La Fontaine des Haudriettes, au carrefour de la rue des Haudriettes et des Archives, surprend par l’empreinte de sa monumentalité sur la perspective. Réalisée entre 1764 et 1765, d’après les dessins de l’architecte Pierre-Louis Moreau-Desproux (1727-1794) chantre d’un retour à l’esthétique antique, elle incarne le style néoclassique très en vogue à la fin du règne de Louis XV. L’édifice massif illustre la simplicité des formes compactes d’inspiration gréco-romaine. La construction trapue, lignes épurées jusqu’à l’austérité, s’élève en trapèze. Deux faux pilastres disposés en pans coupés soutiennent un dôme peu élevé arrondi sur les côtés et percé d’une fenêtre. Le fronton triangulaire s’appuie sur deux consoles au décor succinct de guirlandes sculptées. La délicatesse du bas-relief en marbre, oeuvre de Pierre Mignot (1715-1770) élève de Vassé et de Lemoyne, contraste avec cette impression de densité. La Nymphe des fontaines dont le modèle en plâtre a été présenté au Salon de 1765 prête un peu de grâce à cette fontaine publique. La fontaine des Haudriettes quand elle était en eau, recrachait un mince filet par l’entremise d’un mascaron à tête de lion. Frêle jaillissement chantant expulsé d’une montagne toute minérale.
En 1569, Nicolas I Luillier, président aux Comptes, possède une coquette propriété au 2 rue de Braque dont le jardin s’étend jusqu’à la rue des Haudriettes. Il obtient de la Ville, une concession d’eau dérivée des fontaines publiques alimentées dans le quartier par l’aqueduc des eaux de Belleville. En retour, il prend en charge l’édification d’une fontaine publique à l’usage des riverains. Cette construction originelle est remplacée par la fontaine Neuve vers 1636/1638.
Au milieu du XVIIIème, sous l’égide du prévôt des marchands de Paris, Armand-Jérôme Bignon (1711-1772) relayé à cette fonction en 1764 par Jean-Baptiste-François de la Michodière (1720-1797), le projet d’une installation d’envergure voit le jour. En 1764, le prince de Rohan finance une fontaine réalisée d’après les dessins de Pierre-Louis Moreau-Desproux (1727-1794). Ce dernier, héritier d’une famille d'architectes bien placés, petit-fils de Jean Beausire, neveu de Jean-Baptiste Augustin Beausire et de Laurent Destouches, suit la grande tradition de ses aïeux en accédant à la charge de maître des bâtiments de la Ville de Paris.
Ambassadeur du style néoclassique dit « à la Grecque » à Paris, il diffuse notamment la mode des maisons-temples d'inspiration palladienne avec des réalisations comme l'hôtel de Chavannes sur le boulevard, aujourd’hui détruit, ou encore le pavillon Carré de Baudouin à Ménilmontant. Lors de la reconstruction de l’Opéra du Palais Royal après l’incendie de 1763, il habille les façades sur la rue Saint-Honoré marquant de sa patte tout le quartier.
A l’époque de son édification, la fontaine des Haudriettes puise son flot bienfaisant aux eaux de Belleville. Depuis sa restauration en 1836 par David, elle est alimentée par le canal de l’Ourcq. Au fil des siècles, tandis que le précieux liquide semble toujours manquer en ville, alimenter la Capitale en eau potable devient un enjeu humain et politique essentiel.
A partir de 1802, Napoléon Bonaparte alors consul fait entreprendre de grands chantiers qui donnent naissance au canal de l’Ourcq, au canal Saint-Denis, au bassin de la Villette et au canal Saint-Martin. A partir du XIXème siècle, la profusion de l’eau marque le souci de modernisation de Paris, une modernisation qui participe au rayonnement des différents pouvoirs en place. Les édiles embrassent le progrès technique. Aqueducs, canaux et autres conduites deviennent l’un des symboles de la modernité hygiénique.
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