Cinéma : Love, Cecil (Beaton), un documentaire de Lisa Immordino Vreeland



Figure majeur du monde des arts durant près de soixante ans, esprit impérieux, dandy intemporel, Cecil Beaton (1904-1980) a marqué de son empreinte l’esthétique du XXème siècle. Cet iconoclaste hyperactif sera tourmenté toute sa vie par une ambition, celle de n’être jamais ordinaire, d’échapper aux stigmates, aux contraintes de la vie quotidienne. Photographe, illustrateur, concepteur oscarisé de costumes pour le cinéma, scénographe pour les théâtres londoniens, auteur de nombreux articles et d’une trentaine d’ouvrages, ce grand mondain, organisateur de fêtes d’anthologie, échappe aux catégories. Cet inclassable savait se faire le chroniqueur des évolutions sociétales et artistiques. Il aura vécu une existence dédiée à l’esthétique visuelle, à la glamourisation de tous les instants. A la suite du documentaire dédié à Diana Vreeland, puis celui à Peggy Guggenheim dont je vous parlais ici, Lisa Immordino Vreeland, s’intéresse à la personnalité complexe de Cecil Beaton. Son film, Love, Cecil (Beaton) dresse un portrait flatteur mais ne recule néanmoins pas devant les controverses suscitées par le personnage.






Rejeton de la classe moyenne britannique aisée, Cecil Beaton est introduit dans la haute société par son ami Stephen Tennant au début des années 1920. Il se fait connaître en photographiant la jeunesse dorée des Roaring Twenties, les Bright Young Things. Engagé par le groupe Condé Nast comme illustrateur, sa carrière s’oriente rapidement vers la photo de mode et les portraits de célébrité. Il travaille pour Harper’s Bazaar, Vanity fair, Vogue, portraiture le tout Hollywood et devient même le photographe officiel de la famille royale britannique en 1937.

Malgré ses dons évidents, Cecil Beaton a développé un penchant singulier pour l’auto-sabotage. En 1938, un « incident » vient briser sa trajectoire ascendante. Il réalise une illustration pour Vogue contenant des inscriptions antisémites. A la publication, c’est le tollé. Cloué au pilori, Cecil est frappé d’ignominie, sa carrière remise en question. Il ne doit son retour qu’à son engagement patriotique au cours de la Seconde Guerre Mondiale durant laquelle sur le front, il photographie les anonymes pour le compte du ministère de l’Information. 






Dans les années 1950, Cecil Beaton, lui qui a tiré le portrait des plus grands stars hollywoodiennes Gary Cooper, Audrey Hepburn, Marilyn Monroe, Greta Garbo, se consacre au cinéma et au théâtre. Il signe scénographies, décors et costumes et reçoit deux oscars pour son travail artistique sur My Fair Lady et Gigi

Regard bienveillant, légèreté revendiquée, Lisa Immordino Vreeland compose un documentaire privilégiant l’efficacité à l’esthétique, la forme étant moins importante que le propos. Le portrait est chaleureux mais relativement superficiel, le récit linéaire, le propos chronologique, certes divertissant mais ne reflétant pas la fantaisie de son sujet, l’extravagance de l’homme. Les archives en abondance, dont une entrevue télévisée réalisée à la fin de sa vie, les images de son portfolio, croisent les entretiens réalisés pour le documentaire avec le photographe David Bailey, l’artiste David Hockney, le designer Isaac Mizrahi, ainsi que le biographe de Beaton Hugo Vickers. 




Fil rouge du film, les carnets personnels lus par le comédien Rupert Everett éclairent sous un jour différent les excentricités de sa personnalité, son art de cultiver des ennemis, son romantisme frustré, le manque d’épanouissement de sa vie sentimentale. Love, Cecil prend le parti d’éclairer les talents multiples de cet excentrique narcissique plutôt que sa personnalité flamboyante. Portrait bien trop sage d’un esthète obsédé par toutes les formes d’expression visuelle.

Love, Cecil, un documentaire de Lisa Immordino Vreeland
Avec Cecil Beaton, Rupert Everett (narrateur), Leslie Caron, David Hockney, Isaac Mizrahi, Julie Andrews, Truman Capote
Sortie le 10 avril 2019



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.