Expo : Raymond Depardon, photographe militaire 1962-1963 - Musée du Service de Santé de l'Armée - Jusqu'au 30 janvier 2020



Figure emblématique de la photographie contemporaine, auteur d’une importante oeuvre cinématographique et documentaire, d’ouvrages où dialoguent textes et photos, Raymond Depardon avait, de son propre aveu, oublié les images prises lors de son service militaire entre juillet 1962 et août 1963. Appelé sous les drapeaux à vingt ans, il est affecté à la rédaction du magazine des armées TAM (Terre Air Mer), surnommé le Paris Match militaire. Rolleiflex objectif grand angle en main, il affûte son regard en collaborant à cette revue et fait montre déjà d’un œil que les évolutions techniques et technologiques ne modifieront pas. Déjà dans ces images d’une armée qui se veut professionnelle et moderne, l’humour et le sens du cadrage du jeune photographe s’affirment. Durant un an, Raymond Depardon parcourt la France. Il réalise cinquante-et-un reportages, plus de deux mille clichés. Il va faire neuf couvertures et cent-trente-cinq photographies seront publiées. Au sein de TAM, il collabore avec Philippe Labro, Jacques Séguéla. L’exposition présentée au Musée du Service de Santé des Armées Genèse met en lumière ce pan méconnu d’une longue carrière. Témoin sensible, engagé et inspiré de son époque, Raymond Depardon possédait déjà il y a soixante ans tous les talents qui ont fait de lui cet immense photographe reconnu dans le monde entier.  











Né en 1942 dans une famille d’agriculteurs, Raymond Depardon découvre la photographie à douze ans lorsque son père lui offre un appareil 6x6 d’occasion. Après les premières images saisies dans la ferme familiale du Garet, il devient apprenti dans une boutique de photographies de Villefranche-sur-Saône puis en 1958, assistant à Paris du photographe Louis Foucherand. Ce dernier s’associe en 1959 avec Louis Dalmas pour fonder l’agence Dalmas. Raymond Depardon est l’un des premiers pigistes. Il photographie Edith Piaf, Brigitte Bardot, les faits divers, les évènements sportifs pour France Soir, Paris Match. En 1960, Raymond Depardon est envoyé en Afrique pour couvrir la mission SOS Sahara, le sauvetage d’un groupe d’appelés perdus sans eau dans le désert. Il y rencontre les photographes du magazine des armées Bled 5/5 qui deviendra TAM. Dix photographies signées sont publiées dans Paris Match le 3 septembre 1960. C’est la première fois que son nom apparaît dans un magazine.

En 1962 à l’occasion de son service militaire, il est affecté à la rédaction parisienne de TAM avec le grade de brigadier. Durant cette période, il réalise les nombreuses images présentées à l’occasion de l’exposition qui se déroule au Musée des Services de Santé de l’Armée. Il sera libéré de ses obligations militaires en août 1963. Peu de temps après, il couvre la guerre du Vietnam et ses photos sont publiées dans le New York Times en 1964. Deux ans plus tard, en 1966, avec Gilles Caron, Raymond Depardon fonde l’agence Gamma. Il est l’un des membres éminent de Magnum Photos depuis 1979, coopérative photographique qui regroupe quelques-uns des plus grands photographes et photojournalistes du monde.










L’exposition Raymond Depardon, photographe militaire 1962-1963 présente une centaine de photographies largement inédites. Ce corpus de jeunesse dont sont extraites ces images, composé de deux mille clichés sous forme de planches et négatifs parfois jamais même développés, était précieusement conservé par les services de la Défense dans les réserves de l’ECPAD (Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense) et la Direction du Patrimoine, de la Mémoire et des Archives (DPMA). A l’évocation du projet d’’exposition, le principal intéressé s’est inquiété de la pertinence de ces archives depuis si longtemps en sommeil. Mais le jeune Depardon possédait déjà le sens de la composition et de l’information, un œil unique et la surprise a été bonne pour le photographe.

L’évènement Musée du Service de Santé des Armées a donné lieu à un important travail en amont entre Raymond Depardon et les commissaires d’exposition, Cristina Baron, conservatrice du musée national de la Marine et de Lucie Moriceau-Chastagner, chef du département de la médiation et des publics au pôle de conservation et de valorisation des archives de l’ECPAD. Les tirages développés à l’occasion de l’exposition ont été adaptés aux lieux, en tonalité et résolution.











Paysages, portraits, évènements sportifs, manœuvres militaires, entraînement des troupes, quotidiens des soldats et sujets sociétaux élargis avec des scènes de rue parisiennes ou le Salon des arts ménagers, Raymond Depardon témoigne de la France des Trente Glorieuses marquée par le progrès technologique. Retranscrivant sur la pellicule, les atmosphères, les ambiances, il évoque l’avènement de la société de consommation, le début des années 1960 marqué par la décolonisation et la fin de la terrible guerre d’Algérie (1954-1962). 

Lorsqu’il intègre l’armée comme photographe, ses clichés entrent dans le cadre d’une campagne de communication visant à redonner une nouvelle image, dynamique, moderne, citoyenne, au monde militaire, forme de propagande à l’usage de la jeunesse. Raymond Depardon documente le quotidien des marins, des militaires, les manœuvres au large de la Méditerranée. Il est envoyé sur les bases de Brest, de Calvi, Aix-en-Provence, Valence, à l’arsenal de Toulon. Il se rend également à l’école des Enfants de troupe d’Aix-en-Provence, un internat d’orphelins de l’armée.











La présentation double à Toulon au Musée national de la Marine et à Paris au Musée du Service de Santé des armées explore la facette inédite d’un talent. A la centaine de photographies choisies et commentées par Raymond Depardon lui-même, ont été ajoutés documents d’archives, films, entretiens. Le dernier volet de l’exposition plus personnel, convoque puissamment l’image d’un pays en pleine mutation, témoignage qui suscite une émotion particulière.

Raymond Depardon, photographe militaire 1962-1963 
Jusqu'au 30 janvier 2020 

Musée du Service de Santé des Armées - Ecole du Val-de-Grâce
1 place Alphonse Laveran - Paris 5
Tél : 01 40 51 51 92
Horaires : Ouvert du mardi au jeudi et le samedi et le dimanche de 12h à 18h - Fermé le lundi et le vendredi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.