Ailleurs : Fonds Paul Eluard, une collection littéraire marquée par les arts et l'engagement politique d'un poète aux multiples facettes - Musée d'Art et d'Histoire Paul Eluard de Saint-Denis


Dépositaire depuis 1951 du fonds Paul Eluard, le Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis lui consacre un espace d’exposition d’envergure inauguré en 1995, à l’occasion du centenaire de la naissance du poète. La collection est depuis déployée sur deux niveaux dans un pavillon édifié au XVIIIème afin d’accueillir Louis XV lors de ses visites à sa fille Louise de France résidente au Carmel de Saint-Denis de 1770 à 1787. Les pièces présentées éclairent le personnage d’Eluard sous différents angles, l’homme de lettres, le collectionneur, l’activiste, mais laisse également apparaître la personne privée, une intimité où se retrouvent ses célèbres amis et sa famille. Poète surréaliste, amoureux des arts, Paul Eluard (1895-1952) s’est illustré au-delà de son génie littéraire par ses engagements politiques. Résistant durant la Second Guerre Mondiale, citoyen du monde, activiste pour la paix, libre-penseur communiste, il a ouvert la voie à une pratique artistique militante. 








Le Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, musée municipal fondé en 1901, a déménagé en 1981 pour s’épanouir dans les murs de l’ancien carmel de Saint-Denis. L’ancien monastère fondé en 1625 est classé aux Monuments historiques depuis 1978. Le Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis est dépositaire du plus important fonds dédié à Paul Eluard en France qui se trouve être l’un des plus importants fonds littéraires. 

Paul Eluard nait à Saint-Denis, le 14 décembre 1895. Ses parents déménagent en 1898 à Aulnay-sous-Bois puis par la suite s’installent à Paris rue Louis Blanc, où il passe son adolescence. Toute sa vie, il conservera un attachement particulier à sa ville natale, cette « banlieue rouge », haut lieu de résistance communiste. De son vivant, en 1951, à peine un an avant son décès, il fait une importante donation à la Municipalité. Cette matrice originelle du fonds Eluard se développe au fil des ans grâce à une politique d’acquisition menée par Saint-Denis et son musée municipal mais également aux donations généreuses de la famille.

Constituée désormais de près de 2 300 pièces exceptionnelles, la collection est présentée par roulement, dans les espaces créés en 1995 au cœur du Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis. Le premier, allures de sous-marin, pénombre préservatrice, multiplie les vitrines thématiques. Le second sous les combles, accessible par un escalier en colimaçon, prolonge cette expérience singulière de cabinet de curiosités, avec des meubles à tiroir, des secrétaires en guise de présentoir pour exposer dessins et photographies. L’ensemble témoigne de l’héritage transmis par Paul Eluard et de la postérité de son oeuvre. Pilier du mouvement Surréalisme, dadaïste, son parcours artistique est marqué par son engagement auprès du Parti communiste et du mouvement pour la Paix. 




A son décès en 1952, sa dernière épouse Dominique ne fait pas établir d’inventaire. Tandis que Cécile, fille d’Eluard et de Gala renonce à la succession, Dominique confie de nombreux documents à la ville de Saint-Denis pour compléter la donation initiée par son défunt époux en 1951. Livres, manuscrits, papiers personnels, portraits, mobilier, rejoignent les collections municipales. Néanmoins, au fil des ans, Dominique va disperser lors de ventes aux enchères des éléments non inventoriés de cet héritage. Les enfants de Cécile, petits-enfants de Paul Eluard, vont s’investir pleinement pour racheter les pièces ayant appartenu à leur aïeul et reconstituer le précieux patrimoine perdu. Le Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis présente dès 1995 un grand nombre de manuscrits originaux, des portraits réalisés par les proches d’Eluard, Picasso, Cocteau, Max Ernst. Aux œuvres graphiques, dessins variés viennent s’ajouter des tracts surréalistes, des exemplaires de revues auxquelles il a participé, des livres d’artiste.

