1968, New York. Michael, écrivain, peine à joindre les deux bouts mais mène une fastueuse existence à crédit. Déchiré entre son éducation catholique et son homosexualité, il a pris l’habitude d’abuser de la boisson pour justifier ses nuits fauves. Son cynisme brandi comme une arme dissimule ses failles. Sobre depuis un mois, il s’active dans son bel appartement de l’Upper East Side afin de préparer la fête d’anniversaire pour son grand ami Harold, publicitaire acide qui a la fâcheuse manie d’être systématiquement en retard. Il est vite rejoint par Donald pour lui donner un coup de main. Ce beau gosse retiré loin de la ville et de ses tentations, ne revient que très occasionnellement à New York. Ces séjours sont l’occasion de bacchanales débridées durant lesquels il arpente les saunas pour hommes. Un appel vient perturber leur organisation. Alan, un ancien camarade d’université qui fait mine d’ignorer les préférences sexuelles de Michael, insiste pour passer le voir sans expliquer pourquoi avant de changer d’avis. Les premiers invités arrivent. Emory, un styliste très très queer qui a eu la drôle d’idée de convier un gigolo déguisé en cowboy comme cadeau d’anniversaire pour Harold, Bernard un universitaire africain-américain discret, Hank qui a quitté femme et enfant pour se mettre en couple avec le séducteur impénitent Larry. La bande de garçons s’amuse, boit, se vanne, danse. Débarque alors Alan, dont les propos s’avèrent manifestement homophobes et qui serait selon Michael un homosexuel refoulé. Alors que la soirée avance et que l’alcool coule à flot, les masques tombent. Chacun à son tour révèle à demi-mot la douleur de vivre caché, la rancœur, la détestation de soi et des autres, la terrible solitude. L’arrivée d’Harold marque le début d’un déchaînement de cris et de colère qui trouve son apogée dans le jeu cruel du téléphone.
« The Boys in the Band » est la seconde adaptation au cinéma de la pièce culte de Mart Crowley, disparu au début de l’année et à qui le film est dédié. Ecrite avant les émeutes de Stonewall qui marquent l’avènement public des luttes pour les droits des communautés LGBTQ+ et avant l’ère du Sida des années 1980, cette comédie dramatique émouvante souligne avec le recul l’évolution de la société. Portée par la férocité et la colère de son auteur, elle laisse à voir l’âpreté d’une époque d’intolérance et d’oppression. Cette comédie dramatique, montée en 1968 à Broadway, s’est inscrit dans l’histoire comme l’une des premières oeuvres destinées à un grand public s’attachant à représenter ouvertement des homosexuels sans les dépeindre sous un jour caricatural négatif.
« The Boys in the Band » a été portée au cinéma par William Friedkin en 1970 avec le concours des comédiens originaux de la pièce. Ce nouveau long-métrage produit par Ryan Murphy pour Netflix reprend la distribution la pièce recréée en 2018 à Broadway pour célébrer les cinquante ans de cette oeuvre. Le réalisateur Joe Mantello fait le choix d’une mise en scène qui emprunte beaucoup au long-métrage original. L’essence dramatique y demeure très sensible. Unité de temps, unité de lieu, la puissance évocatrice du théâtre prend toute sa dimension dans un texte fort, les dialogues ciselés, les réparties incisives, les répliques assassines. Abordant le motif classique du huis clos électrique, une soirée entre garçons qui tourne à l’aigre, le film distille tour à tour le rire et le malaise. La légèreté derrière chacun se cache, s’avère fragile façade protectrice. Dans les conversations, amour, fantaisie, sexe font rapidement place aux règlements de compte et blessures du passé.
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