Cinéma : On va tout péter, un documentaire de Lech Kowalski



En mai 2017, débute le combat des ouvriers de GM&S, un équipementier automobile. Leur usine de La Souterraine dans la Creuse est menacée de liquidation judiciaire à la suite d’une gestion malheureuse menée par les propriétaires successifs. Lorsqu’un repreneur se manifeste, il établit un plan social drastique. Sur les 277 salariés plus de 150 partiront au chômage. Ses travailleurs ont passé 10, 20, 30 ans dans la même entreprise et se retrouvent démunis face à la situation. L’amertume devient le moteur d’un combat à la violence plus ressentie que réalisée, contre les groupes industriels et le gouvernement. Dans le respect de la loi, les ouvriers de l’usine entrent en lutte afin de sauver leurs emplois. Ils multiplient blocages, sit-in, chaînes humaines, des actions désespérées à chaque fois repoussées par les forces de l’ordre.







Lech Kowalski, réalisateur américain d’origine polonaise qui vit en France, capte la réalité d’un combat d’une grande dureté. Par le choix d’un sujet politique fort, il prolonge son exploration des formes modernes de l’exclusion. Le parallèle avec le mouvement des Gilets Jaunes apparu en novembre 2018 semble évident au visionnage de ce documentaire présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2019.

Débuté dans les années 1970, le vaste mouvement de désindustrialisation du pays entraînant délocalisation, fermetures d’usines, compressions de personnel, a laissé le monde ouvrier exsangue. Et l’obsession néo-libérale pour la réduction des coûts de production afin de satisfaire les actionnaires fait peu à peu disparaître ces travailleurs. 

Lech Kowalski a tourné en immersion des images brutes du mouvement au quotidien, ses contradictions, ses agitations. Il a saisi la révolte de ces hommes, leurs espoirs, leur impuissance aussi.  Il prend le parti de ne pas mettre en avant, au profit du récit, un potentiel leader du mouvement afin que chaque protagoniste soit reconnu, célébrer le collectif. Réalisateur observateur, il a fait le choix d’une forme de neutralité, celle de ne jamais intervenir. Lech Kowalski porte un regard de cinéaste sur ce chaos, en distillant une certaine dramaturgie, l’angoisse quand vacille les destins entre la survie ou la condamnation. Il se refuse au manichéisme ou au pathos, célébrant la dignité, la fierté collective. Une profonde humanité se dégage de cette oeuvre qui interroge la pertinence des images dans l’action collective.




Lech Kowalski saisit la solidarité entre les hommes tout en soulignant la solitude du combat, les incertitudes qui alimentent la rancœur. Lâchés par les politiques, le candidat Macron s’était engagé auprès des ouvriers, par les clients partenaires Renault et PSA qui pourtant s’étaient portés garant de leurs carnets de commandes, les ouvriers n’ont plus d’autres solutions que de se révolter. Chronique d’une lutte, documentaire puissant.

On va tout péter, un documentaire de Lech Kowalski
Sortie le 9 octobre 2019



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.