Cinéma VOD : Le Passe-muraille, de Dante Desarthe - Disponible sur Arte.TV

 

Emile Dutilleul, quarante-six ans, agent d’assurances, mène une existence sans relief, ni éclat. Divorcé depuis une dizaine d’années, il est resté proche de son ex-femme qui tente absolument de le recaser en l’inscrivant sur des sites de rencontres. Son quotidien se partage entre les dossiers de sinistres et les visites à la maison de retraite où vit sa mère qui perd la mémoire. Le modeste employé travaille sans faire de vague, efficace et ponctuel, introverti ne se mêlant jamais aux autres salariés. Emile prend un traitement depuis l’enfance sans plus vraiment savoir pourquoi, un médicament censé lui éviter les émotions fortes. A cours de pilules, il apprend que son médecin de famille a pris sa retraite sans laisser d’adresse et que les précieux cachets ne sont plus produits. Cet homme ordinaire se découvre alors un pouvoir extraordinaire. Il peut traverser les murs. L’employé atone se révèle à lui-même et retrouve le goût de vivre. Lorsque la pétillante Ariane est prise en stage dans la société d’assurance, il tombe sous son charme. Et c’est réciproque au grand dam du chef de service, petit roquet arrogant. 





Récit fantastique, poétique et cocasse, « Le Passe-muraille » est une adaptation libre pour la télévision d’une nouvelle de Marcel Aymé, publiée pour la première fois en 1941. L’auteur des « Contes du chat perché » a souvent inspiré les réalisateurs depuis « Garou-Garou, le passe-muraille » de Jean Boyer en 1951 avec Bourvil jusqu’au téléfilm de Pierre Tchernia en 1977 avec Michel Serrault. Au début des années 2000, Dante Desarthe forme le projet d’une nouvelle transposition sur grand écran. Mais l’aventure n’aboutit pas. Soutenu dans son entreprise par Arte, le cinéaste reprend l’idée afin de réaliser un téléfilm en 2015. 

Ses choix artistiques, la volonté de ne pas recourir systématiquement aux effets numériques, confèrent à cette oeuvre un cachet particulier. La dimension artisanale des trucages à l’ancienne possède le charme de l’imperfection. Pour certaines scènes, Dante Desarthe a fait appel à un prestidigitateur. Les tours de magie convoquent les souvenirs d’enfance, la féerie candide du temps de l’innocence.

Denis Podalydès est irrésistible dans la peau d’un personnage attachant, timide et gauche, musicien à la vocation contrariée. Ce Monsieur tout-le-monde désarmant, invisible, devient une sorte de super-héros, lorsqu’il chausse bonnet de bain et lunettes de piscine pour devenir impertinent roi de la cambriole. Avec panache, il dévalise des banques, vole des grands crus dans les caves de l’Elysée, subtilise des toiles de maîtres dans les musées. Face à lui, Marie Dompnier dans le rôle d’Alice est délicieuse.



La fable surnaturelle, teintée d’une tendre mélancolie, d’une ironie piquante, se veut également relecture audacieuse empreinte de thématiques contemporaines. Dante Desarthe égratigne en passant le monde de l’entreprise. Emile Dutilleul, anti-héros hors sol est la victime d’un chef de service tyrannique qui se voudrait moderne et multiplie les éléments de langage abscons. Sur la sellette depuis la fusion de la société avec un groupe néerlandais, il s’en prend à Emile qui, trop jeune pour une pré-retraite, est littéralement placardisé.

Au détour d’une scène de rue, le réalisateur se penche sur les transformations du quartier de Montmartre avec une certaine nostalgie. Il développe en sous-texte une réflexion sur le tourisme de masse, la ville muséifiée tandis que les chantiers se multiplient pour l'adapter aux nouvelles exigences de ces visiteurs de passage et autres adeptes de pied-à-terre pittoresque.

Dialogues savoureux, distribution très réussie, ce film romantique, burlesque et poétique est un bonbon.

Le Passe-muraille, de Dante Desarthe, d’après la nouvelle de Marcel Aymé
Avec Denis Podalydès, Marie Dompnier, Scali Delpeyrat, Claude Perron,
Sortie 14 décembre 2016 en DVD
Disponible sur Arte.Tv 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.