Cinéma : Pygmalionnes, un documentaire de Quentin Delcourt



Actrices, réalisatrices, productrices, scénaristes, cheffe-opératrices, agents d'artistes, exploitantes de cinéma, onze professionnelles du cinéma prennent la parole et racontent l’envers du décor. Devant ou derrière la caméra, de la genèse du projet cinématographique à la distribution en salle, elles expliquent leur parcours, défendent leur vision du Septième art. Leurs témoignages précieux éclairent sous un jour très incarné les réalités de cette industrie, les difficultés rencontrées par les femmes pour imposer leur légitimité, les inégalités, le sexisme, le manque de diversité. A la suite des mouvements Mee too, Time’s up et Maintenant on agit ! le cinéma s’est érigé en véritable caisse de résonance des problématiques sociétales de notre temps. Les débats qui agitent cet univers particulier sont ceux qui interrogent nos sociétés actuelles. A travers ce documentaire, éclairant, émouvant, imparfait mais nécessaire, le réalisateur Quentin Delcourt, contribue à la libération de la parole des femmes.







Pierre angulaire du dispositif mis en place par le cinéaste, le discours d’Agnès Varda en mai 2018 sur les marches du festival de Cannes, entourée de Cate Blanchett et de quatre-vingt femmes de cinéma exprimait déjà toutes les problématiques de l’industrie cinématographique. Les difficultés à s’affirmer lorsque l’on est femme dans un milieu professionnel où s’exerce pleinement la domination masculine. 

Hafsia Herzi, Aïssa Maïga, Stéfi Celma, Naidra Ayadi, Elisabeth Tanner, Alix Bénézech, Céline Bozon, Nathalie Marchak, Anne Richard, Isabelle Gibbal-Hardy, Laurence Meunier, les onze professionnelles interrogées par Quentin Delcourt partagent une passion dévorante. Elles parlent de leur vocation avec ferveur, traçant un portrait d’ensemble des différents métiers du cinéma, une généalogie des films au féminin. Toujours hors champs, le réalisateur a choisi dans une économie de moyens volontaire, de compiler les interviews face caméra, gros plan sur les visages des interlocutrices, entrecoupées d’extraits de scènes marquantes. L’austérité du procédé, le dépouillement tend à accroître la capacité d’écoute afin d’aller au cœur du sujet sans langue de bois.

La parité, l’égalité des chances, les inégalités salariales, l’engagement personnel, les intervenantes font un même constat d’injustice. Si elles expriment leur colère, leurs frustrations, leurs observations inspirent des solutions afin de dépasser la misogynie latente qui gangrène le milieu, en débutant par les comités de sélection. L’absence de femmes aux postes décisionnaires ne fait que renforcer les préjugés. « Une femme exigeante sur un plateau est une emmerdeuse. Un homme exigeant sur un plateau est un travailleur », constate l’actrice Anne Richard. 



Chacune fait le constat de l’émergence d’une nouvelle génération, investie, militante, déterminée à forcer les portes. Le développement du pouvoir d’action, la volonté d’émancipation, d’ « empowerment » se manifeste de plus en plus. « Les jeunes réalisatrices ont désormais une attitude de conquérantes » se réjouit Isabelle Gibbal-Hardy, la directrice du cinéma Le Grand Action à Paris

Les femmes interrogées par le réalisateur évoquent les discriminations, le désir de parité et de reconnaissance, les maux de la société. La discussion pleine d’humanité s’ouvre vers des sujets plus larges. Les onze intervenantes parlent de maternité, d’âge, de rapport au corps, de séduction, d’autorité, de parité. Le propos social, économique, politique acquiert une dimension universelle. Le cinéma, démarche artistique devient agent révélateur citoyen.

Pygmalionnes, documentaire de Quentin Delcourt
Avec Hafsia Herzi, Aïssa Maïga, Stéfi Celma, Naidra Ayadi, Elisabeth Tanner, Alix Bénézech, Céline Bozon, Nathalie Marchak, Anne Richard, Isabelle Gibbal-Hardy, Laurence Meunier
Sortie le 22 janvier 2020



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.