Malcolm, cinéaste, et Marie sa compagne, mannequin aspirant à devenir actrice, rentrent de l’avant-première du dernier film de Malcolm. Cantonné jusqu’à présent dans des tâches ingrates de débutant, l’écriture et la réalisation de films de commande sans envergure artistique et tout à fait dispensables, il a enfin pu s’exprimer en tournant son premier long-métrage personnel. Jusqu’à présent, ses œuvres avaient reçu des accueils critiques très mitigés. Cette fois-ci, les journalistes semblent emballés et le comparent déjà à Spike Lee ou Barry Jenkins. Euphorique, un peu ivre, il s’auto-congratule tandis que Marie semble distante. Lors du discours de remerciement, Malcolm n’a pas mentionné sa muse. Pourtant, elle l’a soutenu durant tout le processus de création. Et puis cette histoire d’une jeune africaine-américaine luttant contre ses addictions, c’est la sienne. D’ailleurs pourquoi ne lui a-t-il pas confié ce premier rôle qu’elle connaissait si intimement ? Dans la grande maison californienne louée par la production, Malcolm et Marie règlent leurs comptes. Ils se déchirent et s’aiment, révèlent leurs rancoeurs, remettent leur relation en question. Ils se jettent au visage invectives cruelles et mots d’amour, puis se réconcilient. Au fil de la nuit, alors que les premières critiques paraissent, ils s’interrogent sur le rôle politique des artistes, leur responsabilité vis à vis de la société, la lecture forcément biaisée des oeuvres. Ils remettent en question l’entre-soi du microcosme de l’industrie cinématographique, la puissance des réseaux sociaux et l’ère d’hypocrisie, de pure façade, qu’ils ont engendré.
Pulsions, désir, explosion de rage cathartique, introspection, tristesse et solitude, l’expressivité du film repose sur la puissance d’incarnation. La précision du cadrage révèle sur les visages des acteurs, la vérité des cœurs, saisit le frémissement de l’émotion, les variations subtiles de l’ambition, l’admiration, l’aigreur aussi. Poésie lyrique de l’amour, le désir, la colère et la douleur, dynamique à deux de la complicité. Zendaya, premier rôle de la série « Euphoria », magnifique de naturel, nuancée, habitée, d’une beauté presque irréelle fait face à un impeccable John David Washington, pas mal de sa personne également, qu’on a vu récemment en tête d’affiche de « Tenet ».
Cette radiographie du couple, sur fond de guerre d’ego, aborde en filigrane des thématiques politiques fortes, Black Lives Matter, Me Too, la place des femmes dans l’industrie cinématographique, les dérives de la bien-pensance, l’hypocrisie de la société américaine, le racisme larvé… Ce mélodrame captivant s’illustre par sa sincérité et la densité du propos.
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