Expo : Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo à Eugène Viollet-le-Duc - Crypte archéologique de l'île de la Cité



Au lendemain de l’incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019, Valérie Guillaume, directrice du Musée Carnavalet et de la crypte de l’île de la Cité, et Delphine Lévy, directrice de Paris Musées brutalement disparue en juillet dernier, imaginent une exposition hommage à la cathédrale. L’émotion suscitée par cette tragédie patrimoniale trouve rapidement dans leur esprit, un écho avec le sauvetage du monument au XIXème. Dès 1825, boudée par les Parisiens, laissée à l’abandon, fragilisée dans ses fondations, la cathédrale est menacée de destruction. L’engagement de Victor Hugo et de la Commission du Vieux Paris pour la préservation du patrimoine, l’immense succès populaire du roman du grand écrivain publié en 1831, signent le retour en grâce de Notre-Dame auprès du public. Les fonds réunis vont permettre une restauration en profondeur parfois polémique, menée durant vingt ans par les architectes Eugène Viollet-le-Duc et Jean-Baptiste Lassus. Cette renaissance est profondément marquée par l’imaginaire du roman. L’exposition « Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo à Eugène Viollet-le-Duc », déployée au cœur de la Crypte archéologique de la Cité établit un parallèle entre cette renaissance au XIXème siècle et les grandes questions de conservation du patrimoine qui se posent au lendemain du sinistre de 2019. Le parcours à la fois photographique, architectural et littéraire reprend comme fil rouge le roman de Victor Hugo. Dessins, estampes, affiches, photographies anciennes, extraits de films et reconstitutions mettent en lumière la façon dont la cathédrale a été transformée sous l’influence des visions combinées de l’écrivain et de l’architecte. Une plongée fascinante dans les arcanes de la restauration, une redécouverte de ce que l’actuel édifice doit au XIXème siècle.










Fermée à la suite de l’incendie de Notre-Dame, la Crypte archéologique de l'île de la Cité est demeurée inaccessible durant des mois. La pollution causée par les résidus de plomb a interdit le parvis. D’importants travaux - nettoyage de l’accès et protection du patrimoine - ont été nécessaires pour rendre la réouverture possible. 

L’exposition « Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo à Eugène Viollet-le-Duc » retrace la première renaissance de la cathédrale sauvée au XIXème grâce à la détermination de Victor Hugo. Le monument est alors victime d’un désamour pour le style gothique jugé « barbare ». Déjà vétuste, à la Révolution, Notre Dame est vandalisée. La plupart des statues sont détruites ou tout du moins décapitées. La cathédrale est nationalisée devient Temple de la Raison. Rendu au culte sous Napoléon, l’empereur y organise son sacre en enjoignant à ses architectes de faire disparaître les caractéristiques gothiques de l’édifice. 

Le XIXème siècle s’annonce période charnière pour la cathédrale. En 1825, la cathédrale est à l’abandon. Et un rapport d’experts signale même sa dangerosité. Qui veut se débarrasser de son chien l’accuse de la rage. Elle est menacée de démolition par des édiles qui envisage d’en faire une carrière de pierre, esprit de recyclage. Victor Hugo publie alors un brûlot dans lequel il déclare la « guerre aux démolisseurs ». 

Fervent avocat de la cause, en 1831, il publie son plus célèbre roman « Notre Dame de Paris », une commande d’éditeur qui souhaitait un roman « à la Walter Scott ». La popularité immense de cet ouvrage rédigé en à peine cinq mois remet le Moyen-âge et le style gothique au goût du jour. La cathédrale Notre Dame imaginée par Victor Hugo prend l’aspect d’un monument inquiétant intimement attaché aux destins tragiques des personnages. Mais l’engouement est tel qu’il permet de réunir les fonds nécessaires à la restauration.  











L’exposition présente une soixante de pièces, majoritairement des reproductions d’éléments précieux parmi lesquels des dessins signés de la main de l’écrivain et des photographies d’époque, autant de documents si fragiles que les conditions d’humidité et de température de la crypte ne permettent pas de les préserver. De nombreux dispositifs numériques et des pupitres jeune public redonnent vie à l’épopée du XIXème siècle. 

La restauration de Notre Dame est entreprise à partir de 1844 grâce à l’intervention engagée de Victor Hugo et de la Commission du Vieux Paris. La grande campagne est conduite jusqu’en 1864 par Eugène Viollet-le-Duc et Jean-Baptiste Lassus. L’écrivain, en exil à la suite du coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851, n’y assistera pas. A son retour, l’éblouissement sera total.
Le sauvetage de Notre Dame est contemporain des débuts de la photographie. Afin de documenter la progression du chantier, le processus de restauration du patrimoine, il est fait appel aux premiers photographes Edouard Baldus, Charles Marville, Charles Nègre, Gustave Le Gray. Durant vingt années, ils immortalisent sur plaques les étapes de la métamorphose. 

Afin de mener à bien le projet en redonnant une identité esthétique forte à la cathédrale, Viollet-le-Duc puise dans l’imaginaire du roman de Victor Hugo. Il s’inspire directement des illustrations de l’ouvrage. Le stryge sur les hauteurs de la cathédrale, motif bestial entre sorcière et gargouille, les douze apôtres appartiennent au livre. L’exposition alloue un espace particulier à l’histoire de la flèche effondrée durant l’incendie de 2019. L’élément originel dressé en 1250 a été démantibulé en 1786. La flèche très emblématique de Viollet-le-Duc qui a disparu prend une toute autre apparence.


















Le parcours de l’exposition prend un sens particulier dans le décor de la Crypte archéologique de l’île de la Cité. Découverts lors de fouilles dans les années 1960, les beaux vestiges des thermes gallo-romains, un rempart du IVème siècle, le monument votif des bateliers de Paris, le Pilier des Nautes ainsi que des éléments des fondations des bâtiments qui enserrent Notre Dame jusqu’à la fin du XIXème siècle, laissent imaginer le contexte urbain dans lequel la cathédrale a vu le jour puis s’est animée au cours de ses neuf-cents ans d’existence. Une maquette permet de découvrir la cathédrale telle que Victor Hugo la voyait, dans son écrin médiéval de venelles étroites et de maisons resserrées avant que les grands travaux d’Haussmann ne dégagent radicalement le parvis.  

La polémique autour de la restauration menée par Eugène Viollet-le-Duc, ses partis pris esthétiques radicaux et son goût de la réinvention, résonne singulièrement avec celle qui fait rage aujourd’hui. Les experts s’interrogent sur la meilleure façon de redonner vie à la cathédrale incendiée. La question de la conservation et de la préservation du patrimoine fait couler beaucoup d’encre. En juillet dernier, après de longs le chef de l’Etat a confirmé que la flèche serait reconstruite à l’identique tandis que Philippe Villeneuve, architecte en chef des Monuments historiques, validait le projet d’une nouvelle charpente en bois.

Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo à Eugène Viollet-le-Duc

Crypte archéologique de l'île de la Cité
7 place Jean Paul II - Paris 4
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h - Fermé le lundi et certains jours fériés



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.