Bercy Village convoque le souvenir d’un Paris d’autrefois. Les arbres centenaires du parc rappellent l’urbanisation très récente du quartier longtemps préservé par un isolement relatif et une activité commerciale unique, le marché vinicole. Chais et entrepôts sont construits entre 1840 et 1885. Les premiers éléments voient le jour sous la direction de l’architecte Louis-Ernest Lheureux (1827-1898), élève de Victor Baltard (1805-1874). Au milieu du XIXème siècle jusqu’au XXème siècle, Bercy revendique le titre de centre névralgique du commerce vinicole en France. L’ensemble porte encore les traces de cette activité. Les venelles pavées de granit sont parcourues d’anciens rails qui pointent vers les berges de la Seine.
Les marchandises sont alors débarquées au Port de Bercy puis transportées vers les entrepôts sur des wagonnets. De grande quantité de vin en provenance de toute la France et parfois même plus loin transite par cette plateforme. Les tonneaux acheminés depuis l’Yonne, la Bourgogne, l’Algérie par voie fluviale, ou encore du Midi par la gare de Lyon achèvent leur voyage au village de Bercy. Marchands de vin et de spiritueux, négociants en gros, réceptionnent ces jus bruts et procèdent eux-mêmes aux assemblages, parfois très audacieux. Les vins sont mis en bouteille sur place. Le verre volontiers dégusté au comptoir.
Circa 1900 |
Circa 1900 |
Au XIXème siècle, les entrepôts de la ville de Bercy se situent au-delà du mur d’octroi, l’enceinte des Fermiers Généraux. Les guinguettes où se déguste un vin hors taxe s’y développent naturellement. La situation prend fin en 1860 lors de l’annexion des communes à la Ville de Paris. Mais ces commerces festifs à la réputation parfois sulfureuse perdurent tandis que Bercy demeure avant tout un lieu de labeur. En 1870, près de sept-mille personnes travaillent dans les entrepôts qui se répartissent désormais sur cinquante-deux hectares. Une vaste rénovation menée par Viollet-le-Duc, achevée en 1895, permet d’établir un meilleur contrôle des marchandises et d’optimiser l’organisation. En 1930, Bercy concentre 70% du négoce de vins et de spiritueux à Paris.
L’âge d’or prend fin progressivement avec certaines dérives. Des marchands peu regardants donnent naissance à des mélanges douteux. La réputation de Bercy est entachée. Le commerce du vin y perd en prestige. L’exigence croissante des consommateurs pousse le développement d’une nouvelle pratique, la mise en bouteille au domaine. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le commerce du vin à Bercy périclite. La Ville de Paris ne renouvelle pas les baux des négociants qui quittent alors la Capitale pour la banlieue. Les entrepôts de Bercy cessent leurs activités. Le quartier entame une profonde restructuration. En 1979, les premiers bulldozers font disparaître les chais « Joninon et Saillard », la maison « Basdoc » remplacés par le Palais omnisports en 1984 et le nouveau Ministère de l’Economie et des Finances en 1990. Les anciens chais et entrepôts qui échappent à cette première vague font l’objet d’une inscription partielle à l’inventaire des Monuments historiques le 7 février 1986.
Au début des années 1990, la jeune foncière Altarea Cogedim, fondée par le promoteur immobilier Alain Taravella, envisage une réhabilitation des anciens chais désormais à l’abandon dans le cadre de l’aménagement de la ZAC Bercy. Le projet de Bercy Village est un véritable pari sur l’avenir, sur l’évolution du quartier, du tissu urbain, des infrastructures. En effet, le contexte ne paraît pas idéal tant l’accès au quartier demeure limité. La ligne 14 n’existe pas encore, les anciens chais de Bercy sont isolés par les voies du chemin de fer des gares de Lyon et Bercy. En 1991, le chantier à peine entamé est suspendu durant un an à la suite d’une découverte archéologique majeure, vestiges d’un ancien village néolithique. Le site révèle quatre pirogues vieilles de plus de 6000 ans qui remettent à elles seules en cause la chronologie de l’histoire de l’occupation de ces territoires.
Altarea Cogedim fait appel au cabinet d’architecte Valode et Pistre pour repenser le patrimoine architectural originel, le sauvegarder et le réhabiliter en un vaste espace commercial inédit. Les anciens chais et entrepôts classés sont disposés en deux rangées le long d’une ruelle pavés sur lesquelles courent les anciens rails. Les architectes envisagent de doublés les édifices à l’arrière par des constructions plus vastes de verre et de métal. Cette deuxième ligne étend la superficie de chaque chai, afin que les nouvelles dimensions des futures boutiques s’adaptent aux besoins du commerce moderne.
Le chantier d’envergure de Bercy Village aboutit en 1998. Pourtant, les locataires se font rares et le nouveau concept suscite une certaine méfiance. Les premiers magasins et restaurants s’implantent en 1999. Bercy Village inauguré officiellement en mai 2001 n’ouvre au public qu’en 2002 lorsque la majorité des locaux est enfin attribuée. Ce sera la grande date anniversaire retenue. Bercy Village s’autoproclame « premier concept de commerce et de loisirs en France » inspiré des complexes américains mais dans un contexte de patrimoine typiquement français. Cette enclave hors du temps se veut lieu de contraste. En bordure de la rue des Pirogues, six grands chais en pierre de meulières, aspect industriel, structures métalliques, voûtes en briques, développe une esthétique moins aseptisée, moins manucurée que le cour Saint Emilion. Ils abritent le singulier Musée des arts forains, une curiosité, une institution d’une poésie folle.
Désormais Bercy Village, propriété d’Altarea Cogedim, se déploie sur 26 000m2. A l’origine, une trentaine de commerces variés s’y implantent, boutiques de mode, de décoration. Bientôt restaurants et cafés occupent dix-sept enseignes sur les trente-cinq, associés à des lieux de loisirs, de divertissement. Les dix-huit salles du complexe UGC Ciné Cité l’un des plus vastes en Europe entrent dans le cadre des nombreuses propositions animations, offre renouvelée sans cesse de visites guidées, d’expositions, de spectacles. Le programme mené qui vise à démocratiser la culture, notamment en ouvrant des espaces d’expression aux jeunes artistes.
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