Expo : El Anatsui, "En quête de liberté", carte blanche à la Conciergerie - Jusqu'au 14 novembre 2021

 

Dans le cadre de la saison Africa 2020, le Centre des Monuments Nationaux a invité l’artiste ghanéen El Anatsui à la Conciergerie, vestige médiéval du palais de la Cité, prison révolutionnaire. A l’occasion de cette première exposition monographique en France, il a investi la salle des Gens d’armes pour une carte blanche sereine et solennelle. Envie d’expérimentation intacte malgré un contexte sanitaire difficile, El Anatsui a imaginé une installation poétique contemplative créée sur mesure pour ce lieu paradoxal de pouvoir et d’enfermement. Soulignant l’histoire complexe et contrastée de la Conciergerie, la composition invite à la réflexion sur le temps qui passe. L’architecture monumentale, voûtes et piliers spectaculaires, a inspiré au plasticien un ensemble mêlant les symboles des cinq éléments, eau, terre, feu, air, bois. Emblématiques du travail de l’artiste, six grandes tentures métalliques en capsules recyclées se déploient comme les drapeaux d’une contrée mystérieuse. Quatre de ces tapisseries sont présentées dans les cheminées de la salle, assemblage complexe rutilant, préciosité d’un matériau pauvre métamorphosé avec une minutie d’orfèvre. Cinquante rochers en résine imitant le calcaire convoque la nature tellurique de l’espace et suggère au visiteur de s’asseoir l’espace d’un instant afin de laisser libre cours à son imagination. Pour la première fois, El Anatsui explore le format de l’installation vidéo. Deux bandes de tissus montées sur des anciennes traverses de chemin de fer traversent la salle des Gens d’armes. Elles représentent les bras de la Seine qui enserrent l’île de la Cité.  Sur ces écrans singuliers sont projetés des images du fleuve, films de quarante-cinq minutes tournés à l’automne 2020. Les flots sont animées par des souffleries silencieuses qui amplifie le réalisme des images, l’ondoiement de l’eau, dans une simulation hypnotique. L’eau matière libre par essence coule à travers l’ancienne prison. L’apaisement de ce spectacle suspend le cours du temps. Quiétude propice à la méditation.











Agenda bouleversé par la crise sanitaire, l’inauguration de la carte blanche à El Anatsui à la Conciergerie devait lancer la saison Africa 2020. Ce projet pluridisciplinaire panafricain initié par la présidence de la République, propose d’appréhender le monde en le contemplant d’un point de vue africain. Reportée, déplacée, redéployée, la saison est prolongée jusqu’en juillet 2021 voire jusqu’en novembre pour cette exposition particulière. 

El Anatsui, artiste ghanéen, né en 1944, vit et travaille au Nigéria qu’il représente dès 1990 à la Biennale de Venise. Longtemps enseignant à l’Université de Nsukka, le plasticien incarne le renouveau d’un art contemporain africain qui associe tradition et modernité, force du propos et équilibre esthétique.  En 1968, diplômé du collège d’art de l’Université de Science et Technologie de Kumasi au Ghana, El Anatsui prolonge sa formation classique en s’initiant aux techniques anciennes des cultures ashanti et ewe, comme la céramique, la poterie, la gravure. Au début de sa carrière, il sculpte le bois de manière traditionnelle. 

A la suite d’un séjour en Cornouailles en 1985, El Anastui utilise la tronçonneuse. Dans un nouveau processus ritualisé, une pratique repensée, il réalise des séries de grandes sculptures de bois, composées de planches gravées, peintes selon la technique a tempera et marquées au feu. Pour la poterie, il intègre à la glaise des tessons de bouteilles, des débris variés. Dès lors, il s’intéresse aux matériaux recyclés. Le concept de récupération créé des connexions entre les gens, les histoires. Lier les unités entre elles permet de leur redonner du sens. Transformation, interprétation, El Anatsui reconstitue des fragments d’histoire afin de donner vie à des récits alternatifs.











Les capsules de bouteilles aplaties assemblées par des fils de cuivre deviennent sa marque de fabrique dans un processus englobant les techniques du tissage, de la peinture et de la sculpture. La souplesse de la matière, la flexibilité des blocs assemblés confèrent une grande liberté de forme aux tentures. Ces structures s’adaptent à l’environnement où elles sont présentées. Le procédé imaginé par El Anatsui s’inspire du tissage traditionnel africain. En hommage, il reprend les couleurs et motifs des kentés, textile des peuples Ashanti et Ewe. Ses compositions ondoyantes évoquent les tapisseries, les côtes de maille, les parures de prestige. La spontanéité de la conception, le surgissement des plis, des drapés permet d’adapter ces œuvres évolutives au lieu d’exposition engageant un prolongement de la création en situation.

El Anatsui détourne les objets du quotidien, râpes à manioc, couvercles de bidons de lait. Sous ses mains, la matière première d’une modestie triviale se transforme en parure somptueuse, en tenture majestueuse, tapisserie d’un genre particulier. Ces compositions picturales, œuvres précieuses, assument pleinement leur qualité d’ornement ainsi que leur monumentalité. Les capsules d’alcool, notamment du champagne français, bouteilles importées, questionnent les rapports complexes entre l’Afrique et les anciennes puissances colonisatrices européennes, la mondialisation, le commerce international. El Anatsui a été distingué lors de la 56ème Biennale de Venise en 2015 par un Lion d’or pour l’ensemble de son oeuvre. 









Présenté de façon pérenne dans les écuries du domaine de Chaumont-sur-Loire, le plasticien est exposé pour la première fois en solo en France à la Conciergerie, résidence des rois de France et prison révolutionnaire. La crise sanitaire a profondément affecté la mise en place de cette carte blanche. El Anatsui a eu le temps d’effectuer deux voyages à Paris afin de découvrir la Conciergerie, et de se promener sur l’île de la Cité. Mais rapidement, les difficultés de déplacement sont devenues impossibilité de voyager. La création in sitù a donc été composée à distance. Tandis que la réalisation des roches en résine et de l’installation vidéo était confiée à l’atelier Factum Arte à Madrid, N’Goné Fall, commissaire générale de la saison Africa 2020, supervisait le montage à Paris. El Anatsui n’a pas encore eu l’opportunité de découvrir son oeuvre en présentiel. Gageons que cela sera rendu possible très rapidement.

En quête de liberté, carte blanche à El Anatsui
Jusqu’au 14 novembre 2021

Conciergerie
2 boulevard du Palais - Paris 1
Tél : 01 53 40 60 80
Horaires : Ouvert tous les jours de 10h30 à 18h30
paris-conciergerie.fr
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Manifestation organisée avec le soutien du Comité des mécènes de la Saison Africa 2020 et de l'AFD



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.