Expo Ailleurs : Chagall. Le passeur de lumière - Centre Pompidou Metz - Prolongation jusqu'au 26 avril 2021



Marc Chagall (1887-1985), artiste majeur du XXème siècle, découvre au début des années 1950, l’art du vitrail. Il a alors près de soixante-dix ans. Cette révélation tardive canalise une grande partie de son énergie créative durant les trente dernières années de sa vie. L’exposition « Chagall. Le passeur de lumière », en partenariat avec le Musée national Marc Chagall de Nice, intervient dans le cadre des célébrations d’un double anniversaire, les huit-cents ans de la Cathédrale de Metz et les dix ans du Centre Pompidou Metz. De 1956 à 1984, l’artiste explore sans relâche cette technique du vitrail à laquelle il prête les vertus d’un phénomène mystique. Son accomplissement en la matière est rendu possible grâce à sa rencontre avec les maîtres verriers de l’atelier Simon-Marq à Reims. Leur sens de l’innovation donne vie aux fulgurances chromatiques du peintre. Associant tradition et avant-garde, l’oeuvre de Marc Chagall trouve dans la pratique du vitrail un foisonnement renouvelé. Peintre de la couleur, il prolonge par le vitrail ses recherches. L’expressivité des tons purs traversés de lumière transcende l’architecture dans laquelle s’inscrivent les fenêtres qu’il réalise. La simplification formelle embrasse la modernité du trait. L’audace et la fantaisie s’incarnent dans des motifs familiers, une iconographie toute chagallienne. Elia Biezunski, commissaire de l’exposition, a souhaité recontextualiser sur le plan historique et politique chaque commande d’envergure tout en décryptant les différentes étapes du processus créatif. Fascinant !












Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, l’art sacré connaît un renouveau à l’occasion des grands chantiers de reconstruction. Afin de remplacer les vitraux détruits par les bombardements, les commandes se multiplient. Les artistes de la modernité s’emparent avec jubilation de ce médium inusité. Emotion, aura, mystère, Marc Chagall met ses qualités picturales au service de cet art comme une évidence. Il peint avec la lumière. « Pour moi, un vitrail représente la cloison transparente entre mon cœur et le cœur du monde. Le vitrail est exaltant, il lui faut de la gravité, de la passion. Il doit vivre à travers la lumière perçue »

Le peintre, originaire de Vitebsk en Biélorussie, a grandi dans une communauté juive hassidique. Il a développé un vocabulaire plastique empreint de cet héritage entre folklore et religiosité. Les motifs irriguent son art font référence au quotidien de son petit village, à la culture orthodoxe de la Biélorussie, puis par la suite à Paris, au cubisme et au fauvisme à Paris. Chagall associe dans un même élan de transversalité, art populaire et art moderne, Judaïsme et Christianisme, représentation profane et art sacré, l’intime et le collectif. La poésie et la spiritualité nourrissent un idéal humaniste. 

Chagall retranscrit les sensations visuelles, larges aplats de couleurs vives qui se rapprochent du fauvisme, déconstruction, simplification formelle, du cubisme. La fantaisie de son bestiaire en lévitation, chèvres musiciennes, chevaux ailés, poissons volants qui procèdent du surnaturel, les motifs récurrents, le couple de mariés, le rabbin, le violoniste, se mêlent à la religiosité des personnages bibliques, des anges, des représentations de l’au-delà. Avec une grande liberté d’esprit, il croise les éléments de la Torah, l’Ancien et le Nouveau Testament, les pogroms, la Crucifixion. 











L’exposition qui se tient au Centre Pompidou Metz, retrace les temps forts de la création des vitraux. Les premières esquisses originales côtoient les photographies des œuvres en place englobant toutes les étapes du travail de l’artiste. Les maquettes des vitres réalisées pour des édifices de la région Grand Est à Metz, Reims, Sarrebourg, dans le sud de la France à Nice et Voutezac ainsi qu'en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, en Israël ou aux Etats-Unis éclairent ce processus. Présentées en regard d'un ensemble de peintures, sculptures, céramiques et dessins issus des collections du Centre Pompidou, du Musée national Marc Chagall de Nice, de musées internationaux et de collections privées, elles rendent compte des évolutions plastiques et techniques des créations.

