Expo Ailleurs : Drapé. Degas, Christo, Michel-Ange, Rodin, Man Ray, Dürer... Musée des Beaux-Arts de Lyon - Jusqu'au 8 mars 2020



Le drapé, motif emblématique de la pratique académique, demeure l’un des exercices les plus classiques, étape obligatoire de la formation dans les écoles d’art. Cet apprentissage donne à penser la matière. Il est question de retranscrire la texture, le détail du plissé, de saisir les jeux d’ombre et de lumière sur les plis, de trouver à suggérer le mouvement. La récurrence fascinante de la draperie dans l’histoire de l’art, de l’Antiquité jusqu’à nos jours fait l’objet d’une exposition événement au musée des Beaux-Arts de Lyon, "Drapé : Degas, Christo, Michel-Ange, Rodin, Man Ray, Dürer...". La grande diversité des 250 œuvres exposées illustre l’idée qu’à la nécessaire maîtrise technique vient s’ajouter le pur plaisir plastique de la forme, plis, volutes, froissés, de la ligne proche de l’abstraction. Au cœur de l’exposition, les esquisses et les dessins ainsi que les travaux préparatoires sur papier prédominent. Ces pièces dialoguent puissamment avec les peintures, sculptures, installations, vidéos. Le parcours non chronologique de l’exposition propose des juxtapositions étonnantes, des mises en regard piquantes et éclairantes.











L’art du drapé consiste à cacher et à dévoiler, à révéler le corps dissimulé sous le tissu dans une forme de sensualité que les nus n’ont pas. Couvrir la nudité pour mieux la dévoiler. L’exposition présentée au musée des Beaux-Arts de Lyon propose de revenir aux origines des œuvres, d’accéder aux préparations durant lesquelles la fluidité de l’étoffe et la façon dont l’artiste place l’étoffe va créer les volumes, penser les plissés, obtenir des effets. La mise en place du tissu sur modèle vivant ou sur mannequin fait partie des étapes de l’élaboration de la forme plastique. En abordant la délicate thématique du drapé, les commissaires d’exposition, Sylvie Ramond directrice du musée des Beaux-Arts de Lyon et Eric Pagliano conservateur du patrimoine au C2RMF, ont choisi d’appréhender le geste artistique par le biais de l'élaboration de la draperie avant même son achèvement, les processus singuliers de création et les différentes techniques 

Dans les ateliers des maîtres classique, la pratique courante est de traiter séparément corps et vêtements. L’étoffe est drapée sur modèles vivants mais plus souvent encore sur mannequins, parfois de tailles réduites, jusqu’à ne plus être que des figurines. Ainsi au cours de l’exposition, est présenté un remarquable travail préparatoire de Michel-Ange, dessin d’une Sibylle destinée à la Chapelle Sixtine, exécuté d’après un petit mannequin.











A travers l’exposition, le dessin règne avec de nombreuses oeuvres de maîtres depuis la Renaissance jusqu’au XXIème siècle Jean-Auguste Dominique Ingres, Nicolas Poussin, Gustave Moreau, Edgar Degas. Croquis et esquisses ont parfois une valeur démonstrative mais ils révèlent la maîtrise du geste technique la justesse des proportions, l’omniprésence du motif.  Un dessin exceptionnel d’Albrecht Dürer encore élève, « Fragment de vêtement » (1508) révèle l’étude minutieuse d’un pan de draperie dans la souplesse du tissu, la délicatesse des plis soulignées par la lumière.

Raphaël, Matthias Grünewald, Domenico Ghirlandaio, Michel-Ange, Pontormo, Nicolas Poussin, Jacques-Louis David, Johann Heinrich Füssli, Jean-Dominique Auguste Ingres, Anne-Louis Girodet, Gustave Moreau, Pablo Picasso, George Grosz et Fernand Léger font partie d'une distribution de haut vol.











La belle sculpture classique de Deinoménès d’Argos, "Femme assise dite Suppliante Barberini", original de la fin du Ve siècle avant J-C, présenté autrefois au Palais Barberini à Rome, entré au Louvre en 1935, illustre la virtuosité de la statuaire antique à laquelle répond l’art des maîtres, Le Bernin, Auguste Rodin, Antoine Bourdelle

Au fil de l’exposition, des espaces monographiques se consacrent en détails aux sculptures de Rodin, à « l'Illiade » et à « l'Odyssée » peintes par Ingres, aux « Trois femmes à la fontaine » de Picasso. Un important corpus est réuni autour des travaux préparatoires de Gustave Moreau pour sa célèbre « Salomé dansant devant Hérodote » (1874). Les dessins révèlent une figure à peine esquissée, une draperie suggérée qui devient sur la toile définitive, une étoffe légère et transparente. 



 








L’évolution de la pratique artistique et de la façon d’appréhender le drapé, induite par l’apparition de la photographie, s’incarne dans les clichés de Man Ray, Henri Cartier-Bresson, Cunningham, Francesca Woodman. Embrassée par la sculpture contemporaine, la draperie connaît un retour en force. Longtemps simple objet d’étude, détail de l’oeuvre, elle acquiert enfin pleinement le statut de sujet artistique. « Drapé sans corps » (1976) de Robert Morris, feutre accroché au mur s’affaisse naturellement sans tentative d’effets esthétiques, sous le simple poids des forces physiques naturelles. « Achrome » (1958) de Piero Manzoni, peinture-sculpture en argile blanche, reproduit la surface plissée d'une étoffe comme pétrifiée dans la matière. Luciano Fabro accroche un simple drap de taille à un châssis dans « Première façon de mettre les draps » (1968).

Orlan, Jananne Al-Ani, Alain Fleischer, Didier Trenet, le drapé fascine les contemporains. La modernité confère au motif une nouvelle signification. La draperie se fait porteuse de messages politiques, accède à une dimension sociale et anthropologique comme pour les monumentales « Porte de Déméter » d'Ernest Pignon-Ernest, dessins préparatoires aux oeuvres in-sitù de l'artiste réalisée à Naples entre 1988 et 1995. Le message devient strident avec les photographies de Mathieu Pernot intitulées « Les Migrants » qui représentent deux corps allongés sur un banc, drapés, emballés, suggérant à la fois les sacs mortuaires et les sacs poubelles. Zineb Sedira signe un triptyque inquiétant « Autoportraits ou la Vierge Marie » qui interroge l’identité de l’artiste.

Le musée des Beaux-Arts de Lyon s’est associé à l’occasion de cette exposition à la Maison de la Danse afin de réaliser une série de vidéos projetées au sein du parcours. Différentes compagnies reprennent des pièces chorégraphiques de Mourad Merzouki, Anna Halprin, Eun-Me Ahn, Martha Graham qui mettent en lumière l’importance de l’étoffe, de ses qualités de mouvement, dans la danse contemporaine.  

Drapé : Degas, Christo, Michel-Ange, Rodin, Man Ray, Dürer…
Jusqu’au 8 mars 2020

Musée des Beaux-Arts de Lyon
20 place des Terreaux - Lyon 1
Tél : 04 72 10 17 40
Horaires : Ouvert tous les jours sauf mardi et jours fériés de 10h à 18h, vendredi de 10h30 à 18h - Fermeture partielle de salles du musée entre 12h30 et 14h.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.