Ailleurs : L'Arbre aux serpents, une oeuvre de Niki de Saint Phalle - Musée des Beaux-Arts d'Angers



L’Arbre aux serpents de Niki de Saint Phalle (1930-2002), rapidement adopté par les riverains et les touristes, est devenu en quelques années une oeuvre emblématique du paysage angevin et l’un des symboles du musée des Beaux-Arts d’Angers. La sculpture-fontaine a été conçue en 1992 par la plasticienne franco-américaine mais jamais mise en eau. Elle appartient au cycle des totems monumentaux, statues polychromes en résine de polyester. L’apparence pop de ces créations, hymnes à la joie, porte le germe d’un double message. Sous les couleurs exubérantes se dissimule une part de noirceur paradoxale. Au fil de leur conception, les oeuvres acquièrent souvent des propriétés cathartiques, formes d’exutoire aux traumas de l’enfance. Niki de Saint Phalle voit dans l’arbre de vie, l’incarnation de sa propre résilience. Les serpents, motifs récurrents du bestiaire de l’artiste renvoient à une phobie personnelle ainsi qu’au symbole dans de nombreuses cultures de la puissance féminine. Naïve dans sa forme, la sculpture se révèle complexe dans sa nature de chimère associant végétal et animal. L'arbre fantastique est surmonté en guise de branches de douze têtes de reptiles à la gueule entrouverte dont devait originellement jaillir l’eau. Cette hydre mystérieuse, gardienne d’un univers propice aux imaginaires, a été cruellement confrontée à la réalité de la météo. 











L’Arbre aux serpents de Niki de Saint Phalle a été acquise par la Ville grâce au concours du Fond Régional d’acquisition pour les musées (Fram) et installée en 2005 sur la terrasse du musée des Beaux-Arts d’Angers. Exposée en plein air, victime des intempéries et de la pollution, elle montre à partir de 2010 les premiers signes de détériorations dues aux conditions climatiques et à la pollution. En 2012, les dégradations sont telles, couleurs délavées, couche d’epoxy écaillée, qu’elle est placée sous un caisson protecteur destiné à la préserver.

L’oeuvre va demeurer, cinq ans durant, cachée aux yeux du public. Le Centre de restauration des musées de France et la Niki Charitable Art Foundation mènent une investigation pour comprendre les raisons des altérations. L’analyse poussée confirme la nécessité de refaire l’intégralité de la polychromie. Les deux institutions valident une complète réfection de l’oeuvre et fin octobre 2016, la restauration est votée, pour un montant de 70 000 euros. L’opération a été rendue possible grâce au mécénat de la Fondation BNP Paribas.

























L'Arbre aux serpents est déposé en novembre 2016 et confié à l’atelier parisien Art & Concept dirigé par Gérard Haligon, éditeur historique des sculptures en de l’artiste et restaurateur officiel. Cinq mois d’intervention afin de retrouver son intégrité, restaurer la polychromie d’origine, la rendre également plus résistante.Les artisans procèdent tout d’abord à un nettoyage de la sculpture pour relever toutes les teintes et effectuer les comparaisons nécessaires avec le dossier photos datant de la création de l’oevure. La surface est décapée jusqu’à la résine, un apprêt posé et les couleurs appliquer de nouveau en deux, trois voire quatre couches. L’Arbre aux serpents éclatant de couleurs retrouve sa place sur la terrasse le 27 avril 2017.

Cette oeuvre existe en plusieurs exemplaires et différentes versions. Le serpent du Jardin des Tarots en Toscane, sculpture en noir et blanc reprend ce motif du reptile ainsi que L’arbre fontaine réalisé en 1987 dont les serpents rassemblés en bouquet crachent de l’eau. A Paris, l’un des éléments de la fontaine Stravinsky dont je vous parlais en détails ici représente un serpent tournant enroulé sur lui-même. Un exemplaire similaire à celui présenté à Angers mais datant de 1999 se trouve dans au cœur du Jardin botanique du Missouri, au National Museum of Women in the Arts à Washington.  











Le motif du serpent, figure inquiétante, évoque pour Niki de Saint Phalle l’été au cours duquel elle a été abusée par son père à l’âge de 11 ans, été également associé à sa rencontre avec des reptiles menaçants. Chimère végétale et animale, l’hydre de L’Arbre aux serpents recèle une part d’ombre que l'artiste révèle dans un livre intitulé Mon secret : « Un calme épais et séduisant enveloppait ma promenade à travers les champs. (...) un gros rocher gris qui me barrait la route était trop grand pour que je l’ignore. Entrelacés au sommet, deux serpents opulents et noirs, au venin mortel, bougeaient doucement. Je m’arrêtai terrorisée ; je n’osais plus bouger ni respirer. » Rendant le serpent banal par son omniprésence, Niki de Saint Phalle cherche à vaincre une phobie, à exorciser une période douloureuse, à surmonter terreurs et blessures d’enfance. « En fabriquant moi-même des serpents, j’ai pu transformer en joie la peur qu’ils m’inspiraient. Par mon art, j’ai appris à dompter et à apprivoiser ces créatures qui me terrorisaient.»

Les reptiles, figures protectrices des tombes royales et menaces insidieuses, hantent les contes et légendes. La plasticienne se réapproprie ces créatures merveilleuses dans une démarche psychanalytique qui emprunte aux puissances oniriques.

L’Arbre aux serpents de Niki de Saint Phalle
Terrasse du Musée des Beaux-Arts d’Angers

Musée des Beaux-Arts d’Angers
14 rue du Musée - Angers
Tél. : 02 41 05 38 00



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.