Ailleurs : La Maison de bois à Mâcon, étape touristique incontournable, décor sculpté remarquable et légende festive d'une confrérie bachique disparue

 

La Maison de bois revendique le titre de plus ancienne bâtisse de la vieille ville de Mâcon. A l’angle de la place aux Herbes et de la rue Dombey, cette étrange construction au décor foisonnant déploie des trésors truculents, abondance de formes sculptées dans le bois. Edifiée entre 1490 et 1510, la maison est détruite par un incendie au XVIIème siècle pour être reconstruite dans un style ornemental des plus exubérant qui rend hommage aux légendes entourant les lieux. Au début du XVIème siècle, la Maison de bois aurait été le siège de la Confrérie bachique de Malgouverne, une assemblée de jeunes fauteurs de trouble, rejetons des familles les plus aisés de la région en rébellion contre le poids de la religion. Contestataires et gais lurons, accusés d’outrages aux bonnes mœurs, ils scandalisent la bonne société. Des rumeurs d’orgies courent. L’édifice aurait abrité une maison close, avant de devenir officiellement une taverne. Les activités jugées licencieuses de la confrérie poussent le lieutenant général du baillage à intervenir. Il prononce sa dissolution en 1625. Un siècle plus tard, à la suite de l’incendie dévastateur, le nouveau propriétaire, marchand de vin, imagine un décor susceptible d’attirer la curiosité des noceurs. La fantaisie particulière de la façade semble illustrer l’esprit frondeur et grivois des frères de la Malgouverne. 







Circa 1900


La façade sculptée de la Maison de bois de Mâcon ne manque pas de piquant. En détails, le l’opulent travail d’ornementation révèle quelques surprises. Postures grotesques, mimiques clownesques, les personnages, hommes et singes anthropomorphes, à peine couverts d’une écharpe et d’un bonnet, complètement nus, ailés, caracolent en une ronde grimaçante débridée comme un pied-de-nez aux esprits trop pudibonds. Un bestiaire fantastique emprunté à la Renaissance, licorne, dragon, griffons, hybrides étranges, côtoie la trivialité d’animaux plus familiers, aigle, bélier. 

La qualité du décor sculpté illustre puissamment un savoir-faire régional. La délicatesse des détails, souligne la maîtrise de la technique. La Maison de bois apparaît dans la nouvelle des frères Goncourt, « La marchande de Mâcon », dans laquelle elle est comparée à un « gigantesque bahut » que la pudeur ne pourrait faire observer qu’à la dérobée tant les motifs obscènes, gentiment égrillards, seraient propres à marquer les prudes imaginaires des « braves gens ». Au XIXème siècle, elle appartient successivement à la famille Giraud puis aux Merlet et enfin aux Deschaux.  

Aujourd’hui, la renommée de cette curieuse bâtisse dépasse largement les frontières de la ville. Silhouette familière des guides touristiques, elle est devenue une étape incontournable des circuits découvertes. Inscrite à l’inventaire des Monuments historiques par décret du 2 avril 1920, façades et toitures sont protégés. En 1992, le propriétaire Charles Marceau, secrétaire général de la Ville, fait don de la Maison de bois à la Municipalité.








La Maison de bois a fait l’objet de deux campagnes de restauration dans le cadre d’une vaste entreprise de valorisation du patrimoine menée par la ville. En 2011, Rodolphe Vauvot, menuisier de Bray près de Cluny, est chargé de redonner vie à la vieille maison que le temps et la pollution n'ont pas épargnée. Fils de l’artisan intervenu vingt ans plus tôt, en 1991 lors d’une précédente rénovation, son travail raconte une histoire de transmission et de passion. A l’occasion de cette intervention, cinq panneaux de chêne sculptés trop endommagés pour être restaurés sont remplacés. Le nettoyage de la façade de trois étages nécessite la mise au point d’un procédé plus doux que le sablage trop abrasif qui risquait d’endommager définitivement les détails sculptés. Des noyaux broyés pulvérisés à basse pression permettent de débarrasser la maison de sa gangue de pollution incrustée.

Afin d’harmoniser la couleur des différents panneaux de bois, les plus anciens, ceux installés en 1991 et enfin les derniers tout neufs, ils sont badigeonnés avec une huile aux pigments naturels, solution écologique respectueuse du matériau et de la réalité historique. Les récentes baies en aluminium du rez-de-chaussée installée en 1991 sont remplacées par des menuiseries en bois. Les arcades en pierre et le toit en tuiles creuses font l’objet d’une réfection soigneuse. La Maison de bois de Mâcon est distinguée à l’issu de cette restauration par le second prix régional du patrimoine 2011. Atout touristique incontestable

La Maison de bois a conservé sa vocation d’étape de restauration. L’établissement, bar-restaurant intérieur soigneusement repensé en 2013 et 2017, a perdu son esprit canaille. Il s’inscrit désormais dans un contexte très familial, lieu de vie et halte touristique incontournable. Propriétaire du fonds commercial depuis 2013, Nicolas Auberger qui avait repris le restaurant vient de passer le flambeau en juillet 2021 à Sarah Pallares

Maison de bois
Place aux Herbes / 22 rue Dombey - 71000 Mâcon



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.