par Carole Roussopoulos - tout au long de sa carrière, elle en produit près de 120 - de vidéos tournées par Delphine Seyrig, les images d’archives rares, peu montrées jusqu’à présent composent la matière du film, saut dans le temps passionnant. Le long-métrage réalisé par Callisto McNulty retrace le parcours de trois femmes, militantes subversives, un trio inspirant composé de Delphine Seyrig (1932-1990), Carole Roussopoulos (1945-2009) et Iona Wieder (née en 1932). Cette chronique d’une amitié combattante, réjouissante, inspirante, célèbre la sororité, le lien indéfectible noué entre elles. Eprises d’absolu, elles imposent à l’image leur point de vue politique sans concession. 




Le documentaire évoque la rencontre de Delphine et Carole, toutes deux inspirées par une forme de contestation allègre, un activisme lucide et irrévérencieux. Leur humour cinglant, apparaît comme l’arme décisive d’émancipation contre l’oppression du patriarcat. Par son montage, Callisto McNulty rend compte de la pensée politique développée au cours des années 1970. Elle dit la radicalité du combat ainsi que la portée de cet engagement mené caméra au poing. Ensemble, Carole Roussopoulos et Delphine Seyrig, documentent abondamment leur lutte militante. Une amitié sur fond d’énergie créative.

Evocation saisissantes de ces flamboyantes irréductibles, « Delphine et Carole, les Insoumuses », éclaire puissamment l’héritage du féminisme des années 1970, fruit de la révolution culturelle de Mai 68. Un engagement au propos d’une actualité troublante. A voir absolument !

Delphine et Carole les Insoumuses
Un documentaire de Callisto McNulty
Sortie le 6 octobre 2021



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.