Cinéma : Fête de famille, de Cédric Kahn - Avec Catherine Deneuve, Vincent Macaigne, Emmanuelle Bercot



Dans une grande maison à la campagne, toute une famille est réunie le temps des vacances, à l’occasion de l’anniversaire d’Andréa, la matriarche. Sous un arbre centenaire, la table est dressée. Les gamins jouent dans le jardin. En cuisine, on s’affaire aux préparatifs du repas. Jean, le grand-père effacé, veille. Vincent, le fils aîné, banquier qui a réussi professionnellement et n’en est pas peu fier est venu avec son épouse, Marie, une bourgeoise distante et leurs deux enfants. Romain, le cadet un peu paumé, l’artiste de la famille, intermittent du spectacle désargenté, est accompagné de sa dernière fiancée en date, une belle étrangère. Tout le monde se demande ce qu’elle lui trouve. Et puis il y Emma une adolescente boudeuse, confiée à ses grands-parents Andréa et Jean. Elle est la fille de Claire, l’aînée de la fratrie, issue d’un premier mariage, qui est partie vivre en Floride et n’a plus donné de nouvelles depuis trois ans. Le retour inopiné de cette dernière va bouleverser la fête. Elle exige de reprendre son dû, l’héritage de son père décédé depuis longtemps. Mais l’ensemble de la famille semble lui dénier ses droits sur cet argent, sous prétexte de son instabilité mentale. Ils la tiennent pour folle. Andréa tente d’arrondir les angles.







Sur le thème des retrouvailles familiales qui tournent à l’aigre, motif rebattu aux figures imposées, Cédric Kahn réalise un psychodrame incarné ponctué de moments de comédie pure. Le prétexte scénaristique de la réunion permet au cinéaste d’explorer les névroses engendrées par le clan lui-même dans un huis clos tragi-comique, intense, oppressant. L’harmonie est remise en question par l’arrivée de celle sur laquelle plus personne ne comptait. Claire personnifie le malaise. Elle devient le catalyseur du ressentiment en appuyant sur le point de crispation universel, l’argent. Grandeur et fragilités d’une famille qui s’aime se déchire et se lance dans de grandes explications cathartiques. Les dialogues tranchants, vifs, drôles, déploient l’éventail des sentiments contradictoires. 

Sous l’œil de Cédric Kahn, mensonges et vérités croisent la tentation du pardon, le vertige de la folie. Le réalisateur questionne la cellule familiale et porte un regard nuancé sur cette mise à nue évitant l’écueil de la plupart des poncifs. Avec l’omniprésence de la caméra de Romain qui tient beaucoup à saisir ces retrouvailles en l’image intervient l’idée du film dans le film, de la mise en abyme. Lorsque les querelles intestines éclatent au grand jour, la mise en scène assume sa théâtralité. 




La direction d’acteurs énergique confère au film une forme de bouillonnement très vivant, très naturaliste. Dans un jeu de chassé-croisé impeccable, le trio d’adultes resté sur des rancoeurs d’enfants, des jalousies d’adolescent personnifie toutes les frustrations familiales. Emmanuelle Bercot prête ses traits à Claire, quadragénaire bipolaire, incontrôlable, imprévisible, tenue pour folle. Personnage ambigu à la fois déchirante et insupportable, Claire, l’outil de la bascule, ose les non-dits, les secrets inavouables. Sa demande d’argent s'apparente en fait bien plus à une demande d’amour, d’attention. Ce qu’elle désire c’est reprendre sa place dans la fratrie. On doit les scènes de comédie les plus réussies à Vincent Macaigne impeccable en paumé lunaire sympathique tandis que le réalisateur Cédric Kahn dans le rôle de Vincent, le fils prodigue, joue les grands seigneurs, redresseur de torts, très imbu de sa personne, plutôt horripilant. Humaine et touchante, la reine-mère Andréa, incarnée par Catherine Deneuve, contient la tempête et lutte contre la violence s’insinuant dans les rapports.

Instantané doux-amer, Fête de famille parvient à faire le grand écart entre gravité et humour.

Fête de famille, de Cédric Kahn
Avec Catherine Deneuve, Cédric Kahn, Emmanuelle Bercot, Vincent Macaigne, Alain Artur, Laetitia Colombani, Isabel Aimé Gonzalez Sola 
Sortie le 4 septembre 2019



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.