Cinéma VOD : Get out, de Jordan Peele - Disponible sur Netflix depuis le 1er mai 2020


Couple mixte épanoui, Chris et Rose sont ensemble depuis cinq mois. Rose qui souhaite présenter son amoureux à ses parents, a organisé un week-end dans la grande propriété familiale située en Alabama. Si Chris est ravi de voir évoluer leur relation, il montre quelques réticences, inquiet de rencontrer une belle-famille à laquelle sa fiancée n’a pas jugé bon de préciser qu’il était noir. Son appréhension est renforcée par la curieuse ambiance qui règne chez ses beaux-parents. Dean, le père neurochirurgien, en fait des tonnes afin de prouver son progressisme. Missy, la mère psychiatre, sous prétexte de l’aider à arrêter de fumer, insiste beaucoup pour hypnotiser Chris malgré son refus tandis que le frère Jérémy, étudiant en médecine, a l’air franchement fêlé. Et le comportement étrange du personnel de maison, Walter et Georgina, eux-mêmes noirs, met le jeune homme encore plus mal à l’aise. Chris se demande ce que cette bienveillance ultra-démonstrative, ouverture d’esprit outrée, dissimule. Le lendemain de l’arrivée du couple, une grande réunion familiale rassemblant tous les cousins de la région, riches, blancs et plutôt âgés, confirme les tensions alors que les réflexions déplacées se multiplient et qu’une série d’incidents survient.







Satire horrifique et métaphore politique, "Get Out" sonde avec panache l’inconscient de la société américaine post-Obama et dénonce un racisme larvé qui ne dit plus son nom. Le réalisateur, Jordan Peele, moitié du duo comique Key & Peele qu’il forme avec Keegan-Michael Key, une émission diffusée sur la chaîne Comedy Central, mène une réflexion radicale sur la question raciale aux Etats-Unis déployant un humour féroce et un sens rare de la mise en scène à suspense. 

Sur un motif de comédie, inspiré du film de Stanley Kramer datant de 1967 «"Devine qui vient dîner", la jeune femme blanche qui présente son fiancé noir à sa famille, le cinéaste renouvelle le genre du film d’horreur. Il emprunte des éléments classiques des séries B, multipliant les références aux zombies, Frankenstein, expériences médicales et les références visuelles chasse à l’homme, hémoglobine pour en repenser le sens et souligner une réflexion qui bouscule les codes.

Le propos est appuyé par une efficacité visuelle, une recherche plastique qui se caractérise par des séquences très belles comme la scène de la séance d’hypnose. Evoquant le souvenir ardent de l’esclavage par des images fortes, résurgences modernes, Jordan Peel dénonce les formes du racisme contemporain.




Par le biais de conventions horrifiques détournées, le réalisateur mène une réflexion éclairée sur l’exploitation de l’autre, le refus de reconnaître l’altérité, « la culpabilité blanche ». Il distille avec art une angoisse sourde, insidieuse. Le comportement qui se veut rassurant de la famille mais qui verse plutôt dans la complaisance est l’élément le plus inquiétant du film. Les remarques incongrues ponctuent toutes leurs interventions et incarnent la persistance des clichés racistes dans une bienveillance de façade.

Jordan Peele interroge l’ordre social, l’idée de subordination et d’exploitation de l’autre. Les phénomènes étranges, le sentiment d’inquiétude diffuse se précise. Le danger peu à peu prend forme jusqu’au basculement. Avec précision le cinéaste joue du malaise, du rire embarrassé faisant preuve d’inventivité dans cette démonstration précise volontairement décalée par la nature du film de genre. 

Get out, de Jordan Peele 
Avec Daniel Kaluuya, Allison Williams, Catherine Keener, Bradley Whitford
Sortie le 16 mars 2017
Depuis le 1er mai 2020 sur Netflix



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.