Paris : Statue de Montaigne, le pied porte-bonheur des étudiants de la Sorbonne, une oeuvre de Paul Landowski - Vème


La statue de Montaigne, rue des Ecoles à l’avant du square Paul Painlevé, juste en face de la Sorbonne, fait l’objet d’un curieux rituel magique de la part des étudiants en quête de chance. Afin de se porter chance avant les partiels et autres examens, la tradition requiert de caresser le pied droit du philosophe en proclamant « Salut Montaigne ! ». La savate de bronze lustrée par les mains anxieuses en quête de chance témoigne de l’engouement pour cette amusante superstition. Cette oeuvre signée Paul Landowski (1875-1961), d’un académisme esthétique certain a été offerte à la Ville de Paris par le Dr Armaigaud proche de Louis Barthoud (1862-1934), journaliste, politique, et alors président de la Société des amis de Montaigne.  Monument hommage au grand homme, le plâtre originel prend place devant l’université en 1933 à l’occasion des 400 ans de l’anniversaire de la naissance de Montaigne. La statue finale en marbre est inaugurée en 1934. La ferveur portée à la sculpture n’a pourtant pas toujours été aussi clémente. Le Quartier Latin haut lieu de la contestation estudiantine semble s’être acharné sur la malheureuse statue. Dès son inauguration, l’original en marbre est régulièrement vandalisé, un peu à l’instar du baron Dupuytren dans la cour de l’Hôtel Dieu que les internes en médecine grimaient chaque année avec fantaisie depuis 1984 avant la plainte des héritiers de l’artiste. Mais les étudiants de la Sorbonne moins potaches, font subir à Montaigne des outrages plus définitifs qui nécessitent que la tête soit refaite par l’artiste à la fin des années 1950. A force de destructions volontaires, l’entretien du marbre devient impossible à financer et en 1989 la municipalité préfère le remplacer par une fonte en bronze plus résistante.








1934 Modèle en marbre


En 1921, le Dr Armaingaud lance une pétition afin que qu’une statue hommage à Montaigne soit établie dans le square de la Sorbonne. Le Conseil municipal la prend en compte sans pourtant mener à bien le projet. Dix ans plus tard, le Dr Armaingaud, qui a versé la somme de 100 000 francs afin de financer le projet se lasse des lenteurs administratives et fait appel lui-même au sculpteur Paul Landowski.

L’année suivante en 1932, le Comité technique et d’esthétique du Conseil Municipal de Paris étudie les divers emplacements possibles. Landowski suggère celui qui est finalement validé rue des Ecoles, devant le square Painlevé.Un décret d’hommage public est promulgué le 27 mars 1933 par le Conseil municipal afin que la statue soit créée. Mais une somme de 13 000 francs fait encore défaut afin qu’aboutisse le projet. Seule le plâtre originel sort de l’atelier de l’artiste. Le marbre devra attendre. Le Comité technique et d’esthétique met un an à régler la facture mais la sculpture est finalement inaugurée le 15 avril 1934.

Le tabouret est signé Paul Landowski, Boulogne sur mer 1933. Diverses inscriptions se trouvent sur le socle. Sur la plinthe, le nom Montaigne est suivi sur l’avant du piédestal de la citation : « Paris a mon cœur dès mon enfance. Je ne suis français que par cette grande cité. Grande surtout et incomparable en variété. La gloire de la France et l’un des plus nobles ornements du monde. »


1933 Modèle en plâtre





 


Sur le côté gauche des informations sur le don de cette oeuvre : « Le 24 avril 1933 le quatrième centenaire de la naissance de Montaigne é été célébré en Sorbonne devant sa statue en présence de M. de Fontenay président du Conseil municipal, M. Charlety membre de l’Institut, recteur de l’Université de paris, M. Brandon Conseiller municipal de l’arrondissement, député de Paris. Les discours ont été prononcés par le Dr Armaingaud, donateur de la statue, MM Louis Barthou de l’Académie française, président de la société des amis de Montaigne, Gaston Pageot président de la Société des gens de lettres. » 

Sur la droite du piédestal : « Le 30 avril 1934 la statue de Montaigne, don du Dr Armaingaud commandeur de la légion d’honneur, fondateur du Preventorium d’Arcachon, commentateur des œuvres de Montaigne a été reçue au nom du Conseil municipal par Armaingaud et M. Louis Barthou de l’Académie française, ministre des affaires étrangères, président de la Société des amis de Montaigne. »

Les atteintes répétées à l’intégrité de l’oeuvre débutent rapidement. Baisers au rouge à lèvre, graffiti, barbouillages divers, prélèvement de miettes de souvenirs et bien sûr le rituel porte-bonheur détériorent la statue. En 1959, elle est si mal en point que Landowski se voit contraint de refaire entièrement la tête. Il est question que l’oeuvre soit déposée dans un musée plutôt que de demeurer dans la rue à la merci des plaisantins. Propriété de la Ville, elle est transportée jusqu’au dépôt lapidaire d’Ivry en 1986. Un modèle de bronze plus solide la remplace depuis 1989.

Statue de Montaigne, par Paul Landowski
56 rue des Ecoles - Paris 5



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Guide des statues de Paris - Georges Poisson - Editions Les Guides Visuels Hazan 
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme

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