Collectif de l’âge d’or du reggae, Inna de Yard est avant tout un concept, celui d’un mode d’enregistrement hors studio, dans le yard, l’arrière-cour des maisons jamaïcaines. Trente ans après l’essor du courant musical, légendes vivantes Kiddus I, Winston McAnuff, Ken Boothe, Cedric Mython, Judy Mowatt, les Viceroys et jeune relève Jah9, Kush McAnuff ou encore Var se réunissent à Kingston. Ils enregistrent ensemble un album monument définitif, les plus grands succès du reggae repris dans des versions inédites, en pleine nature avant un grand concert événement à Paris au Trianon et une tournée dans le monde entier. Portraits d’hommes et de femmes qui ont connu aussi bien le succès que les revers de fortune et constituent aujourd’hui l’héritage vivant de ce mouvement.
Buena Vista Social Club version Jamaïque, le documentaire Inna de Yard observe avec acuité le retour en grâce des vétérans de la scène jamaïcaine après une consécration institutionnelle du courant musical avec l’inscription du reggae au patrimoine mondiale de l’Unesco. Reggae, ska, rocksteady, Peter Webber, réalisateur britannique de La jeune fille à la perle et la série Hannibal, est tombé dedans à l’âge de 15 ans. Il habite alors à l’ouest de Londres où vit une importante communauté originaire des Caraïbes qui transmet le reggae au quotidien. Mais c’est avec le premier album des Clash en 1977 et la reprise de Junior Murvin avec le morceau Police and Thieves que le cinéaste rencontre la musique et ne s’en défera plus.
Laissant filtrer l’émotion derrière le prétexte du projet discographique, il filme une aventure humaine, reconstitue et décrypte la dimension sociologique du reggae et la transmission de cette culture particulière. Les artistes qu’il suit et interroge incarnent l’espoir, la force d’âme et la résilience du mouvement. Charisme patiné et nostalgie d’une gloire évanouie, les acteurs du courant nous parlent de filiation, de résonances sociétales mais aussi du passé esclavagiste de la Jamaïque et de la misère endémique actuelle.
Peter Webber réalise une série de portraits qui illustrent les parcours cabossés sur fond de réalité sociale, embrassant la diversité des destins et le quotidien pauvreté. La réalisation classique peut-être un peu trop proprette alternent entretiens face caméra entrecoupés d’images d’archives, vues panoramiques de l’île, beauté sauvage tandis que sur les hauteurs de Kingston plusieurs générations de musiciens procèdent à des sessions d’enregistrement en mode acoustique et séquences tournées lors du concert au Trianon.
Incarnant un genre musical, le mythe et l’universalité, sa dimension hautement spirituelle, Inna de Yard raconte le reggae par ceux qui le font dans une immersion vivifiante au cœur de la mémoire.
Inna de Yard, un documentaire de Peter Webber
Avec Winston McAnuff, Ken Boothe, Cédric Myton, Kiddus I, Judy Mowatt
Sortie le 10 juillet 2019
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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