Accumulation d’objets hétéroclites, sans lien apparent, les œuvres de Gabriel Rico procèdent d’un prélèvement du réel à un niveau élémentaire. Ces sculptures et installations, véritables chroniques du quotidien, interrogent la condition humaine. Dans une démarche de recontextualisation radicale, l’artiste met en rapport les artefacts produits par la société de consommation et les composants essentiels de la nature sauvage. Gabriel Rico ponctionne des éléments disparates et génère des rapprochements inédits. En enfantant ces connexions, il met en lumière les liaisons insolites de l’imaginaire à l’oeuvre, fait appel à la mémoire de l’intime et du collectif. Fasciné par l’interaction de la philosophie et de la science, il étudie les propriétés de l’être par le biais d’une genèse de nouvelles entités. La beauté formelle surgit d’un processus défini par l’esthétique du détail. Les treize œuvres présentées à la Galerie Perrotin Paris à l’occasion de l’exposition « Nature loves to hide », dont le titre fait référence à la pensée du philosophe grec Héraclite, illustrent cette exploration des possibles. La poursuite expérimentale menée par Gabriel Rico emprunte à la satire afin d’aborder les grands enjeux sociétaux, les failles des politiques publiques, la remise en question de la hiérarchie culture / nature. La pratique artistique du plasticien, pas exempte d’humour, invite à la réflexion.
Gabriel Rico est né en 1980 à Lagos de Moreno au Mexique. A la suite d’études à l’Instituto Tecnológico y de Estudios Superiores de Occidente de Guadalajara, où il vit et travaille, il s’engage dans une carrière d’architecte qui le laisse insatisfait. Très vite, il choisit la voie de l’art. Présenté au Mexique, aux États-Unis, en Italie, en Corée du Sud, « Nature loves to hide » à la Galerie Perrotin est sa première exposition solo en France.
Inspiré par ses connaissances en architecture, Gabriel Rico investit les espaces qui deviennent par la force créative en oeuvre, laboratoires expérimentaux. Sur le fil d’une conceptualisation graphique qui ne renie pas tout à fait la possibilité de l’abstraction, le plasticien pense les objets comme des éléments d’animation de ces espaces. Ses agencements procèdent de la science, de l’arithmétique, matérialisent des connaissances techniques pointues. En quête d’une nouvelle géométrie des formes, il tente de pousser l’expérience au-delà de l’asymétrie naturelle des choses.
Processus de déconstruction et de recontextualisation, il créé des juxtapositions inattendues, progéniture turbulente du surréalisme et de l’Arte Povera. Gabriel Rico collecte sans cesse des matériaux, fragments de la contemporanéité conceptualisée. Il réassemble ces morceaux épars dans un geste de double association des significations et des formes. La mise en exergue des disparités participe de la démarche à la fois esthétique, sociologique, et scientifique.
L’artiste s’approprie et détourne les signes qu’il accumule et dispose avec un soin maniaque signifiant. Néons, animaux empaillés, céramique, branches d’arbre, minéraux, colonne ionique brisée en marbre, objets usuels de grande consommation, ballons de basket, balles de tennis, nains de jardin, bouteilles de soda, tous ces éléments sont les traces et symboles de notre civilisation confrontée à la nature première.
Gabriel Rico réinvente une cohérence, souligne les points d’achoppement. Il produit une réalité parallèle, rebus visuel, formulation plastique d’un propos engagé. Il force les hybridations pour nous interpeller, associe le caractère brut des éléments organiques et l’artificialité des pièces produites par l’industrie de masse. Industrie culturelle, société de consommation, environnement naturel en péril, l’expérience de la pensée reconfigure la forme plastique. Ainsi le plasticien prolonge une réflexion sur la relation entre l’homme, son environnement, la société contemporaine et la nature tandis que la narration intime de ses pièces plus personnelles convoque ses souvenirs d’être vivant, pensant, aimant, ressentant.
Gabriel Rico - Nature loves to hide
Jusqu’au 14 août 2020
Galerie Perrotin
76 rue de Turenne - Paris 3
Horaires : Du mardi au samedi de 11h à 19h - Fermé lundi et dimanche
Entrée libre
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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