La découverte de l’art du vitrail marque le début d’un grand cycle biblique dans l’oeuvre de Marc Chagall. En 1956, il achève une suite de cent-cinq planches, illustrant le Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible, ensemble débuté en 1930 à la demande du marchand d’art Ambroise Vollard. Pour Chagall « la Bible est la plus grande source de poésie de tous les temps ». A la suite, il peint dix-sept tableaux monumentaux destinés à la Chapelle du Calvaire à Nice mais finalement donné à l’Etat afin de former le fonds du Musée Message Biblique Marc Chagall à Nice. Invité par le père Marie-Alain Couturier, il réalise le décor du baptistère de l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d’Assy en Haute-Savoie. 











Les vitraux de la Cathédrale de Metz, pour laquelle il oeuvre de 1959 à 1968, représentent la première commande d’envergure embrassant l’art du verre. Pour retranscrire sa vision esthétique unique, affranchie des dogmes, détachée des courants artistiques et préserver sa singularité, il collabore étroitement avec les maîtres verriers Charles Marq et Brigitte Simon. Leur savoir-faire unique permet à Chagall de naviguer d’une technique à l’autre avec fluidité. Ils accompagnent sa réflexion plastique en trouvant des solutions inédites qui traduisent la palette du peintre. L’exposition dévoile une pièce remarquable, un vitrail d’étude pour la rosace de déambulation de la Cathédrale de Metz, une rose bleue, exécutée dans l’atelier Simon-Marq à Reims 1964.

Grâce à la technique du verre plaqué, verre soufflé composé de plusieurs épaisseurs de teintes différentes, ils obtiennent des variations subtiles de nuances. Afin d’obtenir des dégradés de couleurs subtils, de reproduite la richesse de la palette chromatique, ils inventent une combinaison innovante. Une première couche de verre blanc est superposée sur une deuxième très fine colorée possiblement éclaircie ou allégée à l’acide. Des zones plus sombres ou opaques sont préservées autour des plombs pour atténuer leur présence visuelle. Au motif général, Chagall adjoint des saynètes minuscules grattées directement avec le manche du pinceau. Ce foisonnement figuratif caractéristique de sa peinture est inédit dans l’art du vitrail. 











Confronté à l’architecture, à la monumentalité des échelles, Marc Chagall fait évoluer son vocabulaire plastique. A Metz, la cathédrale gothique lui inspire des combinaisons très figuratives. A Jérusalem, pour la Synagogue du Centre médical de l’Université hébraïque Hadassah, la modernité du bâtiment et l’interdit de la représentation de la figure humaine, il a recours au symbolisme. Il représente les douze tribus d’Israël par des pans dont les dominantes colorées affirment ce que les signes suggèrent. Ces vitraux exposés à Paris puis à New York avant leur inauguration en 1961 à Jérusalem, suscitent l’engouement et établissent la réputation du maître en la matière. Dès lors, il reçoit de nombreuses commandes. Il réalise une fenêtre pour l’Organisation des Nations Unies, à New York, neuf à l’instigation de la famille Rockefeller à l’Union Church de Pocantico Hills, douze à l’All Saints Church de Tudeley, dans le Kent, cinq à l’église du Fraumünster, à Zurich, quatre au Musée national Marc Chagall de Nice, trois à la cathédrale de Reims. La dernière, six fenêtres créées entre 1978 et 1982, rejoint la petite église du Saillant à Voutezac, en Corrèze. 

Les mesures gouvernementales concernant la crise sanitaire n’ayant pas permis au Centre Pompidou Metz d’inaugurer l’exposition à la date initialement prévue, les équipes du musée ont mis en place une programmation spéciale destinée aux internautes. Concert immersif, visite guidée en avant-première et coulisses de l’exposition, l’ensemble des propositions sont annoncées sur les réseaux sociaux du Centre Pompidou Metz.

Chagall. Le passeur de lumière
Prolongation jusqu’au 26 avril 2021

Centre Pompidou Metz
1 parvis des Droits de l’Hommes - 57020 Metz
Tél : 03 87 15 39 39
Horaires : 
- du 1er avril au 31 octobre : lundi, mercredi, jeudi de 10h à 18h - vendredi, samedi, dimanche de 10h à 19h - fermé le mardi
- du 1er novembre au 31 mars : lundi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche de 10h à 18h - fermé le mardi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.