Cinéma : Le Sommet des Dieux, un film d'animation de Patrick Imbert - D'après le roman graphique de Jirô Tanigushi



Dans les années 1990, Fukamachi un photoreporter mène une enquête au Népal pour le compte d’une revue japonaise. Il est à la recherche de Habu Jôji, ancien espoir de l’alpinisme, disparu des circuits professionnels de la montagne et qui aurait été aperçu à Katmandou. Cet homme sauvage serait en possession de l’appareil photo Kodak Vest Pocket des explorateurs anglais George Mallory et Andrew Irvine, dont la pellicule pourrait définir s’ils ont été les premiers atteindre le sommet de l'Everest en 1924. Et remettrait en question, l’exploit d’Edmund Hillary et Tenzing Norgay, vainqueurs du Toit du monde en 1953. Pour retrouver Habu, Fukamachi remonte le fil d’une vie tragique de sacrifice et de passion. Bientôt, la piste le mène dans un petit village au pied du « sommet des dieux ».






Adaptation du roman graphique japonais éponyme signé Jirô Tanigushi et Baku Yumemakura, « Le Sommet des Dieux » interroge la passion obsessionnelle pour la montagne, une quête mystique, le vertige des cimes vécu comme un envoûtement. Le film d'animation de Patrick Imbert, qui s’était illustré aux côtés de Benjamin Renner avec « Le grand méchant renard » et « Ernest et Célestine », signe une première réalisation personnelle ambitieuse d’une beauté à couper le souffle. 

Le cinéaste a relevé un défi de taille, condenser en un film unique d’une heure trente, un manga déployé sur cinq tomes et plus de mille cinq cents pages. Patrick Imbert, tout en respectant le récit, a choisi de recentrer la narration sur l’itinéraire des deux protagonistes principaux. La narration haletante coupe dans les digressions et les personnages secondaires afin de se concentrer autour de l’enquête palpitante de Fukamachi et l’élucidation d’un mystère des années 1920.

Cette fresque animée, summum de dépouillement, révèle un style visuel très différent du manga, à la fois dans le graphisme général et dans le parti pris de la couleur alors que l’oeuvre originale était en noir et blanc. Patrick Imbert s’est attaché à retraduire graphiquement le mystère des paysages. Il associe le réalisme et la part d’imaginaire. A l’écran, un frisson glacé court dans l’immensité neigeuse du massif himalayen sur fond de musique planante. 



Film sensoriel d’une grande intensité, « Le Sommet des Dieux » est porté par un puissant souffle romanesque tandis que le soin apporté aux détails techniques renforce la crédibilité du propos. Entre conquête de l’Everest et quête d’identité, Patrick Imbert cherche à comprendre cet engagement, ce sacerdoce. Alpinistes solitaires, rares camarades de cordée à l’assaut des sommets, il croque ces personnages taiseux en découpant en creux la psychologie de ces passionnés de l’extrême, qui ne vivent que pour les défis, le dépassement de soi. Avec sensibilité, empathie, humanité, « Le Sommet des Dieux » capte la grande humanité de ces êtres en prise de risque permanente dans la conquête des cimes, la détermination sans faille face au péril jusqu’à l’inconscience. Fascinant !

Le Sommet des Dieux
Un film d’animation de Patrick Imbert
Avec les voix de Lazare Herson-macarel, Éric Herson-Macarel, François Dunoyer, Philippe Vincent, Luc Bernard, Marc Arnaud, Jérôme Keen, Damien Boisseau
Sortie le 22 septembre 2021



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.