Lundi Librairie : La chute du sac en plastique - Julien Bouissoux



Le premier roman de Tristan Poque, « La Pulpe » n’a pas trouvé son public. Boudé par les critiques, le livre ne s’est pas vendu. Tristan désemparé vit sur ses dernières économies. Le frigo est vide et il a perdu l’inspiration. L’été s’installe, Paris se vide. Il reçoit régulièrement des cartes postales de Sophie, partie suivre un stage de planche à voile avec deux copains. Tristan voit bien au ton de ces missives que son statut de petit ami est irrémédiablement compromis. Une fondation dont les membres ont remarqué « la Pulpe » lui propose de candidater pour une bourse dédiée aux jeunes écrivains. Il est aux anges. Peut-être le bout du tunnel. Jusqu’au moment où il réalise qu’il doit fournir seize exemplaires de son ouvrage. Petit problème, Tristan est fauché. Son éditeur a rompu les liens avec lui, pas question de le rappeler pour qu’il l’aide. Le romancier décide alors de voler des livres dans les grandes librairies - pas le sien ce serait trop étrange selon lui - pour les revendre et avec les sommes récoltées acheter des volumes de « La Pulpe ». Entre temps, il fait la connaissance de Claire, étudiante en ethnologie qui remplace le facteur pour l’été. Pour de bon à cours d’argent, Tristan invente des combines improbables. Il se lance notamment dans le trafic de paillassons.

Deuxième roman de Julien Bouissoux paru en 2003, cette chronique mélancolique de la vie d’artiste se fait fable des solitudes urbaines. L’élégance du style, la vivacité d’une musique des mots très personnelle distille une douce poésie. Sur l’air bien connu du spleen parisien, Julien Bouissoux compose une fable tendre et féroce, dont l’humour piquant assume le petit grain de folie. L’empathie de l’auteur pour son flegmatique personnage, aimable dilettante qui manque de motivation à la suite d’un échec, est évidente. Un peu paumé, démuni face au monde tel qu’il va, Tristan est confronté aux aléas de la vie moderne et ne s’en sort pas très bien. En décalage perpétuel avec la réalité, la subsistance devient difficile. Sans aspérités, sans réelles joies non plus, l’existence de Tristan tourne autour de l’attente, celle du prochain virement, de la réponse de la fondation, du retour de Sophie, de l’inspiration…. Il est peu à peu rejeté à la marge, son isolement à peine troublé par des escapades plus érotiques qu’amoureuses. L’incongruité réjouissante des situations, la multiplication des scènes cocasses soulignent sa terrible solitude et la déshumanisation de la ville.

Esseulé, alors que les perspectives se ferment, il parvient à conserver le sourire. Son quotidien s’effrite mais il prend les choses avec une certaine désinvolture, une élégance du désespoir teintée d’autodérision. Le récit doux-amer des déboires de ce jeune type lunaire questionne le statut de l’écrivain et plus généralement de l’artiste, la contrainte des boulots alimentaires, le manque de sens. Malgré l’incertitude des lendemains, Tristan choisit d’embrasser la légèreté du sac en plastique emporté par les bourrasques, sa trajectoire aléatoire. 

La chute du sac en plastique - Julien Bouissoux - Editions du Rouergue - Edition de poche Pocket



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.