Paris : Colonne Médicis, la mystérieuse mire astronomique accolée à la Bourse de Commerce - Ier



La colonne Médicis, unique vestige de l’ancienne résidence royale, édifiée pour la reine Catherine de Médicis entre 1572 et 1584 par l’architecte Jean Bullant, dresse sa gracile silhouette aux côtés de la ronde Bourse de Commerce. Ce singulier élément Renaissance date de 1574/1578. D’inspiration antique, la tourelle dorique s’élance à trente-et-un mètres de hauteur. Certains y voient une interprétation parisienne de la colonne Trajane à Rome. Le monogramme de la reine Catherine de Médicis, un C et un H entrelacés, orne ses lignes. Les motifs originaux sculptés ont été partiellement effacés par le temps et les burins de la Révolution. Couronnes, miroirs cassés, fleurs de lys, cornes d’abondance se devinent plus qu’ils ne s’affichent. Le cylindre cannelé creux, d’à peine trois mètres de diamètre, cache en son cœur un escalier en colimaçon de 147 marches lequel permet d’accéder à une étroite plateforme. Là-haut une ancienne structure métallique évoque le souvenir d’un cabinet sous verrière. Chaque angle du chapiteau marque un point cardinal. Si l’exacte vocation de la colonne n’a jamais été clairement explicité, il est admis qu’elle servait de mire astronomique pour les nombreux devins de la reine, son astrologue personnel, le Florentin Cossimo Ruggieri. Aujourd’hui à la base de la colonne, une inscription en latin évoque l’hôtel de la Reine disparu. La frise est frappée du blason de la Ville.











A la disparition accidentelle de son époux Henri II lors d’un tournoi en 1559, Catherine de Médicis quitte l’hôtel des Tournelles. Le Marais lui rappelle trop le souvenir du défunt. En 1563, Charles IX, son fils désormais sur le trône, ordonne le démantèlement de la propriété. Un an plus tard, Catherine de Médicis lance la construction du Palais des Tuileries, vaste résidence à l’ouest du Louvre,  aujourd’hui disparue. Tandis que le chantier progresse, la légende raconte que Côme Ruggieri, l’astrologue de la reine, lui prédit qu’elle mourra « près de Saint-Germain ». Le nouveau palais inachevé se trouve malencontreusement à proximité de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. 

Catherine de Médicis abandonne les Tuileries pour l’hôtel d’Albret auquel sont annexés des terrains alentours. Transformé par Jean Bullant, la nouvelle résidence de la reine est dotée en 1574 d’une tourelle dont l’exacte fonction demeure sujette à conjectures. Selon toute vraisemblance, il s’agirait d’une colonne astronomique, un poste d’observatoire idéal afin de contempler le ciel. Les mages de Catherine de Médicis déchiffraient l’avenir dans les étoiles. Lorsque Côme Ruggieri trépasse en 1615, la colonne perd cette fonction première supposée.

L’hôtel de la reine devient hôtel de Soissons à la fin du XVIème lorsqu’il est acquis par Charles de Bourbon, comte de Soissons et cousin du roi Henri IV. Son dernier propriétaire successeur Victor-Amédée de Savoie, prince de Carignan, y établit en 1720, la Bourse de Paris. Il est ruiné par la banqueroute de Law et contraint de vendre la propriété en 1740. La prévôté de Paris s’en porte acquéreur à l’exception de la colonne Médicis achetée séparément par Louis Petit de Bachaumont, homme de lettres et chroniqueur mondain. Tandis que l’hôtel particulier est rasé en 1748 afin de libérer les terrains, la tourelle demeure intacte. Bachaumont sauve la mire astronomique et choisit de l’offrir à la Ville de Paris. 





En 1760, la nouvelle Halle au blé est inaugurée en lieu et place de l’ancienne résidence royale. Elle est elle-même remplacée en 1889 par la Bourse de Commerce. En 1764, la Ville de Paris fait apposer sur les hauteurs de la colonne Médicis un cadran solaire, réalisé par l’astronome Alexandre Guy Ringré. Il a aujourd’hui disparu. En 1812, une fontaine est ajoutée dont seuls les ornements subsistent. Accolée à la Bourse de Commerce, la colonne Médicis traverse les époques intactes. Elle est classée par liste aux Monuments historiques en 1862. 

Depuis quelques semaines, la Bourse de Commerce a achevé sa dernière métamorphose. Elle est désormais un musée d’art contemporain dédié à la collection Pinault. Dans le cadre des travaux de restauration, la colonne Médicis a bénéficié de soins particuliers. La structure métallique au sommet, l’ancienne terrasse sous verrière, a été préservée. Lors du chantier, de nombreux graffitis historiques ont été mis à jour le long de l’escalier. Le plus ancien gravé dans la pierre date de 1766. Un plus récent évoque le passage de la Résistance au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Lieu historique fascinant, la colonne Médicis cultive le mystère. Trop fragile pour supporter les aménagements nécessaires à l’accueil des visiteurs, l’espace demeurera fermé au public.

Colonne Médicis
2 rue de Viarmes / Allée Elsa Triolet - Paris 1



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Le guide du promeneur 1er arrondissement - Philippe Godoÿ - Parigramme

Sites référents
Base Mérimée
Le Parisien