Paris : Hommage à Berty Albrecht, une oeuvre de Michèle Forgeois, monument hommage à une militante féministe, à une grande résistante - XIIème

 


Hommage à Berty Albrecht (1893-1943), oeuvre réalisée en 1984 par Michèle Forgeois, a été inaugurée le 28 octobre 1988 par le président François Mitterrand, place du Bataillon-du-Pacifique. Médaille militaire de la Croix de Guerre, Médaille de la Résistance, Berty Albrecht, figure du féminisme, a mené une vie de combat et d’engagement. Elle milite très tôt pour la défense du droit des femmes et joue un rôle majeur au sein de la Résistance auprès du groupe Combat. Elle est l’une des six femmes Compagnons de la Libération, l'une des deux femmes inhumées dans la crypte du mémorial de la France combattante du Mont Valérien. Le monument qui lui rend hommage emprunte la double voie de l’abstraction et de la figuration. Un bloc de marbre de carrare, poli dans un doux mouvement de courbe repose sur un piédestal en bronze. Celui-ci est orné de deux portraits de Berty Albrecht l’un en relief, le second en creux, évocation symbolique des activités de l’ombre. Cette sculpture embrasse les caractéristiques plastiques du travail mené par Michèle Forgeois (1929-2000) tout au long de sa carrière. La taille directe, les jeux de volumes, de pleins et de vides, les lignes harmonieuses. L’artiste a laissé sa trace au sein des collections publiques, en collaborant avec la Banque de France à Marne la Vallée ou avec les Archives départementales à Périgueux. A Bercy, la stèle restaurée en 2018 demeure la propriété du Centre national des arts plastiques. 









Berthe Wild nait à Marseille le 15 février 1893 dans une famille de la bourgeoisie protestante d’origine suisse. A la suite de ses études secondaires, elle passe un diplôme d’infirmière mise en pratique au cours de la Première Guerre Mondiale. En 1914, à Londres elle fait la connaissance de Frédéric Albrecht, banquier hollandais. Ils se marient en 1918. Deux enfants naissent de cette union, Frédéric et Mireille. En Angleterre, Berty Albrecht se familiarise avec les mouvements féministes, notamment les Suffragettes qui obtiennent le droit de vote pour les femmes britanniques en 1918. Elle est sensible à la cause du mouvement pour la planification des naissances, « Birth Control ». Bientôt, elle quitte son mari.

En 1932, Berty Albrecht, seule à Paris, noue des liens avec Victor Basch (1863-1944) philosophe, professeur à la Sorbonne, cofondateur et président de la Ligue des droits de l’Homme. Le militantisme pour la cause féministe prend forme sous diverses revues et parutions activistes. Dès 1933, la montée du nazisme pousse les premiers Juifs à l’exil. Berty Albrecht leur vient en aide et met en place un centre d’accueil pour les réfugiés allemands. Elle fait la connaissance d’un jeune officier français Henri Frenay qui lui apporte son soutien. La défaite de la France en 1940 engage Berty Albrecht sur les sentiers de la clandestinité. A Vichy elle crée sous le manteau et de façon très artisanale des bulletins puis de retour à Pris en septembre 1941, elle s’attelle à la parution du journal « Vérités ».

En 1942, « Vérités » et « Liberté » organe de la Résistance mené par François de Menthon, fusionnent pour devenir le groupuscule Combat sous l’égide d’Henri Frenay, secondé par Berty Albrecht. Elle est arrêtée une première fois en janvier 1942, puis relaxée. A nouveau incarcérée en mai 1942, elle est alors transférée dans différents établissements. A la suite d’une grève de la faim pour exiger un procès, elle est finalement détenue à Lyon où elle est condamnée à six mois de prison. Elle simule la folie afin d’être déplacée dans un asile en novembre 1942. Avec la complicité de son médecin, le docteur Foex, elle est libérée par un commando du groupe Combat le 3 décembre 1942. Elle refuse alors d’être exfiltrée vers Londres et poursuit son action. Elle est à nouveau arrêtée par la Gestapo à Mâcon le 27 mai 1943. Elle est transférée à Lyon puis à Fresnes. Torturée elle ne parle pas. Pour échapper à ses bourreaux et ne pas mettre en péril ses camarades, elle se donne la mort par pendaison le 31 mai 1943. Elle est nommée Compagnon de la Libération par décret du 6 août 1943. A la Libération son corps est inhumé au Mont Valérien, dans la crypte du mémorial de la France combattante.









Le monument hommage inscrit durablement dans l’espace public de la ville, une représentation inédite en art de la femme. Incarnation plastique des préceptes d’une société dominée par les hommes, la démarche classique montre le corps féminin, objet esthétisé de désir ou image rassurante de maternité - la maman et la putain.  Traditionnellement, la femme y est objectivée plutôt que considérée comme sujet autonome digne de devenir un modèle.

Le caractère exceptionnel de ces statues investies de sens illustre les freins psychologiques d’une société qui peine à évoluer. Par ce type particulier d’hommage, les femmes célébrées sont reconnues en tant qu’actrices historiques et civiques. Les mises en scènes inédites questionnent la place des femmes au sein même des sociétés ainsi que leur représentation dans l’espace public. L’hommage à Berty Albrecht prend l’ampleur d’un totem créateur de lien social et porteur d’un message fort.

Hommage à Berty Albrecht
Place du Bataillon du Pacifique - Paris 12



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.