Paris : Prométhée, une oeuvre signée Ossip Zadkine - place Saint-Germain-des-Prés - VIème



Le Prométhée signé Ossip Zadkine (1890-1967) se dressant sur la place Saint-Germain-des-Prés, est une épreuve monumentale en bronze, haute de trois mètres, coulée à la Fonderie Susse et Frères d’après une sculpture originale en bois réalisée entre 1955 et 1956. La statue qui fut tout d’abord placée à l’entrée du quartier de l’Horloge lors de son inauguration en 1979 a été déplacée dans le VIème arrondissement à la fin des années 2000. Le Grand Assistant de Max Ernst dont je vous parlais ici a depuis pris sa place rue Rambuteau en face du Centre Pompidou. L’oeuvre évoque une scène de la mythologie grecque. Le Titan Prométhée vient tout juste de dérober le feu divin de l’Olympe. Il veut l’offrir aux mortels contre l’avis de Zeus. Courroucé par ce larcin, le roi des dieux sera sans pitié envers ce protecteur de l’humanité. Par la suite, Prométhée est condamné à être enchaîné à un rocher où chaque jour un aigle vient lui dévorer le foie, organe qui chaque nuit se régénère afin que son supplice soit éternel. Dans cette représentation de Prométhée serrant le feu sacré sur sa poitrine, le vol n’a pas encore été découvert. La forme très stylisée de cette figure longiligne laisse transparaître l’évolution du processus créatif de Zadkine, sa passion pour la matière, sa quête d’expressivité, la force des émotions.











Après des classes en Angleterre à l’Arts and Crafts School, Ossip Zadkine se rend à Paris en 1909. Il suit des cours aux Beaux-Arts mais son admiration pour Rodin semble incompatible avec l’enseignement académique. Au bout de six mois, il quitte l’école. Rapidement, il fait connaissance avec les grandes figures de l’avant-garde parisienne, Apollinaire, Picasso, Archipenko, Cendrars, Brancusi, Delaunay, Giacometti. Zadkine s’installe à la Ruche, épicentre de la vie artistique. 

Le jeune sculpteur affirme peu à peu son style. Il explore la technique de la taille directe sur pierre et bois qui semble répondre à son désir d’impulsivité, en accord avec sa vision de l’élan créatif. Vers 1914, sous l’influence de Lipchitz et Laurens, il s’oriente vers le cubisme, un mouvement qui lui permet d’expérimenter les possibilités de la matière, les creux et les reliefs. Néanmoins, il s’émancipe rapidement son tempérament fougueux entrant profondément en contradiction avec l’austérité formelle du cubisme. 

Marqué par son expérience sur le front durant la guerre, Zadkine cherche à imprimer aux formes une nouvelle expression sensible et donne naissance à des oeuvres chargées d'émotion. Le travail d’évidemment et de perforation au plus près de la matière marque sa production, enchevêtrement de lignes, jeux de vide et de plein, élancements et déliés. Il se passionne pour la statuaire grecque, romane, gothique, les arts africains, où s’exerce la synthèse des volumes, alternance de courbes et de contre-courbes. 










A partir des années 1950, tenté par l’abstraction, Ossip Zadkine assume la dimension plastique de l’objet sculpté, mais envisage de subordonner l’expérimentation formelle à l’expressivité. La recherche autour d’un modelé plus souple jusqu’à la déformation accentue l’émotion. « Le langage de la sculpture est un néant prétentieux s’il n’est pas composé de mots d’amour et de poésie. » 

Le Prométhée original exécuté dans du bois d’orme, une essence devenue rare de nos jours mais très prisée par Zadkine, fait partie des tout premiers grands bois travaillés selon sa technique de prédilection, la taille directe sur un seul bloc. Sous les mains du sculpteur, le corps du Titan et la silhouette du tronc sont entrés en symbiose. Deux jambes, deux bras se détachent et le feu sacré ondoyant, presque végétal dans ses courbes, monte vers un visage aux traits déstructurés à l’équerre. Les effets de matière, les traces d’outils apparentes dans la matière du bois se retrouvent reproduits à l’identique sur le bronze.

Les draperies en volutes rappelant les tuniques antiques souligne l’idée d’un thème néo-classique. La déstructuration formelle et la singularité des volumes aplanis relèvent du vocabulaire plastique cubiste. La stylisation extrême des traits, les éléments géométriques, l’allégement des formes et la rythmique syncopée des lignes confirme un traitement moderne évocateur.

Prométhée, Ossip Zadkine 1956
Place Saint-Germain-des-Prés - Paris 6



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Guide des statues de Paris - Georges Poisson - Editions Hazan
Statues de Paris, les rues de la Rive Gauche - Georges Belleiche - Editions Massin
Paris - 600 Sculptures À Ciel Ouvert Frédéric Tran - Editions Christine Bonneton

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