Expo : Le Rêveur de la forêt - Musée Zadkine - Jusqu'au 23 février 2020



"Le Rêveur de la forêt", oeuvre emblématique d’Ossip Zadkine (1890-1967) réalisée entre 1943 et 1944 qui a donné son nom à l’exposition, évoque intensément l’attachement intime de l’artiste franco-russe au monde sauvage de la nature, à la forêt en particulier, espace de fantasmes, de peurs. La silhouette majestueuse, arrachée directement à la matière d’un tronc monumental, personnifie le double psychique du sculpteur. Elle appartient au lieu nourricier de la forêt, domaine sacré de l’innocence originelle d’où jaillit la vie des créatures non-domestiquées. Une quarantaine d’artistes, du XXème siècle à nos jours, sont réunis au musée Zadkine afin de célébrer la puissance créatrice de la forêt. Cet ensemble remarquable réuni grâce à de nombreux prêts de musées et de collections privées, place en exergue la vivace interaction entre les arts, poésie, philosophie, sciences. Au-delà de la beauté plastique du motif végétal, la juxtaposition éclaire sous un nouveau jour le lien organique, essentiel, d’Ossip Zadkine avec la nature, tout en convoquant les préoccupations écologiques contemporaines. L’exposition ouvre une réflexion nécessaire sur l’importance et la fragilité de la forêt, la place de l’homme dans son environnement, le fonctionnement des écosystèmes.











Très jeune, Ossip Zadkine conçoit une fascination pour la matière et pour le bois en particulier. Il part souvent en vacances chez son oncle maternel qui dans la grande tradition d’une famille descendant d’Ecossais établis en Russie au XVIIème siècle, construit des bateaux dans les monts de Valoraï. Les longues promenades en forêt de son enfance marquent l’artiste en devenir qui poursuit plus tard l’étude du travail sur bois en Angleterre à l’Arts and Crafts School. 

Pour Zadkine les arbres sont des sculptures naturelles. Dans ses oeuvres, le bois conserve ses nœuds, ses longues lignes dans la fibre et la trace de l’outil. Un dialogue intime, instinctif se noue entre l’artiste et la matière, lien vital qui relie l’homme à la nature. L’artiste très attaché à la terre et à la forêt, considère cette dernière comme un lieu de ressourcement essentiel, de renouvellement. Ses hommes-arbres, formes déliées intriquées, fusionnent l’humain et végétal. 










Traversant les époques, aux côtés de Guillaume Apollinaire, Pablo Picasso, Séraphine de Senlis, Paul Gauguin, Jean Dubuffet, Edvard Munch, Germaine Richier, Alberto Giacometti, André Derain, Max Ernst, Hans Arp, Séraphine de Senlis… l’exposition déploie une grande diversité de media, dessins, peintures, vidéos, céramiques, sculptures, gravures, photographies. 

L’arbre se fait matière de l’art, de la création. Le sculpteur révèle la forme emprisonnée dans le bois. Par le biais de la taille directe, technique ancestrale, Zadkine exprime l’élan créatif dans l’instant, dans l’immédiateté de l’impulsion. Dans cette approche sensuelle et rustique, il explore les potentiels de la pierre ou du bois, atteint à une forme de vérité. Ce travail particulier de la matière convoque les liens puissants qui unissent l’artiste à la nature. Sous son burin, la force de l’émotion prend corps dans les déformations expressives, le modelé souple. 











L’ensemble des grands bois assemblés à l’occasion de l’exposition illustre cette quête d’expressivité. Stylisation des traits, sensualité des courbes organiques, éléments géométriques issus du vocabulaire plastique cubiste, la fantaisie du sculpteur s’exprime à travers le foisonnement poétique des détails, une vitalité baroque. Les lignes déliées, élancements vers le ciel, alternances de courbes, de creux et de pleins, accentuent la ressemblance avec l’enchevêtrement des branches dans une synthèse des volumes exaltée et sensible.

Fruit de sentiments contradictoires, la fascination des hommes pour la forêt a engendré mythes et croyances. Cette forme de révérence aux forces vitales et au danger primal s’est incarnée dans l’idée du sacré. Jusqu’à l’avènement de la Révolution industrielle et les bouleversements économiques. Le fonctionnement du monde contemporain a éloigné l’homme de l’environnement originel au point de le prendre pour acquis voire pas nécessaire à sa survie. 











Déforestation volontaire, incendies insurmontables, urbanisme galopant, destruction des habitats naturels, de nos jours, les écosystèmes sont menacés par des périls écologiques liés à nos modes de vie qui annoncent la disparition inéluctable des forêts. L’exposition présentée au musée Zadkine interroge le rôle de l’artiste préoccupé par les causes environnementales dans le devenir du monde naturel.

Le Rêveur de la forêt 
Jusqu’au 20 février 2020

100 rue d’Assas - Paris 6
Horaires : Du mardi au dimanche de 10h à 18h - Fermé le lundi
Tél : 01 55 42 77 20



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.