Ailleurs : L'Acrobate, une oeuvre de Jacques Cinquin à Aubusson



« L’Acrobate », oeuvre de Jacques Cinquin, dresse son aérienne silhouette haute de trois mètres au centre du rond-point fleuri de la place Maurice Dayras à Aubusson. Dans une envolée de rubans multicolores, la gracile sculpture de fer forgé exécute quelques pirouettes allègres. L’artiste a traduit dans cette statue une bonne dose d’humour et de gaieté, éléments essentiels de son identité d'homme et de plasticien. Peintre, aquarelliste, lithographe, dessinateur mais également peintre cartonnier de talent, Jacques Cinquin (1942-2019) a partagé sa vie entre la création et l’enseignement. En tant que maître d’atelier à l’Ecole nationale d’art décoratif d’Aubusson, il a marqué tout une génération d’artistes et d’artisans. Prolifique figure de la tapisserie contemporaine, Jacques Cinquin a abondamment puisé son inspiration dans l’univers circassien.  Son oeuvre foisonnante reprend les motifs de la vie sous le chapiteau avec une attention particulière pour les acrobates. La statue de la place Maurice Dayras, fondue et peinte en 2013 par Jean-Claude Delage et Jean-Luc Millet d’après les plans et croquis de Jacques Cinquin, a gardé le jardin personnel du peintre jusqu’à la fin de sa vie. Selon ses souhaits, l’oeuvre a été offerte à la ville par Fabienne et Michel Cinquin, ses enfants, à la suite de sa disparition en juin 2019. Inaugurée au le 11 novembre 2019, sur le rond-point situé entre le lycée Eugène-Jamot et le Pont-Neuf, « L’Acrobate » poursuit ses facéties devant les bâtiments de la Cité Internationale de la Tapisserie, ancienne ENAD, où enseigna longtemps l’artiste.








Jacques Cinquin est né à Paris en 1942. Entre 1962 et 1964, il suit une formation à l’Ecole Nationale des Arts Appliqués à Paris. Remarqué par son professeur d’art mural Robert Wogensky, ce dernier l’incite à suivre un stage de peintre cartonnier à l’Ecole Nationale d’Art décoratif d’Aubusson. Jacques Cinquin découvre avec passion la tapisserie. Un temps maquettiste, il réalise au cours de l’année 1965 des affiches destinées aux stations de métro et abribus. Puis à partir de 1966, il est engagé par France Tapis Paris, entreprise pour laquelle il dessine et modélise des tapis réalisés ensuite à Beauvais.

A ce moment, il renoue le contact avec les ateliers d’Aubusson. Au contact d’artistes comme Michel Tourlière et Jacques Lagrange, il fait tisser ses premières tapisseries originales. En 1967, il épouse une enfant du pays, Françoise Lardeau, peintre-cartonnier. Deux longs séjours aux Etats-Unis entre 1968 et 1969 renouvellent son inspiration. Ses travaux font l’objet d’expositions personnelles et il réalise une trentaine de tapisseries en collaboration avec des artistes new-yorkais. Au début des années 1970, Jacques Cinquin s’installe définitivement dans la Creuse. Il enseigne le dessin au collège de Felletin puis à l’ENAD d’Aubusson à partir de 1972, institution au sein de laquelle, il embrasse sa vocation de pédagogue. Il devient professeur titulaire de l’atelier d’art mural en 1983. Maître d’atelier, il enseigne l’art du peintre cartonnier, les techniques particulières liées à la tapisserie.

Au cours de sa carrière, Jacques Cinquin dessine des centaines de cartons. Il explore des thèmes populaires qui font sa réputation, le Tour de France, les bals, les congés payés à la plage aussi bien en peinture qu’en tapisserie. Le cirque devient l’un de ses sujets de prédilection à la suite d’une rencontre fortuite. Jeune professeur, il habite un moulin au bord de la Creuse lorsqu’il croise par hasard un homme sur la rive en quête d’un coin propice où pêcher. Ils deviennent amis. Il s’agit d’Achille Zavatta qui lui présente Annie Fratellini, Emile Bouglione, la famille Gruss, les comédiens Jacques Fabbri et Pierre Etaix, le chanteur Mouloudji. Convié à rejoindre le cercle très fermé des circassiens, il éprouve une véritable fascination pour ce microcosme artistique singulier auquel il consacrera un livre publié en 1996. Cet univers lui inspire un ensemble de tapisseries, une tenture restée fameuse. Remarqué par la principauté de Monaco, Jacques Cinquin est convié chaque année au Festival International du Cirque à Monte-Carlo.
 







Les oeuvres de Jacques Cinquin rejoignent dès les années 1980, les fonds des musées français et internationaux, les ambassades, les collections privées. Au cours de sa carrière, il expose en France, à New York, Washington, Toronto, Bruxelles, Monte-Carlo, Genève. Une dernière rétrospective se déroule en 2011 en Normandie. A partir de 2009, date de la disparition de son épouse, il effectue de nombreux voyages à l’étranger. Quand il demeure dans l’Hexagone, il partage sa vie entre Aubusson et Allouville-Bellefosse. Les falaises deviennent un motif récurrent de ses œuvres tardives. 

En 2012, Jacques Cinquin s’intéresse à la sculpture. Il dessine des œuvres monumentales qu’il fait réaliser dans des ateliers de la région. « L’Acrobate » de 2013 fait partie de cette série. A l’annonce de son décès, survenu le 19 juin 2019 à la veille de grands projets en collaboration avec la Cité Internationale de la Tapisserie, la Municipalité a rendu hommage à Jacques Cinquin. La bâche réalisée en 2007 d’après un dessin de l'artiste représentant la ville d’Aubusson a été redéployée sur l’un des murs du parvis de l’Hôtel de Ville.

Installé fin 2019 sur son rond-point, « L’Acrobate » a connu un sort un peu triste. Dans la nuit du 21 au 22 juin 2020, juste avant le second tour des Municipales, la statue a été vandalisée. Elle a été retrouvée au matin, renversée, pliée, sans pourtant aucune inscription revendicative. Depuis l’oeuvre a été rétablie dans son état originel. 

L’Acrobate de Jacques Cinquin
Place Maurice Dayras - Aubusson



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.