En 2019, les petits-enfants d’Eluard font don au musée du fruit de leurs efforts. Afin de rendre hommage au poète, la ville décide à cette occasion de le rebaptiser Musée d’Art et d’Histoire Paul Eluard. Les collections s’enrichissent d’un vaste ensemble épistolaire, la moitié de la correspondance des parents d’Eluard, les lettres à sa mère, à sa fille. Les plus personnelles demeurent dans les archives de la famille mais sont néanmoins consultables sur demande par les chercheurs. Parmi les nouvelles pièces, se trouvent des livres, ceux dédicacés à sa fille, ceux qu’il avait envoyés à Gala ou à Valentine Hugo, peintre, illustratrice qui fut sa maîtresse. Plus étonnant, des objets familiers, le livret de famille, un permis de conduire, la bague de fiançailles de Nusch, le bureau personnel d’Eluard et beaucoup de photographies complètent le panorama de l’intime. 










Le fonds originel, régulièrement enrichi par des donations et des acquisitions variées, réunit la plus grande majorité des éditions originales, premières éditions des oeuvres d'Eluard parmi lesquelles un  ouvrage rare, « Premiers poèmes » publiés sous son nom de naissance Eugène Grindel. Les manuscrits donnent à voir le travail de l’écrivain. Huit recueils complets de poèmes, « Les animaux et leurs hommes », « Les nécessités de la vie et les conséquences des rêves » côtoient une soixante de feuillets divers courant sur la période 1939-1952 parmi lesquels le manuscrit originel du poème « Liberté » de 1941. Documents et revues, « Littérature », « Proverbe », « Cannibale » éclairent les engagements du poète et son environnement intellectuel. 

De nombreux tableaux, Marx Ernst, Fernand Léger, Picasso, Cocteau, ayant appartenu à Paul Eluard, grand collectionneur, soulignent l’intensité des échanges du groupe surréaliste et les diverses accointances avec les avant-garde littéraires et artistiques. Parmi ces oeuvres, se trouvent de nombreux cadeaux de ses proches. Les portraits du poète, portraits de ses compagnes, Gala par Max Ernst, Nusch par Pablo Picasso, Dominique par Valentine Hugo, cadavres exquis entre amis, dessins d’inspiration surréaliste, poèmes illustrés, par Joan Mirò, Pablo Picasso, préfaces à des éditions rares, de Picasso encore ou Valentine Hugo, illustrent ces liens puissants, cette communauté d’esprit.

Dans les sarcophages de la première salle du Musée, vitrines sous contrôle hygrométrique, les documents les plus fragiles se révèlent au regard. Un ensemble de dessins de Jean Fautrier destinés à illustrer « Dignes de vivre » en 1944, les planches gravées de la première édition de 1946 des 111 dessins exécutés en déportation à Buchenwald par Boris Tastilzky. En 1943 Eluard poursuivi par la Gestapo se cache dans l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole. Il découvre l’art des aliénés, art brut puissant détaché de tout dogme académique qui lui inspire le recueil « Souvenirs de la maison des fous » illustré par Gérard Vulliamu. Le fonds photographique mêle vie publique et vie privée. Les images officielles du poète en représentation contrastent avec les photographies de groupe, coude à coude avec ses camarades d’engagement politique et artistique. Les clichés de l’intimité en famille sont signés signés Man Ray, Lee Miller, Dora Maar, Brassaï. Ils évoquent la douceur de vivre des vacances à Mougins, ses parents, sa famille, ses compagnes, sa fille Cécile. 











Parmi les pièces les plus importantes de la collection, se trouve un grand vase signé Pablo Picasso, offert à Eluard à l’occasion de son mariage d’Eluard avec Dominique en 1950. Autres œuvres frappantes du maître catalan, la bande-dessinée « Songe et mensonge de Franco » datant de 1937, le portrait original d’Eluard publié en préface du recueil « Les yeux tristes » ou encore l’émouvante lithographie qu’il dédicace à son ami lors de sa mort en 1952. 

Le bronze « Le poète » d’Ossip Zadkine marque les esprits tandis que d’étranges curiosités telles que cette édition indonésienne de « Liberté » soulignent le rayonnement international des écrits de Paul Eluard, son génie poétique, ses partis pris esthétiques, ses engagements politiques. La diversité de la collection du Musée d’Art et d’Histoire Paul Eluard lui confère un statut particulier, une aura unique.

Musée d’Art et d’Histoire Paul Eluard
22 bis rue Gabriel Péri - Saint-Denis
Horaires : Lundi, mercredi, vendredi de 10h à 17h30, jeudi de 10h à 20h, samedi et dimanche de 14h à 18h30 - Fermé le mardi et les jours fériés



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.