Série : Hollywood, de Ryan Murphy et Ian Brennan - Disponible sur Netflix depuis le 1er mai 2020



Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale débute l’âge d’or d’Hollywood, l’ère des grands studios. Jack Costello, jeune vétéran, tente de devenir une star de cinéma afin de prouver qu’il est quelqu’un. Mais le rêve a un prix, et à défaut de se faire remarquer par les directeurs de casting, Jack accepte de travailler dans la station de service très spéciale d’Ernie, un vieux beau qui le recrute dans un bar pour son physique avantageux. Jack désormais joue les gigolos auprès de dames fortunées esseulées ou délaissées par leurs riches époux. Jack fait la connaissance d’Avis Amberg, la femme d’un magnat du cinéma. Archie Coleman, jeune africain-américain, scénariste le jour et accompagnateur pour messieurs d’un certain âge le soir, est bientôt engagé chez Ernie. Son scénario retraçant l’histoire de l’actrice Peg Entwistle, suicidée en 1932 en se jetant dans le vide depuis le H du signe Hollywood qui surplombe Los Angeles, attire l’attention d’un réalisateur en devenir, Raymond Ainsley. Ensemble, ils partent à la conquête de l’Ace Studio. Raymond aimerait que sa fiancée, Camille incarne le premier rôle mais sa couleur de peau pose question dans l’Amérique des années 50. Quand les responsables du studio découvrent qu’Archie est noir, ils imaginent faire disparaître son nom des crédits. Et puis Archie voudrait pouvoir afficher au grand jour sa relation avec l’aspirant comédien Roy Fitzgerald bientôt rebaptisé Rock Hudson par son agent mais cela mettrait fin à la carrière de ce dernier.

La nouvelle création du très prolifique Ryan Murphy, créateur de « Glee », « American Horror Story », « American Crime Story », « The Politician » ou encore « Nip / Tuck », a débarqué la semaine passée en fanfare sur Netflix.  Co-créée avec Ian Brennan, cette uchronie dans les coulisses d’Hollywood, aussi délicieuse que décalée, s’attaque à la création du mythe à la fin des années 1940. A la sincérité de l’hommage vis à vis d’un certain âge d’or du cinéma américain, la mini-série propose une correction drastique de l’histoire en réécrivant de façon radicale la réalité. 

Caractérisé par une certaine esthétique fringante très vintage, la série revendiquée feel-good et revigorante se veut férocement optimiste tout en dénonçant le puritanisme hypocrite, les discriminations. Dans un style inimitable, subtilement provocateur, Ryan Murphy distille en filigrane un propos politiquement engagé dans la lignée de son combat pour la représentation des minorités à l’écran. S’éloignant de la reconstitution, la série laisse libre-cours au fantasme pour rejouer la naissance de l’industrie du cinéma moderne. La réalité de l’usine à rêves y est représentée finement décalée sans pour autant omettre le revers de la médaille, des studios dirigés par des vieux hommes blancs, où règnent la misogynie, le racisme, l’homophobie, la prostitution.

La série imagine ce qu’Hollywood aurait pu être si une femme avait été placée à la tête d’un grand studio et que celui-ci avait rencontré son plus gros succès grâce à un film écrit par un scénariste africain-américain et homosexuel, long-métrage dont le personnage principal aurait été joué par une actrice noire. Cette fiction au cœur des grands studios californiens réinventer l’histoire d’Hollywood en trouvant une voie ouverte aux minorités, tolérante, progressiste, dans laquelle les femmes, les homosexuels, les noirs et les asiatiques auraient pu trouver leur place dès les années 1950.

"Hollywood" s’attache au destin d’un groupe de jeunes gens ambitieux, prêts à tous les sacrifices pour réussir mais dont les intentions comme l’enthousiasme sont purs faisant preuve tour à tour sur le chemin du succès de talent, de solidarité et de sens de la débrouille. S’ils sont ambitieux et parfois candides, ils n’en oublient pas d’être généreux et authentiques. Jeremy Pope, dans le rôle d’un scénariste débutant, Darren Criss dans celui d’un jeune réalisateur plein d’avenir, David Corenswet, Laura Harrier et Samara Weaving en étoiles montantes de l'industrie, incarnent avec beaucoup de conviction une galerie de personnages intrépides impeccables. Dans la peau de Rock Hudson, icône décédée du Sida en 1985 sans jamais avoir pu faire son coming out, est particulièrement touchant.




Les personnages réels, figures mythiques viennent renforcer l’intrigue en cameo savoureux. Hattie McDaniels, première actrice africaine-américaine à avoir remporté un Oscar, est jouée par Queen Latifah. Henry Wilson terrifiant agent d’acteur, pervers narcissique redoutable, intervient sous les traits de Jim Parsons, le Sheldon Cooper de « The Big Bang Theory ». Michelle Krusiec incarne l’actrice Anna Mae Wong au destin tragique qui bien qu’ayant trouvé une forme de succès n’a jamais remporté la récompense qu’elle méritait. Vivien Leigh, très bipolaire, prend le visage de Katie McGuiness tandis que joué par Daniel London, le réalisateur George Cukor, Oscar en 1965 pour « My Fair Lady », redonne un ultime brunch orgiaque autour d’une piscine où se jouaient des carrières. Patti LuPone, Holland Taylor et Joe Mantello, Dylan McDermott, Rob Reiner, le réalisateur de « Misery » et « Quand Harry Rencontre Sally », s'illustrent dans des seconds rôles des plus savoureux.

Hollywood, de Ryan Murphy et Ian Brennan
Mini-série Netflix de 7 épisodes
Avec Darren Criss, Laura Harrier, David Corenswet, Jeremy Pope, Dylan McDermott, Jake Picking, Holland Taylor, Samara Weaving, Jim Parsons, Patti LuPone, Joe Montello
Disponible depuis le 1er mai 2020



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.