Paris : Passage Vendôme, décrépitude d'un passage couvert parisien laissé à l'abandon - IIIème



Le passage Vendôme, propriété d’une personne privée, a été livré à la déliquescence au point de n’être plus qu’un pigeonnier nauséabond. Abandonné par ses commerçants qui ont peu à peu fermé boutique, il est envahi par les volatiles qui y nichent et s’y protègent des intempéries, profitant du calme de cette percée couverte. Ouvert sur la place de la République, le passage a de nos jours bien triste allure. Les murs sont recouverts de graffitis et de fiente. Le sol de béton brut également. Pourtant, sous le délabrement, l’élégance de l’architecture perdure. L’ensemble du passage ainsi que les façades et les toitures sont inscrits aux Monuments historiques depuis le 13 avril 1987. Les rares commerces persévérants semblent bien piteux. Les micro-cantines qui s’y trouvent encore pâtissent de l’atmosphère crasseuse des lieux. Une minuscule cordonnerie fait de la résistance. Mais les vitrines aveugles se multiplient. Seules les échoppes ayant une entrée principale sur la place de la République ou sur la rue Béranger s’en sortent encore. Malgré son potentiel, le passage Vendôme connaît depuis sa création des revers de fortune. Malaimé du public, boudé par les riverains, laissé à l’abandon, ce lieu est aujourd’hui d’une rare tristesse voire tout à fait sinistre.











En 1790, les terrains entre le Temple et le boulevard, propriété depuis 1704 du couvent des Filles du Sauveurs, sont confisqués par les Révolutionnaires. Devenues bien national, les parcelles sont vendues en 1796. Elles échoient au futur général d’Empire, Jean-Luc Dariule qui se sent l’âme bâtisseuse. En 1800, le passage du Jeu de Paume, en référence à la salle voisine du maître paumier Charrier, est percé à travers le pâté de maison qui sépare la place du Château-d’Eau, future place de la République et la rue Vendôme, nommée en l’hommage duc de Vendôme, grand prieur de France. 

En pleine Restauration, la mode des passages couverts parisiens bat son plein. Les opérations immobilières se multiplient. Très excentré par rapport aux autres mais élevé sur un emplacement de choix, entre le boulevard animé par les théâtres et le marché de l’Enclos du Temple, le passage Vendôme reprend partiellement le tracé du passage du Jeu de Paume. En charge des plans, l’architecte Jean-Baptiste Labadye (1777-1850) imagine une façade de style Restauration, alignant cinq arcades cintrées qui alternent avec des œils-de-bœuf, une arcade centrale encadrée de pilastres et de niches. 










Le projet fini est livré en 1827. Son élégance architecturale, ses belles dimensions, séduisent et les quarante boutiques trouvent rapidement preneur. Mais après des premiers temps prometteurs, l’activité périclite rapidement. Les passages couverts plaisent moins. Sous le Second Empire, les grands travaux haussmanniens ne vont pas arranger le cas du passage Vendôme. 

En 1869, l’aménagement de la place de la République entraîne la démolition de la partie nord du passage qui le raccourcit de 4 mètres, réduisant sa longueur à 57 mètres. Il perd sa façade sur le boulevard du Temple et une partie de la verrière d’origine remplacé par deux couvertures disparates sur les deux tronçons du passage. L’architecte Etienne Soty (1827-1905) mène la reconstruction du nouvel immeuble en façade et de la nouvelle entrée du passage. Afin de rattraper la différence de niveau entre la place abaissée au cours des travaux et la rue Béranger, trois volées de marches sont ajoutées.










N’ayant jamais rencontré son public, le passage Vendôme a lentement périclité. Pourtant en 2005, une vaste opération de rénovation partielle a été menée. Verrières, corniches et peintures ont été rafraîchies mais il ne reste rien aujourd’hui de ces grands nettoyages. La rénovation du sol qui n’a jamais été achevée, a laissé un béton brut fort ingrat. Très dégradé depuis, le passage Vendôme ne semble pas près de retrouver son lustre d’origine.

Passage Vendôme - Paris 3
Accès 16/18 rue Béranger - 1 place de la République



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Paris et ses passages couverts - Guy Lambert - Editions du patrimoine Centre des monuments nationaux
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Editions Hachette
Passage couverts parisiens - Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois - Editions Parigramme
Le guide du promeneur 3è arrondissement - Isabelle Dérens - Parigramme

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