Lundi Librairie : Il n'y a pas beaucoup d'étoiles ce soir - Sylvie Testud



Instantanés de vie savoureux, piquants, émouvants, Sylvie Testud raconte le quotidien d’une actrice. Au fil des souvenirs remontés, elle se souvient de ses débuts et ce premier jour au Conservatoire, l’enthousiasme mâtiné de panique et cet insidieux syndrome de l’imposteur face aux autres élèves déjà si bien placés dans la course. Il y a eu les castings loupés, les mauvaises connexions, la galère des petits boulots en parallèle. Elle dit avec charme et humour les réalisateurs, ceux qui ne voient rien, ceux plein d’humanité et d’empathie, et puis toute la famille du cinéma, les techniciens, Calou l’électro bourru, Magdalena la scripte, Camille le stagiaire de l’assistant réa, les belles rencontres. Elle évoque sans jamais se départir de son autodérision les tournages extrêmes, celui notamment lors d’une nuit glaciale au bord d’un canal d’Amsterdam à prétendre à l’été. Simuler encore et faire l’amour durant huit heures d’affilée devant une cinquantaine de personnes. Et parfois pour se préserver, les refus devant des exigences trop énormes, embrasser un cobra, se défenestrer, se faire escalader par un crabe. La comédienne se remémore le trac immense qui enfle toute la journée avant une première au théâtre. L’angoisse encore avec un fou rire incontrôlable sous l’œil d’un grand réalisateur compatissant. Les interviews dans les palaces, les essayages chez Chanel avant les César, les demandes d’autographes approximatives. Elle se rappellent des rôles qui marquent, ces personnages auxquels les actrices prêtent leurs traits, leur corps, la vie plus grande, plus forte au cinéma…


Sylvie Testud, comédienne révélée en 1999 avec « Karnaval » de Thomas Vincent, César du meilleur espoir féminin en 2001 pour « Les blessures assassines » de Jean-Pierre Denis, César de la meilleure actrice en 2004 pour « Stupeur et tremblements » d’Alain Corneau, poursuit une carrière féconde lorsque son premier livre, « Il n’y a pas beaucoup d’étoiles ce soir » est publié en 2003. A l’époque, elle écrit pour son plaisir, pour amuser ses proches et documenter son quotidien de comédienne. Sur les plateaux, dans les hôtels, elle trompe l’ennui en prenant la plume, dépeint par petites touches vives l’envers du décor, la vie de tous les jours bien loin des clichés rutilants. Ses textes séduisent une éditrice. 

Au fil de ce tout premier opus, Sylvie Testud déploie une véritable plume d’écrivain, une voix. Le ton décalé et souriant, le style alerte qui emprunte à l’oralité confèrent une énergie communicative à sa prose d’une rare fraîcheur. Personnalité très attachante, heureuse et inquiète, elle laisse transparaître à travers ses mots la modestie et la simplicité qui la caractérisent. Elle se livre embrassant ses forces et ses fragilités pour donner corps et mots à sa perception personnelle d’un métier qui fait rêver. Sens du détail cocasse, en quelques lignes, elle croque des situations comiques délectables, acuité du regard, concision. L’acteur à la disposition du metteur en scène, en quête de l’autre, est cantonné dans une position d’attente, d’observation. En écrivant, Sylvie Testud reprend de la distance, oeil malicieux mais toujours bienveillant et devient grand orchestrateur. 

La succession de saynètes émouvantes, délicieuses, drôles, poignantes ouvre les coulisses au regard curieux. Derrière le glamour et les paillettes, la réalité n’est pas toujours reluisante. L’art du comédien, celui de faire croire, de faire vivre le rêve naît dans la douleur, les doutes. Sylvie Testud désacralise les feux de la rampe pour emprunter les chemins de traverses. Sans faux-semblants, elle découvre la partie intime du travail d’acteur, sincère, authentique. Lucidité salutaire, petit grain de folie délicieux, les anecdotes cocasses voire franchement burlesques alternent avec des réflexions plus profondes sur le sens de ce métier, cette singulière vocation.  

Il n’y a pas beaucoup d’étoiles ce soir - Sylvie Testud - Editions Pauvert - Edition de poche Le Livre de Poche



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.