Cinéma VOD : Julian Schnabel : A Private Portrait, un documentaire de Pappi Corsicato - Disponible sur Netflix

 

Figure du milieu artistique newyorkais, Julian Schnabel a fait son entrée dans la cour des grands à la fin des années 1970. Rien ne le prédestinait à devenir un tel artiste. Il nait en 1951, à New York, dans une modeste famille de Juifs immigrés. Très tôt, alors que la pratique artistique est totalement étrangère à son entourage, il prend goût au dessin. Lorsqu’il atteint l’âge de treize ans sa famille s’installe au Texas, dans une petite ville à la frontière mexicaine. Les études aux Beaux-Arts de Houston, le surf, le jeune homme poursuit sa route tranquillement. La galeriste Mary Boone tombée sous le charme de ce grand gaillard à l’aplomb imperturbable l’expose en solo dès 1979. Il fréquente Warhol, Basquiat, Lou Reed. Il ne cesse de faire des aller-retours entre abstraction et figuration, tête de proue avec David Salle du mouvement néo-expressionnisme. Personnage aussi libre qu’ambitieux, mondain narcissique au sens inné de la communication, Julian Schnabel se hisse au sommet autant par son charisme que par ses œuvres. Au cours des années 1980, les années fric, la bulle du monde de l’art ne cesse d’enfler. Le succès foudroyant, la gloire de Schnabel, les sommes astronomiques qu’atteignent ses oeuvres incarnent tous les excès, les excentricités de cette époque qui se prête si bien aux jeux égocentriques. Les années 1990 mettent un terme à cette euphorie. Cinéaste réalisation, Au creux de la vague, Juliane Schnabel se réinventer cinéaste et réalise en 1996 « Basquiat », film biographique qui remporte un succès d’estime. Il poursuit dans cette voie avec des adaptations de romans, « Avant la nuit » en 2000 et « Le Scaphandre et le Papillon » en 2006. Multi-sélectionné et récompensé, il se taille la part du lion. 







Oeuvre hagiographique, le documentaire de Pappi Corsicato, un ami du grand homme, croque un portrait bienveillant de l’artiste en démiurge charismatique. Le réalisateur laisse transparaître à chaque étape de son récit l’admiration qu’il éprouve pour Julian Schnabel. Il découpe sur la pellicule la silhouette tout en démesure d’un ogre souriant « bigger than life » selon ses proches. Le film souvent lyrique lisse volontairement l’image de l’artiste pour accoucher de sa propre mythologie. 

Le personnage fascine par sa liberté. En creux apparaît l'image d’un hédoniste jouisseur transporté par une énergie, un appétit de vivre qui n’a d’égal que son ego. Le cinéaste fait l’impasse sur les polémiques ainsi que sur les rapports tumultueux de Schnabel à la critique. Sa famille, ses ex-femmes, ses cinq enfants, ses amis célèbres Al Pacino, Jeff Koons, Bono, Willem Dafoe, Laurie Anderson, le son de cloche est le même à tous les niveaux, dithyrambique. Au point de questionner.



Pappi Corsicato tourne des scènes fascinantes du peintre à l’oeuvre. Tout d'abord au Palazzo Chupi, demeure de Julian Schnabel à New York. Cet étrange immeuble, d’anciennes écuries réhabilitées, a été transformé en une sorte de palais italien peint en rose bubble-gum, cinq étages dédiés au kitsch et à la gloire de l’artiste. Les célèbres portraits sur assiettes cassées, traduisent l’idée des tableaux sculptures. Plus tard, à la propriété de Montauk, dans les très chics Hamptons, villégiature des New Yorkais bon teint, Schnabel travaille sur des toiles monumentales peintes sur des grandes bâches militaires, parfois à même le sol. Les œuvres présentées séduisent, la sélection de pièces expressives impressionnantes fait son effet. Pourtant, le sujet de l’art reste en suspens. Le réalisateur n’aborde pas le thème du processus créatif, ne tente pas de décrypter la démarche, de percer le sens ou la réflexion. Demeure cette figure souriante d’un artiste qui revendique son génie avec assurance, fascinante bête de scène, monstre sacré d’un autre temps, séduisant en diable.

Julian Schnabel : A Private Portrait, un documentaire de Pappi Corsicato
Avec Julian Schnabel, Emmanuelle Seigner, Willem Dafoe, Al Pacino, Bono, Mathieu Amalric, Laurie Anderson, Jeff Koons, Héctor Babenco, Jean-Claude Carrière
Disponible sur Netflix



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.