Cinéma : Africa Mia, un documentaire de Richard Minier et Edouard Salier



En 1964, dix jeunes maliens rejoignent La Havane à l’invitation de Fidel Castro afin d’étudier la musique. Devenus, en pleine guerre froide, un symbole de l’amitié entre deux révolutions socialistes, le Cuba de Fidel Castro et le Mali de Modibo Keïta, indépendant depuis quatre ans, les musiciens fondent le premier groupe afro-cubain Las Maravillas de Mali. Le succès aux Caraïbes et en Afrique de l’Ouest est immédiat. Ils signent un tube « Rendez-vous chez Fatimata ». En 1968, Modibo Keïta est renversé par le dictateur Moussa Traoré. Le groupe rappelé au pays en 1973, ses membres sont dispersés. Leur musique associée au régime précédent, désavouée, tombe dans l’oubli. Certains musiciens sont contraints à l’exil. De 2000 à 2018, Richard Minier, producteur de musique, réalisateur de documentaires, de séries et de publicités, part à leur recherche de Bamako à La Havane, d’Abidjan à Paris. Il est porté par une obsession les réunir à nouveau à Cuba pour enregistrer un dernier album. 







Ode à des musiciens remarquables, virtuoses oubliés, sacrifiés, ce documentaire navigue entre nostalgie et géopolitique sur le fil d’une histoire édifiante. En retraçant le parcours de ce groupe pionnier d’une forme de syncrétisme musical, le film se propose de saisir l’âme de la musique afro-cubaine. Il est également le récit touchant d’une quête personnelle, celle du réalisateur Richard Minier. Durant dix-huit ans, ce dernier a documenté ses recherches pour rassembler les musiciens, de rendez-vous manqués en défis logistiques, porté par une ferveur sincère.

En fil rouge, de cette épopée culturelle humaine et politique, l’instabilité politique d’un pays familier des coups d’état est évoquée puissamment à travers l’expérience humaine de ces musiciens. Si le film puise dans les rares archives pour nourrir la narration, ce sont les témoignages des vénérables grands-pères musiciens, leur émotion, leur passion intacte, qui transcendent le propos. Au début du documentaire, ils ne sont plus que cinq membres du groupe encore en vie sur la formation initiale de sept. Ces anciens camarade, figures touchantes évoquent un certain âge d’or et leur gloire passée dont il ne reste que les albums photos. Hybridation des sons, brassage culturel, leur influence sur la musique contemporaine se révèlera historique.




Au gré des ans, des décès, le réalisateur producteur est contraint de s’avouer vaincu dans sa course contre la montre. Il choisit de créer une nouvelle formation, de réinventer le groupe avec le maestro Boncana Maïga, ancien arrangeur et chef d’orchestre de Las Maravillas de Mali, désormais unique survivant. Poignant.

Africa Mia, documentaire de Richard Minier et Édouard Salier
Avec Boncana Maïga
Sortie le 16 septembre 2020



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.