Expo Ailleurs : Yang Ermin, la réapparition de la couleur - Musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq - L'Isle Adam - Jusqu'au 14 février 2021


Yang Ermin, peintre, dessinateur, sculpteur, calligraphe mais également poète, s’inscrit comme l’un des acteurs majeurs du renouveau du lavis traditionnel chinois. Il réinvente cette technique dans la chatoyance de la couleur, délivrant une oeuvre teintée d’onirisme. Par le biais de ses rêveries expressives qu’il enrichit d’une polychromie intense inusité pour le lavis, il donne une suite aux codes traditionnels de l’encre noire et des rares couleurs pâles. Chef de file d’une nouvelle école, les artistes chinois néo-lettrés, il fait l’objet au Musée d’art et d'histoire Louis Senlecq de l’Isle-Adam, d’une exposition éclairante « Yang Ermin, la réapparition de la couleur » ramassée sur deux thèmes majeurs, les natures mortes et le paysage. Les commissaires, Caroline Oliveira directrice du Musée d’art et d'histoire Louis Senlecq et Christophe Comentale, sinologue, ancien attaché culturel près l'Ambassade de France à Beijing, conservateur au Musée de l’Homme ont composé un parcours inspiré, évocation poétique d’un travail marqué par la spiritualité et une forme apaisée d’hédonisme. Ce florilège met en lumière la dimension synthétique de l’oeuvre de Yang Ermin, qui renoue avec le concept d’un art contemplatif, entre connaissance pointue de la culture classique chinoise et l’influence des peintres néo-impressionnistes de la fin du XIXème siècle.












Depuis vingt ans, le travail de Yang Ermin donne lieu à de nombreuses expositions à travers l’Asie et l’Europe. Il se fait néanmoins rare en France. « Yang Ermin, la réapparition de la couleur » est le quatrième événement qui lui est consacré dans l’Hexagone. A la suite du Centre culturel de Lodève en 2014, de la Mairie du XIIème arrondissement de Paris en 2016 et du Musée Marcel Sahut de Volvic en 2019, le Musée d’art et d'histoire Louis Senlecq accueille un ensemble de peintures significatives, clés essentielles pour aborder l’oeuvre de cet artiste. 

Né en 1971 dans la province chinoise de Hebei, dans la région de Beijing, Yang Ermin montre très tôt des talents pour les arts plastiques. Enfant d’une famille de lettrés qui encourage ces dispositions, il se penche aussi bien sur les modèles antiques que sur l’art chinois contemporain. A seize ans, lors de son service militaire, il expérimente les grands formats lorsqu’il est chargé d’exécuter des œuvres de propagande. Il poursuit sa formation au Japon. Diplômé de l’Académie des arts de Nankin au Japon où il étudie l’esthétique, il est dans le même temps marqué par l’expérience des peintres chinois en France dans les années 1930, tels que Xu Beihong ou bien Lin Fengmian dont la quête d’équilibre entre encre sombre et couleurs fortes l’inspire fortement.

Fruit d’une longue formation, d’un approfondissement des techniques, sa réflexion est portée par l’originalité d’un regard construit au fil de ses voyages, en accord avec sa sensibilité. Yang Ermin a su développer une pratique très personnelle portée par un double référentiel. La peinture lettrée chinoise lui donne à penser la forme grâce à la connaissance des peintres anciens de la dynastie Tang à la dynastie Ging, notamment leur goût pour la représentation des paysages de montagne. Son intérêt pour les peintres occidentaux, les grands artistes de la fin du XIXème siècle en France, Claude Monet, Paul Gauguin, Paul Cézanne, les Nabis et les Fauves, le conduit vers la couleur. Théoricien engagé de la nouvelle peinture au lavis, il dirige l’Institut de recherche sur les œuvres au lavis de l’Académie des arts de Nankin. Esthète et collectionneur, il fait oeuvre de transmission.











Chez Yang Ermin, la synthèse entre la tradition picturale chinoise et le XIXème siècle européen donne naissance à des peintures comme celle du Mont Thaibang, qui hésite entre Hokusai et Cézanne, entre effets de profondeur, superposition des plans et palette chromatique expressive. Utilisant le papier de riz traditionnel Xuan, son travail se distingue par le choix de la matière, du support qui apporte une texture particulière à son travail.

La première période abordée par l’exposition éclaire la proximité plastique avec un certain classicisme que bientôt l’artiste dépasse. Son sens de l’épure trouve dans la couleur une dimension symphonique, un souffle harmonieux. Ses natures mortes, nature calme en chinois, notion qui se rapproche du vocable still nature en anglais, possèdent une vigueur, une liberté paradoxale. 

Yang Ermin reprend les codes conventionnels pour les détourner au profit d’une oeuvre joyeuse dans l’exubérance des compositions. Le foisonnement des motifs tout auréolés d’effets vaporeux souligne l’attention portée aux lignes, droites ou courbes. Le plaisir esthétique, le souci de la beauté, se place au cœur de son travail. A la technique ancestrale du lavis, Yang Ermin ajoute des pigments de couleur afin de se rapprocher des effets d’aquarelle d’une grande douceur, d’une rare luminosité. Quiétude poétique, harmonie des compositions, il affiche un attrait certain pour les contrastes, l’équilibre des formes. A travers le rendu des couleurs à l’eau, il poursuit une étude des transparences et des plans successifs











Yang Ermin traduit plastiquement sa compréhension d’une société en pleine mutation. Esthétique personnelle, théorisation des nouvelles techniques de lavis, il n’hésite pas à l’occasion à utiliser la photographie numérique. Dans ses œuvres les plus récentes, « les lavis usés » évoque presque les techniques pointillistes, les effets de pastel obtenus par l’application de couches successives unies dont la texture se fragmente dans un effet d’usure. Les motifs floraux, géométriques, parfois même abstraits s’organisent dans des compositions de paysages naturels qui illustrent les préoccupations écologiques de l’artiste et laisse le visiteur s’absorber tout entier dans ce spectacle. Les espaces urbains architecturaux de Manhattan, de Notre Dame sont évoqués dans une dissolution progressive des formes, vertige de l’abstraction. Peu à peu, Yang Ermin dépasse l’idée de la représentation de la forme pour aborder le domaine du sensible et embrasser l’émotion pure. 

Yang Ermin, la réapparition de la couleur 
Jusqu’au 14 février 2021

Musée d’art et d'histoire Louis Senlecq  
31 Grande Rue - 95290 L'Isle-Adam
Tél. 01 74 56 11 23 ou 01 34 08 02 72
Horaires : Du mercredi au dimanche, de 14h à 18h uniquement lors des expositions temporaires et sauf les jours suivants : 1er janvier, 1er mai, 14 juillet, 24, 25 et 31 décembre



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.